L’industrie du jeu vidéo bat des records

Coronavirus

Portée par les mesures de confinement décrétées partout dans le monde pour lutter contre le Covid-19, l’industrie du jeu vidéo voit ses chiffres battre des records.

Ventes en ligne, téléchargements, visionnages… Alors que de nombreux marchés s’effondrent à cause du confinement d’une grande partie de l’Humanité pour lutter contre le Covid-19, pour celui du jeu vidéo, tous les indicateurs sont au vert. Seul le secteur de la vente en boutique souffre de la crise sanitaire étant donné la fermeture des points de vente spécialisés. Sur la période du 16 au 22 mars, 2,74 millions de jeux ont été téléchargés sur le marché EMEAA (Europe, Moyen-Orient, Asie et Afrique), soit une hausse de 52,9% par rapport à la semaine précédente. « Les ventes de jeux vidéo sont en plein essor suite à l’épidémie de coronavirus », commente le site spécialisé Games industry, qui révèle ces chiffres issus des données de 50 pays des EMEAA (donc sans les États-Unis). Un phénomène bien entendu lié au coronavirus mais qui est également exacerbé par la sortie de deux jeux : Animal Crossing et Doom. Entre ces mêmes dates, en France, entrée en confinement le 17 mars, l’augmentation est de 180%. Même constat pour l’Espagne (+142,8%), où le confinement a été décrété le 14 mars. En Italie, le premier pays européen à avoir mis en place le confinement, les ventes numériques ont explosé de 174,9% la semaine suivant les mesures de lutte contre le Covid-19. Les plateformes de jeux telles que Steam enregistrent des records historiques de connexion, tout comme celles de streaming comme Twitch. « Le jeu vidéo est quelque chose d’assez remarquable pour ces situations. On peut faire du sport, s’immerger dans un univers qui permet de sortir de chez nous. Mais aussi jouer ensemble et avoir des relations à distance», estime Emmanuel Martin, délégué général du syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs (SELL), pour qui cette hausse est logique et «conjoncturelle».

Un marché tous publics
Aujourd’hui, le catalogue de jeux vidéo est varié. Du jeu de guerre à celui de réflexion en passant par ceux permettant de faire du sport, l’offre s’adresse à tous les publics. Pour encourager la distanciation sociale, l’OMS avait d’ailleurs, fin mars, incité les citoyens à jouer au jeu vidéo en soutenant l’initiative « PlayApartTogether » (Jouez ensemble, mais à distance) lancée avec 18 acteurs du jeu vidéo. Une décision qui avait suscité l’étonnement puisque depuis 2018, l’Organisation mondiale de la Santé reconnaît l’addiction aux jeux vidéo comme une maladie mentale. Dans les pays où le confinement est arrivé plus tardivement, comme le Royaume-Uni, la peur de se retrouver enfermé n’a pas été bénéfique qu’à la vente de jeux. Les citoyens ont été nombreux à vouloir s’équiper avant d’être confinés. Pendant la semaine du 9 au 15 mars, les ventes de consoles ont augmenté de 126,6% puis de 250% la semaine suivante. En Australie, la hausse a été de 19,6% puis de 285,6%. Une autre tendance se dessine en cette période de confinement : les anciens joueurs qui reviennent dans l’univers du jeu vidéo. « On voit beaucoup de gens qui reconnectent des anciennes consoles, on voit que le jeu vidéo est un loisir très apprécié dans ce contexte particulier», explique à RFI Thomas Beaufils, responsable de la communication chez Xbox.

Les jeux sur mobile battent des records
Si les jeux sur console et PC ont le vent en poupe, c’est aussi le cas des jeux sur mobile qui ont atteint des niveaux historiques. Selon l’observatoire du marché des applications App Annie « les téléchargements de jeux mobiles ont augmenté, avec des téléchargements hebdomadaires de jeux en mars 2020 en hausse de 30% » par rapport à la totalité du quatrième trimestre 2019. Sur le continent africain, notamment, « l’utilisation des jeux sur mobile a explosé », explique à RFI Sidick Bakayoko, le fondateur de Paradise Game, une start-up qui vise à promouvoir la pratique personnelle et professionnelle du jeu vidéo en Afrique. Si les contraintes « liées à l’accès aux consoles et à la connexion haut débit » ont limité la hausse des ventes de console et PC, c’est loin d’être le cas pour les jeux mobiles. Le fait que les citoyens restent chez eux permet aux éditeurs de jeux vidéo africains d’explorer de nouvelles opportunités. « Avec le confinement, ça pousse les gens à jouer en ligne, car ils veulent le faire avec d’autres personnes », analyse M. Bakayoko qui espère ainsi voir un changement se faire dans la consommation des jeux en ligne en Afrique. Et pour développer ce phénomène et étendre la pratique du jeu en ligne sur le continent, ses équipes travaillent sur plusieurs projets dont certains pourraient voir le jour rapidement. Ainsi, un évènement de gaming entre plusieurs pays et une application mobile « pour mettre en contact des joueurs un peu partout sur le continent » devraient voir le jour. Voir des joueurs du «Nigeria jouer avec ceux de l’Afrique du Sud ou d’autres pays, cela peut être très intéressant», espère-t-il.

La crainte de l’après-crise
Si pour l’instant le marché jubile, l’avenir est brumeux pour tous les acteurs du jeu vidéo. Les annulations des grands rendez-vous du secteur tels que l’E3 ou la Gamescom, dont l’annonce de l’annulation est survenue le 16 avril, font planer énormément d’incertitudes. « Traditionnellement les consoles sortent début novembre. On les dévoile lors de l’E3 et ensuite on les montre au public à la Gamescom juste avant », explique le directeur du SELL. Chaque fin de « cycle », la période entre deux nouvelles consoles est souvent compliquée pour les firmes du jeu vidéo et à cause du coronavirus, « on risque de voir se prolonger cette fin de cycle », s’inquiète Emmanuel Martin. « On n’est pas sûr de retrouver tous les acteurs » du jeu vidéo à la fin de la crise sanitaire, conclut-il. Pour les grandes enseignes, qui misent énormément sur cette fin d’année avec la sortie des nouvelles consoles de Sony (Playstation) et Microsoft (Xbox), ces annulations bouleversent leur plan. « Ils sont toujours en cours de construction, on ne sait pas pour le moment (…) Mais on reste sur une sortie » cette année, confirme-t-on chez Xbox évoquant une communication future axée sur le numérique. Pour les développeurs africains, l’annulation de ces grands rendez-vous est handicapante, car ils sont l’occasion de se faire connaître sur la scène internationale et d’avoir de la visibilité. « Si même Playstation et Xbox sont impactées, c’est le même effet qui va se faire ressentir sur les développeurs indépendants », regrette Sidick Bakayoko. Les éditeurs africains qui arrivent à être représentés dans les salons mondiaux « sont des porte-parole pour le jeu vidéo en Afrique » et donc « quand ces salons sont annulés, c’est une opportunité perdue », regrette-t-il.
R.P. in RFI