Le «plus grand batteur du monde»

Décès de Tony Allen

Certains disaient qu’il était le plus grand batteur au monde. Tony Allen est mort à Paris, en France, ce 30 avril. Le musicien nigérian avait créé l’afrobeat aux côtés de Fela Kuti.

Tony Allen était le batteur de génie, une légende, un pionnier de l’afrobeat avec son maître et ami Fela Kuti. Les deux jeunes musiciens nigérians avaient découvert le combat et les revendications des Afro-Américains comme Martin Luther King, Malcom X et le Black Panther Party au cours d’une tournée dans les années 1960 aux États-Unis. De cet apprentissage politique naîtra un courant musical, l’afrobeat, avec des textes engagés et un rythme à la croisée du jazz et de l’Afrique. Le Nigeria en deviendra le berceau. Le chemin des deux hommes se sépare à la fin des années 1970. Tony Allen préférera toujours le camp de la musique, pure, expérimentale, flirtant parfois avec l’électro. Vive émotion au Nigeria où se prépare pour le début de semaine prochaine un concert live sur Instagram. Le batteur nigérian Wale Adeyemi, contacté par RFI, est en train de mobiliser des artistes pour un hommage musical à Tony Oladipo Allen.
Un concert virtuel en visioconférence prévu lundi ou mardi prochain, pour témoigner de l’héritage que laisse derrière lui le cofondateur de l’Afrobeat. La disparition de Tony Allen est ressentie vivement à Lagos. L’ex-batteur de Fela y avait passé les fêtes de fin d’année en décembre dernier. Lors de ce séjour, il avait joué dans un concert organisé en son honneur. Il avait livré aussi un cours magistral, une master classe à des batteurs nigérians. Et Tony Allen avait juré de revenir célébrer son anniversaire à Lagos en août prochain pour ses quatre-vingts ans. Il ne reviendra donc pas physiquement dans sa ville de naissance, au grand regret notamment d’un des fils de Fela, le chanteur et musicien Seun Kuti, qui a posté un message sobre et pudique sur un réseau social : «Bon repos et bon voyage Tony ». Tony Oladipo Allen, né le 20 juillet 1940 à Lagos au Nigeria. Vers le milieu des années 1960, avec son ami Fela, ils effectuent une tournée aux États-Unis. Le pays est bouleversé par le mouvement de revendications des Afro-américains.
Martin Luther King, Malcolm X, le Black Panther Party… Les jeunes musiciens nigérians y font leur apprentissage politique, en grande partie grâce à leurs «sœurs ». De cette prise de conscience naîtra un des courants fondamentaux de la musique africaine du XXe siècle : l’afrobeat. Un groove et des textes engagés, un mélange entre rythmes traditionnels et puissance électrique, une recette infaillible dont le creuset est le Nigeria. Mais très vite des dissensions apparaissent entre Tony et Fela. Tony Allen préfère partir vers des champs musicaux plus expérimentaux. C’est ainsi qu’il se retrouve sur le label Comet Record, fondé par deux jeunes Français proches de l’electro, et qu’on verra à ses côtés des musiciens tels que Doctor L3, les frères Stéphane et Lionel Belmondo ou Ali Boulo Santo. En 2004, il enregistre la batterie sur la plupart des titres de l’album Politics de Sébastien Tellier. Titre phare de l’album, La Ritournelle remporte un franc succès et apporte à Sébastien une relative notoriété. En 2005, il revient aux sources avec un album très roots Lagos No Shaking (Lagos ne tremble pas), enregistré sur place au Nigeria sur le label Honest John Records.
Cette maison de disques vient d’être créée par un amateur de musique africaine, par ailleurs célèbre musicien pop anglais : Damon Albarn, leader de Blur et de Gorillaz. En 2006, Damon Albarn forme un supergroupe, The Good, the Bad and the Queen, qui comprend Damon Albarn, Tony Allen, Simon Tong ainsi que Paul Simonon, ancien bassiste de The Clash. En 2008, Allen enregistre sa version de la chanson Where the Streets Have No Name du groupe rock U2 disponible sur l’album In the Name of Love : Africa Celebrates U2, sorti en 2008. En 2009, Tony Allen enregistre avec Jimi Tenor l’album Inspiration Information, vol. 44. Puis, un an plus tard, il participe au titre They Don’t Know sur l’album Confessions d’un enfant du siècle, vol 3 de Rockin’ Squat. En 2012, le musicien sort avec Damon Albarn et Flea sous le nom du supergroupe Rocket Juice and The Moon un album du même nom aux sonorités funk et afrobeat. Le projet est annoncé dès 2008, mais chacun des membres est occupé sur d’autres projets. Damon Albarn annonce officiellement le projet le 27 octobre 2011. Le groupe joue pour la première fois sur scène le 28 octobre 2011 au Cork Jazz Festival à Cork en Irlande.
RFI, M.G. et R.C.