Effondrement des cours du pétrole

Impact de la crise mondiale

L’épidémie du coronavirus a entraîné une crise économique irréversible pour 2020, dont les répercussions risquent de durer avec des ondes de choc pour 2021, si la maladie est circonscrite avant septembre-octobre 2020, la majorité des experts prévoyant une seconde vague, en cas où le confinement ne serait pas respecté. C’est que la crise actuelle de 2020 a montré toute la vulnérabilité des économies mondiales face à des chocs externes imprévisibles, surtout des pays reposant sur une ressource éphémère dont le prix dépend de facteurs exogènes échappant aux décisions internes.

Dans ce cadre la loi de finances complémentaire 2020, devant s’éloigner du populisme qui accroîtra la crise à terme, doit agir sur plusieurs paramètres et variables afin de concilier l’efficacité économique et la justice sociale, indispensable pour la cohésion sociale durant cette conjoncture très difficile. Pour atténuer la chute des réserves de change existent quatre solutions. La première solution est de recourir à l’emprunt extérieur même ciblé. Dans la conjoncture actuelle où la majorité des pays et des banques souffrent de crise de liquidité, c’est presque une impossibilité sauf auprès de certaines banques privées mais à des taux d’intérêts excessifs et supposant des garanties. La deuxième solution est d’attirer l’investissement direct étranger : nous sommes dans le même scénario d’autant plus que selon la majorité des rapports internationaux de 2019, l’économie algérienne dans l’indice des libertés économiques est classée ver les derniers pays (bureaucratie, système financier sclérosé, corruption), la seule garantie de l’Etat algérien sont les réserves de change en voir d’épuisement (moins de 60 milliards de dollars en mars 2020). La troisième solution est de rapatrier les fuites de capitaux à l’étranger. Il faut être réaliste en distingant les capitaux investis en biens réels visibles des capitaux dans des paradis fiscaux, mis dans des prêtes noms, souvent de nationalités étrangères ou investis dans des obligations anonymes. Pour ce dernier cas c’est presque une impossibilité.
Pour le premier cas, cela demandera des procédures judiciaires longues de plusieurs années sous réserve de la collaboration étroite des pays concernés. La quatrième solution est de limiter les importations et lutter contre les surfacturations, impliquant un tableau de la valeur au niveau des douanes reliées aux réseaux nationaux (banques, fiscalité notamment) et internationaux, pour déterminer les normes, le prix international par zone selon la qualité) afin de détecter les surfacturations, tenant compte pour certains produits des fluctuations boursières. Mais existent des limites, quitte à paralyser tout l’appareil de production avec des incidences sociales (accroissement du taux de chômage), plus de 85% des entreprises publiques et privées dont la majorité n’ont pas de balances devises positives, non concurrentielles sur le marché international, important leurs équipements et leurs matières premières de l’étranger. Pour la partie dinar qui est une monnaie non convertible existent sept solutions pour atténuer le déficit budgétaire. La première solution est la saisie des biens de tous les responsables incriminés par la justice supposant un verdict final pour respecter l’Etat de droit par la vente aux enchères et un impôt dégressif sur la fortune. La seconde solution est d’intégrer la sphère informelle qui draine environ 40/45% de la masse monétaire en circulation. Cela est la partie dinars. Or les expériences historiques, notamment en période de guerre, montrent qu’en période de crise, il y a extension de cette sphère.
Or, lorsqu’un Etat émet des règles qui ne correspondent pas à l’Etat de la société, celle-ci enfante ses propres règles qui lui permettent de fonctionner existant un contrat moral beaucoup plus solide que celui de l’Etat, entre l’acheteur et le vendeur. La troisième solution est le recours à la planche à billets sous le nom de financement non conventionnel. Dans une économie totalement extériorisée où l’économie algérienne repose essentiellement sur la rente, la politique keynésienne de relance de la demande par injection monétaire afin de dynamiser l’appareil productif (offre et demande) produit des effets pervers à l’image de la dérive vénézuélienne avec une inflation qui a dépassé les 1000% pénalisant les couches les plus défavorisées. La quatrième solution est la dévaluation rampante du dinar afin de combler artificiellement le déficit budgétaire : on augmente en dinars la fiscalité pétrolière et la fiscalité ordinaire où les taxes à l’importation s’appliquent à un dinar dévalué entraînant tune augmentation des prix tant des équipements que des matières premières dont le cout final est supporté par le consommateur.
La cinquième solution, ultime, est la vente des bijoux de famille par la privatisation soit totale ou partielle supposant des acheteurs crédibles, devant éviter le passage d’un monopole public à un monopole privé beaucoup plus néfaste, un consensus social, le processus étant éminemment politique et dans ce cas, les ventes pouvant se faire en dinars ou en devises. La sixième solution est l’augmentation de la fiscalité ordinaire à travers le recouvrement des arriérés d’impôts. Mais attention à cette mesure qui dit être correctement penser car si l’on s’attaque aux activités visible de la sphère réelle, déjà en difficultés par cette crise, le risque est l’extension de la sphère informelle selon l’adage l’impôt peut tuer l’impôt. Mais existent d’autres niches fiscales notamment par une réorganisation audacieuse du système fiscal et du système domanial (plus de 50% des habitations n’ont pas de titres de propriété).
La septième solution est un emprunt de solidarité nationale. Dans cette conjoncture particulière de lutte contre la corruption qui a provoqué une névrose collective, visant d’anciens hauts responsables où souvent ce sont les banques publiques qui ont acheté les bons, et à la lumière des échecs du passés, cela aura peu d’impacts, devant favoriser l’immense élan de solidarité nationale, qu’il convient de saluer de la population algérienne. En résumé, le monde ne sera plus jamais comme avant. Durant cette crise et pour l’avenir il faudra revoir le fonctionnement tant de nos sociétés que de l’économie mondiale. Afin d’impliquer tous les acteurs, il faudra s’orienter vers plus de décentralisation autour de grands pôles régionaux tant local que mondial, à ne pas confondre avec déconcentration) avec le primat à la société civile. Face à la complexité de la compréhension de nos sociétés, il y a urgence d’intégrer les comportements au moyen d’équipes pluridisciplinaires complexes pour comprendre l’évolution de nos sociétés et agir sur elle.
Professeur des universités, expert international Dr Abderrahmane Mebtoul
(Suite et fin)