L’université algérienne, entre le renforcement de ses acquis et la pré́paration des perspectives de son évolution

Eléments de réflexion

«L’université n’est pas un monde clos, elle doit ê̂tre sensible à l’é́volution du monde, à̀ l’é́volution du monde des connaissances et aux exigences toujours renouvelé́es de la formation et de la recherche.»

Pour dire en fin de ce propos, à l’université : «La recherche est à l’enseignement, comme l’eau est à la vie». Et faire en sorte que la recherche par ses résultats et les formations qu’elle génère soit, dans le territoire le phare qui éclaire l’avenir.

IV- L’université́ et l’enseignement de la culture entrepreneuriale, ou l’entrepreneuriat reforme l’université
De nos jours, il est manifestement reconnu que la création d’entreprises est un moyen de développement économique et social d’un pays. Elle contribue largement à la valorisation des territoires et des régions. C’est une dynamique dont l’enjeu principal est la résorption du chômage, principalement celui qui touche les jeunes diplômés sortant des universités. Cette problématique de l’insertion professionnelle des diplômés de l’enseignement supérieur a été un aspect déterminant dans le processus de la réforme du système de l’enseignement supérieur en 2004, par la mise en place du nouveau système (LMD), où la question des débouchés des diplômés a fait l’objet d’une préoccupation centrale de cette réforme. Parmi les solutions préconisées pour l’amélioration de l’insertion professionnelle des étudiants, il a été retenu, entre autre, l’introduction de l’enseignement à l’entrepreneuriat dans les différents parcours de formations universitaires. Les buts affichés par cette démarche de formation est de donner à l’apprenant (l’étudiant) les outils qui lui permettent de concevoir une organisation évolutive et constructive du monde socio-économique et de la culture entrepreneuriale, dans un contexte de l’économie des connaissances. Aussi, cet enseignement est accompagné par la définition d’une politique d’ouverture de l’université sur son environnement socio-économique (SE).
Ce processus éducatif, valorisant l’enseignement de l’esprit d’entreprendre à tous, est considéré comme un enjeu stratégique pour l’université algérienne, vis-à- vis de sa relation avec son environnement. En même temps, ce processus lui impose une nouvelle organisation et des projections, d’ordre pédagogique, institutionnelle et réglementaire, afin d’encadrer l’enseignement et de promouvoir la culture entrepreneuriale au sein de la communauté universitaire. D’où il lui incombe aujourd’hui, de la construire, de la développer et de l’enrichir avec des programmes, des contenus et des activités qui mobilisent les enseignants, les étudiants et les professionnels. L’enseignement de l’entrepreneuriat fait actuellement l’objet de formations structurées et organisées avec des contenus à l’intérieur des parcours de formation, ou dans le cadre de la formation continue qualifiante. En partant du principe que l’esprit d’entreprendre n’est pas inné, mais qu’il s’acquiert à travers des activités d’apprentissage (sensibilisation, formation et accompagnement), et par l’immersion de l’étudiant dans un environnement (écosystème) favorable pour développer ses capacités d’entreprendre, l’intégration de la culture entrepreneuriale à la formation universitaire vise à faire de l’étudiant un acteur actif, qui passe du statut de demandeur d’emploi à celui de créateur d’emplois et de producteur de richesses. Cet enseignement est conçu pour que l’étudiant développe des compétences qui lui permettent de mieux connaître le monde socio-économique, de choisir son domaine d’activité et d’agir par la proposition et la construction de son projet professionnel. En d’autres termes, c’est un parcours de formation et d’apprentissage qui a donné naissance à un nouveau concept qui est celui d’«apprendre à entreprendre»
L’entrepreneuriat est donc conçu et enseigné comme une compétence transversale qui nécessite préalablement la confection de supports pédagogiques et la mobilisation d’équipes de formation composées d’enseignants chercheurs (en sciences économiques et de spécialité) et de professionnels. Les supports pédagogiques sont conçus pour expliquer les bases de la culture entrepreneuriale et regroupent les connaissances du phénomène entrepreneurial et ses formes, les connaissances et les aptitudes (consciences) de l’individu et son potentiel à entreprendre, les connaissances de l’environnement socio-économique de l’individu qui veut entreprendre, le projet entrepreneurial par lequel la personne va agir et exercer ces capacités d’action. Ce support pédagogique universitaire doit être orienté vers la connaissance de l’entreprise, la créativité, l’innovation, l’initiative et le travail en groupe. L’entrepreneuriat (esprit entrepreneurial) s’inscrit dans un processus de création de valeurs dans un contexte bien déterminé. Quant à la culture entrepreneuriale, elle vise à transmettre des valeurs entrepreneuriales, des savoir-faire et des savoirs- être, à développer les capacités individuelles, la maîtrise des outils pratiques et les procédures de création d’entreprises. Par ailleurs, la culture entrepreneuriale (CE) se transmet par le biais d’une pédagogie active, dans un environnement stimulant et un engagement des enseignants.
