Urgence d’une nouvelle politique énergétique et d’un nouveau management stratégique de Sonatrach

Face à la baisse des cours des hydrocarbures

Le cours du pétrole a été coté à 10h GMT le 29 avril 2020 à 21,30 dollars, le Brent (19,59 euros) et le Wit 14,09 dollars (12,96 euros) du fait d’une décroissance de l’économie mondiale, d’un stockage sans précédent et d’une demande mondiale en baisse entre 40-50%.

A 60 dollars le baril de pétrole, pour 2020 les recettes de Sonatrach seront en moyenne d’environ 31 milliards de dollars, auquel il faudrait retirer une moyenne annuelle de la baisse du quota (entre la fourchette haute et basse des trois phases) retenant 3 milliards de dollars, soit 28 milliards de dollars. A 50 dollars le baril, pour 2020 , le chiffre, d’’affaires serait d’environ 25 milliards de dollars, restant après la réduction des quotas, 22 milliards de dollars A 40 dollars le chiffre d’affaire, serait de 20 milliards de dollars. A 30 dollars le chiffre d’affaire, serait de 15 milliards de dollars. A 25 dollars le chiffre d’affaire, de Sonatrach serait de près de 13 milliards de dollars. A 20 dollars le chiffre d’affaire serait de 10 milliards de dollars. Pour tous ces scénarios il faudrait soustraire la baisse du quota entre 240.000/145.000 barils jour suivant les trois phases de réduction), 20/ 25% de charges et la part des associés, pour avoir le profit net. Cela a un impact sur le niveau des réserves de change qui tiennent la cotation du dinar officiel à plus de 70%, en baisse (moins de 60 milliards de dollars en mars 2020, contre 194 milliards de dollars au 01 janvier 2014.

2- Nouvelle organisation de Sonatrach et réhabiliter le Conseil National de l’Energie pour définir les objectifs stratégiques
Créée le 31 décembre 1963, la Sonatrach a vu ses statuts modifiés à plusieurs reprises, avec pour souci de mettre en adéquation ses statuts. Au niveau des prérogatives, ce n’est plus à Sonatrach d’octroyer les périmètres d’exploitation, mais selon la loi en vigueur à une agence dépendante du ministère de l’Energie ALNAFT, entretenant donc des relations fonctionnelles avec cette structure autant qu’avec une autre agence, l’autorité de régulation chargée de suivre les mécanismes des prix. La nouvelle loi a fixé à au moins 51% la part de Sonatrach sur les périmètres octroyés par ALNAFT et moins de 49% aux compagnies pétrolières. Mais le partenariat a toujours existé même du temps du socialisme des années 1970. . Rappelons que le seul organe habilité à tracer la politique énergétique du pays, relevant de la sécurité nationale est le Conseil national de l’Energie, organe suprême de toute stratégie énergétique. Il a été créé par décret présidentiel le 19 avril 1995, qui, dans son article 6, stipule que : -Le Conseil se réunit périodiquement sur convocation de son président, le président de la République dont le secrétariat est assuré par le ministre de l’Energie et composé des ministres dits de souveraineté (Défense nationale, Affaires étrangères, Energie et Finances), du gouverneur de la Banque d’Algérie et du délégué à la Planification.
– Le Conseil national de l’énergie est chargé d’assurer le suivi et l’évaluation de la politique énergétique nationale à long terme, notamment de la mise en œuvre d’un plan à long terme destiné à garantir l’avenir énergétique du pays, d’un modèle de consommation énergétique en fonction des ressources énergétiques nationales, des engagements extérieurs et des objectifs stratégiques à long terme du pays.
– Le Conseil veille à la préservation des réserves stratégiques du pays en matière d’énergie, des stratégies à long terme de renouvellement et de développement des réserves nationales en hydrocarbures et leur valorisation.
– Le Conseil élabore les objectifs stratégiques par de l’introduction et du développement des énergies renouvelables, des schémas d’alliances stratégiques avec les partenaires étrangers intervenant dans le secteur de l’énergie et des engagements commerciaux à long terme. En nous en tenant à l’organisation du secteur des hydrocarbures, il y a lieu de distinguer plusieurs structures opérationnelles. Nous avons ensuite l’Assemblée générale composée du ministre de l’Energie et des Mines, du ministre des Finances, du gouverneur de la Banque d’Algérie, du délégué à la Planification, d’un représentant de la Présidence de la République. L’article 9.3 précise que l’Assemblée générale est tenue de se réunir «au moins deux fois par an en session ordinaire» et en « session extraordinaire à l’initiative de son président ou à la demande d’au moins trois de ses membres, du ou des commissaires aux comptes ou du Président-directeur général de la Sonatrach». Au terme de chaque session, l’Assemblée générale est tenue d’adresser son rapport au président du Conseil national de l’énergie qui est le président de la République. Ensuite, nous avons un Conseil d’Administration qui est composé notamment du Président-directeur général de Sonatrach, du Président-directeur général de Sonelgaz, des vice-présidents, du directeur général des hydrocarbures du ministère, un autre représentant du ministère, de deux représentants du syndicat de Sonatrach. Enfin vient le Comité exécutif composé qui est la véritable cheville ouvrière de Sonatrach. Depuis fin avril 2018, nous avons l’organisation suivante sous la présidence du P-DG scindé en deux comités : le Comité exécutif avec la direction Corporate Affairs, la direction transformation, la direction communication et le Comité d’éthique avec le cabinet avec la direction audit/risques, les services sureté interne et les conseillers. Pour l’organisation en DSP, nous avons stratégie-planification-économie-Finances, Business/marketing-ressources humaines. Quant à l’organisation DC nous avons, Procurement/logistique, ressources nouvelles, Engineering/project management, le juridique, Digitalisation/ système d’information, santé/sécurité/environnement et la recherche développement. Quant aux structures opérationnelles dirigés par des vice-présidents, chapotant également les nombreuses filiales nous en avons cinq, au lieu de quatre auparavant, l’Aval ayant été scindé en deux : activité exploration/production, transport par canalisation, activité liquéfaction et séparation, activité raffinage /pétrochimie et la commerciale. Sonatrach ayant des activités au niveau international, nous avons des holdings opérant à l’étranger dont il conviendra de déterminer la rentabilité pour le pays.

