Une seconde distinction pour Colson Whitehead

Pulitzer

Pour la quatrième fois dans l’histoire du prix, un même auteur remporte le Pulitzer deux fois. «The Nickel Boys», à paraître le 19 août, rafle la mise.

Il avait fait la une de Time magazineà la sortie de son roman The Nickel Boys, dont la traduction française devait nous arriver en français au début 2020 mais fut reportée (bien avant la pandémie) à la rentrée littéraire. Un signe avant-coureur, puisque Colson Whitehead vient d’être couronné pour ce septième roman par le prix Pulitzer, qu’il avait déjà remporté au printemps 2017 pour Underground Railroal (lui-même déjà National Book award). N’en jetez plus, car cette nouvelle distinction est historique : avant lui, seuls trois écrivains américains avaient vu deux de leurs livres récompensés par le Pulitzer. Il s’agit en ordre décroissant de John Updike, de William Faulkner et du certes moins célèbre Booth Tarkington (1849-1946), sauf à citer son roman La Splendeur des Amberson, qui lui valut le prix en 1918, tout comme, en 1921, son Alice Adams.
The Nickel Boys aborde de nouveau, mais dans une autre époque, l’histoire des Noirs aux États-Unis à travers celle d’une maison de redressement où le racisme le plus violent continuait de se pratiquer impunément en ce début des années 1960. Le jeune héros, Elwood, y est enfermé à la suite d’une erreur judiciaire. Élevé par sa grand-mère Harriett qui l’abreuve des discours de Martin Luther King, l’enfant se montre débrouillard, courageux, mais aussi brillant. Un idéaliste «éveillé au monde». Cette Amérique des droits civiques qui abolit en 1964 les atroces lois Jim Crow le laisse plein d’espoir sur son futur de jeune Noir à l’université. Jusqu’à ce qu’il se fasse arrêter à la place d’un autre. Ne pouvant pas se défendre, il se retrouve enfermé dans une des plus terribles maisons pour délinquants du pays, située en Floride, la bien réelle école Dozier, que Whitehead rebaptise « Nickel Academy».

Univers inimaginable
Là, Elwood n’ose pas croire ce qu’il voit. Il résiste à sa façon contre les humiliations et les mauvais traitements qu’il subit comme la majorité noire de ce dit «institut professionnel». Il trouve en Turner, aux allures de «bad boy» un allié. Un ami. Mais Turner n’est pas du même bord, pas du tout un intello rêveur. La rage gronde en lui. Et à travers ces deux garçons se reflètent les courants qui ont divisé les combattants afro-américains pour défendre leurs droits face à une violence séculaire, et qui n’en finit pas de resurgir. Colson Whitehead écrit pour eux, mais en s’adressant à l’universel. Comme son héros, qui écrit tout ce qu’il voit et à qui son ami Turner demande : «Et qu’est-ce que tu crois qu’ils vont faire ? Te mettre en couverture de Time Magazine ?»… Il y a une densité remarquable dans ces pages, un découpage narratif qui ne l’est pas moins, et puis cette force empathique de premier ordre, quelque chose de poignant comme les Misérables d’Hugo, qui accompagne la découverte d’un univers inimaginable. L’école d’Arthur Dozier fermera ses portes en 2011. Trois ans plus tard, on y découvrira cinquante tombes. L’enquête en déduit qu’une centaine de jeunes gens ont sans doute été occis par le personnel blanc. C’est là, dans la presse, que Whitehead trouve son sujet. Et c’est par cette découverte que s’ouvre son livre. Dans les librairies le 19 août prochain, ouvertes si tout va bien !
V. M. L. M. À paraître le 19 août : «The Nickel Boys» de Colson Whitehead, traduit de l’américain par Charles Recoursé, Albin Michel.