Et à chacun sa musique

Traditions

Les traditions d’un peuple sont porteuses des marques de son histoire, de sa littérature orale ou écrite. Ce qui donne à ses sons musicaux des particularités, signes de son génie créateur.

Lorsqu’on se donne la peine de les voir dans leur quotidien, on se rend compte que les différences entre les pays sont parfois frappantes dans leur mode de vie, leurs traditions et activités vivrières. L’expression qui dit que la vie humaine est faite de différences trouve là sa pleine signification. Chaque peuple est modelé à l’image de la terre qui l’a vu naître. C’est pourquoi selon le milieu naturel et le niveau de culture, les hommes d’une aire géographique donnée, créent des pratiques, sinon une civilisation différente de celles qui se sont créées ailleurs. Pour être plus clair, on n’a qu’à comparer les traditions artisanales des régions d’Algérie, différentes en tous points de vue d’une région à une autre. Ce qui s’est passé pour les genres musicaux, chez nous et dans le monde.

La musique d’un pays à l’image de la langue
L’Algérie comme tous les autres pays, a depuis la nuit des temps et malgré les occupations étrangères, développé des musiques populaires méritant pleinement le qualificatif « d’originales », parce que venues de la pensée ancestrale et réalisées à l’aide d’instruments à vent et à cordes de fabrication manuelle comme la flûte en roseau ou le tambour fait d’un support en bois et d’une peau bien tannée et bien tenue de chèvre. Que de chanteurs, de meddahs, d’évènements heureux ont attiré de nombreux spectateurs grâce à l’accompagnement musical traditionnel d’une beauté incomparable ! Que de cœurs ont vibré au rythme de ces sons harmonieux ! Etait-ce là un moyen d’expression comme un autre pour dire la joie, la tristesse, l’espoir ou le désespoir, l’esprit patriotique etc ? C’est selon les circonstances dans un pays. Il existe des groupes populaires dans le monde qui ont une préférence pour le chant religieux polyphonique, la religion étant devenue une forme de patriotiques qui ont opté pour le chant politique. Le rap s’est créé dans cette perspective, d’ailleurs de jeunes rappeurs sont hyper branchés en faveur de telle personne qui a ouvert la voie pour un idéal politique ou comme une forme d’engagement. « Le rap » est un genre musical émanant de milieux populaires déshérités. Des groupes de rappeurs, d’une trempe rare, sont hyper branchés sur les mouvements patriotiques à caractère revendicatif. Il en existe, y compris en Russie et très exactement en Sibérie. On parle du groupe de Leningrad qui chante en argot russe et avec un vocabulaire fait de vulgarités, peut-être pour mieux exprimer leur ras-le-bol.

Une musique liée à d’autres genres populaires
On va en Chine pour trouver des genres musicaux en parfaite conformité avec la civilisation du vaste pays ; on y trouve les opéras comme celui de Pékin où ce genre relève de l’art populaire qui s’est beaucoup développé grâce à de multiples groupes de rock, art le plus traditionnel qui soit. Les musiciens sont le plus souvent d’anciens élèves de conservatoires chargés d’assurer l’apprentissage ou perpétuer des traditions musicales anciennes. Les groupes de musique populaires portent un accoutrement qui leur donne un air de singularité surtout par les récits populaires. Il s’agit de groupes qui vont de village en village, maquillés et en costumes locaux dont l’élément le plus original en Chine est le chapeau de paille de forme typiquement local, proche du chapeau vietnamien. On peut imaginer Carmen joué partout dans le monde. Les histoires chinoises liées les unes aux autres prennent parfois la dimension de pièces théâtrales de type populaire et qui se jouent sur les places publiques avec un accompagnement musical. Les vieux, plus représentatifs de la culture ancestrale, sont omniprésents dans ces groupes d’acteurs, pour jouer ou pour écouter. Ce qui caractérise ces groupes, c’est la diversité créée par la mosaïque d’ethnies. Avec l’arrivée de l’internet, la conservation des autoproductions arrivent à se faire connaître et à faire partager leurs vertus. On écoute leur musique sur tous les supports possibles. Ainsi, en Chine les groupes les plus prestigieux sont ceux de pékin et de Taiwan. Ceci n’est pas spécifique à l’immense Chine, puisque dans les pays de moindre étendue mais de grande civilisation, on trouve des productions populaires qui traduisent toutes sortes d’état d’âme, à l’image du « fado portugais » qui exprime toutes les formes de mélancolie qui prédominent dans le pays. Avec l’arrivée des émigrés de l’Afrique noire, ces musiques populaires se sont enrichies avec les danses au rythme africain et l’introduction de nouveaux genres musicaux originaires de ce vieux continent sous domination européenne pendant des siècles, notamment du Mozambique et de l’Angola, anciennes colonies portugaises qui ont su sauvegarder leur patrimoine musical ancestral. Le Kisamba, d’origine noire, en est le fruit incontestable comme musique populaire.

Le voyage en musique par la voix des autochtones
Puisqu’on a parlé des créations musicales noires, il faut aller en Amérique latine surtout là où le génie africain a connu une renaissance dans un autre continent, celui où des millions de Noirs ont été déplacés comme du bétail pour y être transplantés. Ceux qu’on a utilisés comme esclaves pendant des siècles, ont inventé sur leur lieu d’exploitation et sous la menace permanente des fouets et cravaches des genres musicaux qui ont révolutionné cet art de composer des sons : le blues et le jazz. A Montréal, on parle de Selindyan de Tanya Saga, devenues des pionniers du chant après être nées et avoir grandi dans une maison de garçons sous le générique. La voix des autochtones ». ce qui est à l’inverse de ceux qui ont chanté comme esclaves dans un continent étranger et totalement hostile avec une ambiance de racisme extrémiste, les chants de Noirs ont été inventés à l’insu des Blancs dans les champs de coton. Sous l’appellation « la voix des autochtones » on peut comprendre des multinationaux européens qui chantent leurs racines, parmi les animaux sauvages, les odeurs, la culture occidentale transplantée en Amérique du nord. La musique fait faire aussi un voyage dans les clichés et les idées reçues. Revenons en Afrique pour parler du festival des musiques sacrées qui se tient à Fès et d’un instrument de musique malien « La Chora » dont le son est obtenu au moyen de 21 cordes. Ressemblant à la harpe pour le nombre de cordes, il remonte à des origines lointaines. Ce que disent les sons l’unité du Mali, la colère, la joie, la paix, la tranquillité, toutes les aspirations d’un peuple longtemps dominé.
Abed Boumediene