L’université algérienne, entre le renforcement de ses acquis et la pré́paration des perspectives de son évolution

Eléments de réflexion

Préambule :
L’université algérienne a atteint aujourd’hui des dimensions très importantes en termes de nombre d’établissements universitaires (108), en nombre d’unités et de laboratoires de recherche (1500), en nombre d’enseignants-chercheurs (63.647), en nombre d’étudiantes et étudiants (1 700 000) et en nombre d’offres de formations universitaires dans les trois cycles (L=2789, M=3742, D=2032). Une situation qui mérite amplement une évaluation et une analyse critique, lui permettant de définir une nouvelle dynamique et une nouvelle vision, pour qu’elle soit au rendez-vous avec les grands enjeux du 21ème siècle.

Cette démarche est la voie qu’il faut entreprendre pour que le système de l’enseignement supérieur algérien puisse se réinventer et se propulser davantage et occuper les meilleures places. Atteindre ces objectifs, impose en premier lieu l’amélioration et le renforcement de ses potentialités et de ses capacités de formation et de recherche. La force, la qualité et l’excellence de ces deux composantes, impliquent la mise en place de dispositifs et actions qui lui donnent les moyens et le recul pour : – Décliner dans les trois cycles universitaires, une offre de formation transdisciplinaire, professionnalisante, qui répond aux exigences des nouveaux métiers et promotrice de la culture entrepreneuriale, – Instaurer une véritable révolution pédagogique qui s’appuie sur les technologies du numérique et l’enseignement par projet, avec la redéfinition du rôle de l’enseignant chercheurs, -Promouvoir une recherche qui soutient la formation, qui sert l’économie par la création de startups, et qui devient une véritable source de financement pour l’université. -Investir dans la formation de la ressource humaine universitaire, pour que l’université puisse participer activement à la construction de l’économie du savoir, – Imaginer des approches institutionnelles, permettant à l’université de construire des relations, des rapprochements et des ouvertures avec son environnement socio-économique et international, -Rendre la formation tout au long de la vie une préoccupation majeure au même titre que la formation initiale, – Établir les règles et les fondements de la promotion de la culture de l’évaluation, de l’éthique, de la rigueur, du mérite et du vivre ensemble au sein de la communauté universitaire, en consacrant à l’assurance qualité une place particulière pour qu’elle soit un véritable système d’évaluation interne et externe, -Institutionnaliser la gouvernance stratégique de l’université par l’instauration du projet d’établissement, – Faire du numérique le facteur d’innovation pédagogique (Formation à distance et des contenus en ligne9) et un support de transformation de nos universités dans les domaines de la recherche, de la gouvernance, de la communication et de la médiation9, -Assumer un rôle citoyen, par sa participation et son implication effectives au développement des principes de la transition écologique et énergétique de notre pays. Ces différents aspects, définissant les futurs chantiers et actions à mener, vont sans aucun doute provoquer les changements en cours et à venir. Ils constituent aussi, une source de réflexions et des pistes de travail qui pourraient mobiliser des débats et des propositions autour du renforcement des acquis de l’université algérienne et de la préparation des perspectives de son évolution. Questions que j’ai essayé d’aborder à travers cette contribution, sur le LMD et son évolution, la relation entre la formation et la recherche, la relation de l’université avec son environnement socio-économique et international, l’enseignement de la culture entrepreneuriale, la gouvernance stratégique et l’instauration du projet d’établissement, ainsi que la projection de l’université demain.