3- Le management de Sonatrach inséparable de la gouvernance globale
L’organisation de Sonatrach est une organisation qui combine à la fois l’organisation hiérarchique et l’organisation divisionnelle, ce qui ne lui acquiert pas la souplesse de ses concurrents au niveau international, sans compter la rigidité du système bancaire et surtout les interférences politiques. Certes, les P-DG des grandes compagnies publiques comme en France sont nommés par le président de la République en Conseil des ministres mais à la différence notable, ils sont liés à un contrat de performance avec l’Etat actionnaire, ce qui n’est pas le cas, souvent, pour notre pays, la loi sur l’autonomie des entreprises publiques de 1990 ayant peu d’application. L’on confond ainsi Etat régulateur en économie de marché pouvant détenir des minorités de blocage pour certains segments jugés stratégiques, cette notion étant historiquement datée, avec le Tout-Etat (Etat gestionnaire).
C’est qu’il y a lieu de tenir compte de l’environnement international et la problématique de la nouvelle stratégie gazière mondiale. Sur le plan des résultats financiers, faute d’une clarté dans la gouvernance de Sonatrach, on ne discerne pas nettement ce qui est imputable à une bonne gestion interne et ce qui est imputable aux aléas internationaux qui sont déterminants. C’est que la croissance ou pas de l’économie mondiale joue comme un vecteur essentiel dans l’accroissement ou la diminution des recettes de Sonatrach. Aussi, l’analyse du fonctionnement de Sonatrach ne peut se comprendre sans la replacer à la fois dans la nouvelle configuration de la stratégie énergétique mondiale, tenant compte des coûts, pouvant découvrir des milliers de gisements mais non rentables financièrement, ces recherches ayant occasionné des coûts entre -temps non amortis, du nouveau défi écologique avec un changement notable du modèle de consommation énergétique qui se dessine entre 2020/2030. La gouvernance d’un pays est elle même inséparable des mutations mondiales devant donc éviter d’isoler la micro-gouvernance de la macro-gouvernance qui sont inextricablement liées.
La situation actuelle rend de plus en plus urgent le management stratégique et une transparence de la gestion de Sonatrach devant reposer pour toute démarche scientifique et opératoire du général au particulier, afin de saisir les interactions et pouvoir procéder à des actions par touches successives. Rendre plus efficiente Sonatrach suppose plusieurs actions stratégiques : la replacer dans le contexte international et national ; un système d’organisation au temps réel se fondant sur des réseaux et non plus sur l’actuelle organisation marquée essentiellement sur une vision hiérarchique, des centres de coûts transparents incluant la gestion du partenariat ; une gestion rationnelle des ressources humaines et élément essentiel du management stratégique, impliquer les cadres et être à l’écoute du collectif des travailleurs par un dialogue constructif permanent. L’ensemble de ces actions renvoie en fait à l’instauration de l’Etat de droit et de l’urgence d’une gouvernance renouvelée.
Comme démontré tout au cours de cette analyse opérationnelle, Sonatrach s’assimile pour l’instant, à toute l’économie algérienne exportant pour 98% avec ses dérivées et important à plus de 80% des matières premières des entreprises publiques et privées y compris les inputs pour l’agriculture dont le taux d’intégration, ne dépasse pas 15/20% sans oublier certains les biens essentiels des ménages. Ainsi, Sonatrach s’assimile pour l’instant, à toute l’économie algérienne. Elle représente selon les années 1935, 45% du produit intérieur brut mais en réalité avec les effets indirects de plus de 80% irriguant via la dépense publique les segments bâtiment travaux publics, hydraulique et bon nombre d’autres secteurs étant tirés par la dépense publique via les hydrocarbures). La sécurité du pays étant posée, cela implique l’urgence de la volonté politique d’amorcer une production et exportation hors hydrocarbures loin de la logique rentière, supposant un réaménagement profond de la logique du pouvoir. La crise mondiale n’est pas la seule explication de la léthargie de l’appareil productif algérien, 07% de croissance du PB en 2019 selon le FMI, le secteur industriel représentant moins de 6% du PIB du secteur industriel avec la dominance du commerce-services-administration peu performants et la dominance du secteur informel hors hydrocarbures.
(A suivre)
Professeur des universités, expert international Dr Abderrahmane Mebtoul