Symbole de la sagesse populaire ou naufrage

Le vieillissement au XXIe siècle

Tout le monde doit y passer, en vertu de la loi de l’évolution selon laquelle, chacun se développe, après la naissance et atteint son épanouissement à l’âge adulte avant de sombrer dans le vieillissement.

Nous avons interrogé dans la rue un croulant qui nous dit avoir consacré ses années de jeunesse au métier de receveur d’autobus en milieu rural. «Je n’en ai que de beaux souvenirs, sauf celui d’un homme qui m’avait dit, et ses paroles sonnent encore à mes oreille tant sa voix fut retentissante : «Tu deviendras vieux toi aussi» parce que je m’étais adressé à un vieillard traînant le pas en se dirigeant vers l’autocar, en des termes assez durs : «Dépêche-toi, vieux» jusqu’à aujourd’hui, je n’ai pas cessé de mesurer la gravité de mes propos.». Et que de proverbes sont consacrés à cet âge difficile pour une catégorie, mais vécu avec philosophie par d’autres.
Certains regrettent de n’avoir pas su tirer un plus grand profit de leurs plus belles années pour avoir exercé des métiers difficiles qui ne leur ont laissé aucun instant de bonheur. Aujourd’hui, ils regrettent de n’avoir pas été à l’école, ou d’avoir fait les voyous pendant les années de jeunesse, ou de n’avoir pas écouté les aînés. Ah ! Si jeunesse savait et si vieillesse pouvait. On vit bien sa vieillesse lorsqu’on a le sentiment d’avoir accompli ses devoirs ou qu’on a eu une vie bien remplie. On est alors heureux de faire un bilan positif et on en est fier.

Ce qu’apporte la vieillesse
Tout dépend du contexte populaire ou socioculturel. Dans la tradition, le vieillard est le patriarche qui veille aux règles de conduite, à la sauvegarde du patrimoine culturel et moral ainsi qu’aux valeurs qui ont fait jadis la force des sociétés conservatrices. Mais, évitons toute méprise, car tous les vieux n’ont pas été des tyrans.
Beaucoup, avec l’expérience de la vie et la sagesse qui en est l’heureuse conséquence, sont devenus de vraies bibliothèques, des conseillers infaillibles que l’on vient consulter dès qu’on se trouve devant des alternatives difficiles. Que de joie on éprouve en leur compagnie ! Et quelle chance on a de les côtoyer au quotidien ! Tous les vieux qui ont amassé la sagesse populaire, ou qui ont fait l’effort de mémoriser tout ce qu’ils ont entendu de bon, depuis leur jeunesse, sont respectables. Porteurs de toutes les qualités humaines ; respect, esprit d’analyse objective, compréhension, connaissances dans des domaines importants, on leur doit toute notre reconnaissance. Au Japon, toutes les écoles, particulièrement les écoles maternelles, sont construites à côté des maisons de vieillards, pour permettre la transmission des valeurs ancestrales des vieux aux générations montante. «Lorsqu’un vieux meurt, c’est une bibliothèque qui brûle» dit un proverbe africain. Toute l’Afrique profonde reste marquée par la culture des griots, ces vieux qui, après avoir acquis, au fil du temps, toute la culture populaire, deviennent des sages qu’on vénère.

A quel âge devient-on vieux ?
Cela dépend du milieu, de l’état d’esprit de chacun. Pour Aristote, c’est 35 ans pour le corps et 49 ans pour l’esprit. Nos aînés ont dit qu’on cesse d’être jeune adulte à partir du moment où on cesse de rire pour des bagatelles.Certains pensent que le vrai vieux est celui qui arrête de travailler, car le travail c’est la santé et c’est la liberté. «Si j’arrête de travailler, j’amorcerais une pente dangereuse de perte de mémoire et de déséquilibre physique», dit un vieux qui continuait d’écrire malgré son âge avancé.
Mais, l’expérience nous a appris qu’un vieux est toujours quelqu’un qui nous dépasse de quelque dix ans. Pour un homme de 70 ans, un vieux est celui qui a 80 ans. «On a l’impression d’avoir de l’âge», dit un vieux de 92 ans. On n’a pas le sentiment d’être vieux lorsqu’on a la santé et les moyens de vivre. Que c’est dur d’être vieux et pauvre ! Des écrivains nous les ont bien dépeints en train de se débattre dans les pires difficultés. Le père d’Amar Oukaci dans la Terre et le Sang en est un exemple typique. Il a travaillé comme un nègre et au soir de sa vie, il a été abandonné par son fils unique, au point de se sentir obligé de vendre toutes ses propriétés pour acheter de quoi survivre avec sa vieille. Laissons à Tchekhov le soin de conclure : «Nous travaillons pour les autres jusqu’à notre vieillesse et quand notre heure viendra, nous mourrons sans murmure et nous dirons dans, l’autre monde que nous avons souffert, que nous avons pleuré, que nous avons vécu de longues années d’amertume et Dieu aura pitié de nous…».
Abed Boumediene