De manière générale, réussir la construction et la promotion de la CE au sein de l’université, implique aussi l’engagement et la participation de concert de plusieurs parties, à savoir :
– Les pouvoirs publics (collectivités locales, régionales, et Institutions nationales),
– Education (école, formation professionnelle et enseignement supérieur),
– Dispositifs de soutiens, de promotion et d’appui à l’emploi et la création d’entreprises,
– Les industries et entreprises,
– Institutions et chambres professionnelles,
– Famille proche,
– Banques et assurances,
– Concurrents,
– Consommateurs et clients,
– Fournisseurs.
Ces parties prenantes à la CE constituent un écosystème où chaque partenaire est identifié par ses missions, son engagement, ainsi que ses interactions. En outre, au niveau des établissements universitaires, la maison de l’entrepreneuriat reste aussi une structure centrale, dont le rôle et les missions sont d’assurer l’animation de la culture entrepreneuriale, par l’organisation des enseignements, la production de supports pédagogiques, la programmation, la préparation de manifestations inhérentes à l’entrepreneuriat, ainsi que l’accompagnement des projets de création d’entreprises. Cette structure doit être prise en charge dans le cadre de l’organigramme de l’université avec la définition de ses prérogatives et de son champ d’actions, disposant d’un encadrement en personnel compétant en la matière.
À côté de cette structure centrale de l’université, l’expérience à montrer que celle-ci doit être soutenue et appuyée par l’installation de cellules relais au niveau des facultés et des instituts de l’université, qui assurent à leur tour la mise en œuvre de la politique entrepreneuriale de l’université. A côté de la maison de l’entrepreneuriat, d’autres structures sont aussi nécessaires pour entretenir la promotion et le développement de la CE au sein de l’université, ainsi que son ouverture sur l’environnement SE. Dans cette direction, on cite ici, le Bleu, qui assure la relation université entreprise, le FabLab : un lieu de création, d’innovation et d’ingénierie technologique et du numérique, l’incubateur dont la mission est d’accompagner les entreprises naissantes (les Start-up), les plateformes technologiques et les laboratoires de recherche qui, par leurs activités de recherche, constituent un des facteurs les plus importants de développement de l’entrepreneuriat et de l’esprit entrepreneurial au sein de l’université, et enfin les structures de la valorisation des produits et des résultats de la recherche tel que le BuTT.
Toutes ces structures, qui travaillent et fonctionnent en synergie collective, sont tenues de proposer annuellement des programmes d’activités de formations, des rencontres de partage d’expériences et des manifestations propres à la question de l’entrepreneuriat, on cite à titre d’exemple les activités suivantes :
– Les entrepreneuriales,
– Le forum université /entreprises,
– Les ateliers de formation,
– Des Conférences impliquant les différents clusters,
– Opérations de médiation scientifique,
– Dispositif de réalisation des stages, des mémoires et thèses en entreprise,
– Les Journées (FIKRA) d’idées consacrées au montage de projets liés au développement du territoire,
– Manifestations scientifiques suscitant la promotion et le développement de l’expertise et des capacités d’innovation de l’université,
– Compétitions et concours sur le montage de projet, tel que les stars de l’entrepreneuriat.
En plus, de tous ces éléments cités précédemment, l’enseignant (en tant qu’acteur économique) doit être préparé et formé à cette problématique de l’entrepreneuriat, et ce pour permettre à l’université d’accroître l’impact économique et sociétal du transfert de la recherche et de la diffusion de la culture de l’innovation et entrepreneuriale. Ce dernier aspect, lié aux capacités de l’université à réaliser le transfert technologique vers l’industrie et la création d’entreprises issues de la recherche, constitue une grande école pour l’instauration et le développement de la CE. Ces différentes actions, focalisées sur l’étudiant particulièrement, les porteurs de projets professionnels, militent pour leur accorder le statut d’étudiant entrepreneur. Un statut qui est accordé aux étudiants en cours de formation ou ceux ayant terminé leurs études (diplômés). Cette catégorie d’étudiants est prise en charge au sein de la maison de l’entrepreneuriat où ils reçoivent une formation sanctionnée par un diplôme et un accompagnement de leur projet professionnel qui sera évalué par un jury. Ce statut qui représente, aussi un facteur déterminant dans le renforcement et la promotion de la CE au sein de la communauté estudiantine, mérite d’être institutionnalisé.
(A suivre)
Par Abdelhamid Djekoun