I-L’université à l’ère du LMD :
Ce que l’on doit savoir, et ce que l’on doit faire. Depuis, la mise en place du système LMD, en 2004, dans les universités Algériennes une importante dynamique a été préconisée pour accompagner cette réforme de l’Enseignement Supérieur. Plusieurs opérations ont été menées sur le terrain pour soutenir et renforcer les capacités de nos universités pour mettre en œuvre cette réforme, et faire face aux exigences de ce nouveau système. Les opérations d’accompagnement sont d’ordre réglementaire, institutionnel, structurel, de formations, de recherche scientifique et d’équipements, appuyées par des programmes d’échange et de partage d’expériences avec les institutions internationales. Les objectifs assignés cet accompagnement de la réforme, est de répondre à ses besoins spécifiques, qui sont l’amélioration de la formation universitaire, la réussite estudiantine, et l’installation d’un dispositif d’orientation et d’insertion professionnelle des étudiants. Ce nouveau contexte universitaire lié à l’installation progressive du système LMD, a vu naître sur le terrain, l’application de plusieurs pratiques et d’initiatives pour permettre à l’université d’être interactive et en synergie avec son environnement socio-économique et international. Bien sûr ce contexte a fait apparaitre des pionniers, des réfractaires, des ambitions, des perspectives, des réticences, des idéaux, des expériences, générant ainsi de la réflexion, des débats, des arguments et des solutions. En plus de ce grand changement au sein de l’Université algérienne, il y a lieu de signaler aussi, qu’elle s’est vue traversée par plusieurs transformations majeures l’obligeant à faire évoluer ses missions, ses stratégies, ses objectifs et sa vision. Parmi les transformations qui affectent aujourd’hui l’Université Algérienne c’est cette massification galopante enregistrée d’année en année. Elle est bien sûr le fruit de la démocratisation de l’enseignement Supérieur, un choix politique national visant la réussite sociale par les études. A ce sujet on compte aujourd’hui dans les rangs de nos universités plus de 1,5 millions d’étudiants. Ce sont des effectifs en hausse depuis plus d’une dizaine d’années avec chaque année un afflux de plus 300.000 nouveaux bacheliers qu’il s’agit de conduire à un diplôme. Une situation qui exige d’engager des moyens et génère en même temps des charges considérables. Cette augmentation des effectifs des étudiants, peut-on la considérer comme une malédiction, ou une bénédiction, comme une chance ou une menace pour l’Université Algérienne ? La question qu’on peut se poser aujourd’hui serait comment procéder pour faire de ces étudiants de vrais talents, de véritables champions et des citoyens représentant un capital humain qu’on pourrait mobiliser pour construire une société riche par le savoir.

 

« L’université n’est pas un monde clos, elle doit être sensible à l’évolution du monde, à l’évolution du monde des connaissances et aux exigences toujours renouvelées de la formation et de la recherche. »

 

Devant ce constat lié à la massification, on assiste aussi à une autre transformation qui touche l’université de manière générale, dont l’université Algérienne, n’est pas à l’abri, c’est le progrès enregistré dans la production des connaissances (la révolution industrielle de la connaissance), qui impose à l’université, parmi une telle production, quelle connaissance indispensable doit-elle transmettre? Sachant qu’aujourd’hui qu’on peut accéder à la connaissance et au savoir par le biais d’autres voies qui ne sont pas conventionnelles, qui sont le produit de la révolution du numérique. Dans ce sens on note que la plupart, sinon la totalité des connaissances sont à notre porté par un simple clic. Cette évolution liée à la révolution industrielle de la connaissance et de la révolution du numérique, a enlevé à l’université ce privilège historique d’être le temple du savoir. Alors quel rôle doit-elle jouer aujourd’hui? Si ce n’est qu’un rôle de régulation de la transmission du savoir. Alors, l’université est appelée de nos jours à assumer un autre rôle. Elle doit au-delà des savoirs qu’elle enseigne, transmettre des savoirs faire. Une autre façon de remplir sa mission surtout depuis l’avènement du LMD. Une mission qui repose sur le développement de la culture de la réussite professionnelle de l’étudiant, qui peut être déclinée à travers des dispositifs et des programmes de formations dédiés à l’orientation et l’insertion professionnelle des diplômés.
De même, elle nécessite la formation et l’engagement des enseignants, avec la mise en place de structures et organes appropriés. Cet aspect doit être introduit dans les cursus des formations et les activités d’enseignement en prenant en considération les besoins du monde du travail. Dans ce volet, beaucoup d’établissements universitaires s’attachent à mettre en place l’approche par compétences dans la construction de l’offre de formation licence et master, en privilégiant aussi, l’aspect professionnalisation de ces formations. L’approche par compétence, s’est traduite par l’émergence d’une nouvelle génération de formations licences, qui sont conçues dans le cadre des programmes de coopération européenne (PAPS-ESRS, COFFEE et les ISTA). D’autres formations ont vu le jour en intégrant aussi le référentiel de la nomenclature Algériennes des métiers (NAME). De même, dans le cadre de cette dynamique d’innovation dans la construction de l’offre de formation, il y a eu une importante action qui l’a précédé, qui est celle de la mise en conformité et de l’harmonisation des licences et masters et la redéfinition des domaines disciplinaires. Ces grands chantiers visent à rendre les formations universitaires plus lisibles, notamment pour les entreprises et le monde du travail, en leur conférant des atouts à forte employabilité. La généralisation de cette démarche, exige des établissements universitaires à s’approprier des modalités et de la démarche de l’approche par compétence, qui constitue le socle sur lequel on peut construire la culture du savoir-faire des étudiants.
(A suivre)
Par Abdelhamid Djekoun