Le «Hirak» en lobbying américain d’une idée algérienne

Actuel

Le « Washington Times » tirant quotidiennement à 100.000 exemplaires, à ne pas confondre avec le « Washington Post » qui affiche 700.000 exemplaires par jour, vient de publier sous la plume du journaliste lobbyiste David A. Keene, un article élogieux sur le Président Si Abdelmadjid Tebboune. Le « Washington Times » est réputé proche des milieux chrétiens républicains de la société blanche. Au contraire, le « Washington Post », journal de centre droit, reflète la posture d’élites cosmopolites aux cultures hégémoniques imprégnant la superstructure fédérale. La tonalité positive qu’a donnée le «Washington Times» sur l’action des pouvoirs publics doit être replacée dans la perspective d’une part d’une relation commerciale en cours de nouaison avec le marché d’outre-Atlantique et d’autre part de synergies potentielles sur les zones minières africaines francophones qui pourraient en découler, en arrière-pensées de groupes pétroliers comme Exxon ou Chevron, cherchant à s’appuyer sur un partenariat locale solide à l’image de celui qu’offrirait Sonatrach. Immédiatement des voix d’opposition d’ici, berbéristes et islamistes pour l’essentiel, se sont élevées sans considération des enjeux en gestation. Elles font fi de la manière dont l’opinion publique se construit aux Etats-Unis. Aussi, réfuter un article positif sur l’image de marque de l’Algérie aux Etats-Unis, même s’il advenait être le produit d’une action d’intérêt, est une manière suicidaire de voir nos relations avec ce pays. C’est faire l’économie regrettable d’un débat sur la nécessité de fonder une stratégie de lobbying spécifique aux USA pour faire avancer aux niveaux de l’establishment new-yorkais et washingtonien l’idée algérienne d’une démocratie en émergence affirmée grâce au «Hirak béni».

Le Washington Times dans son édition du 11 mai, a publié un article sous la plume du lobbyiste David A. Keene, intitulé «Ce que l’Algérie peut nous enseigner de l’affrontement d’une crise économique», en référence aux conséquences du Covid-19. L’auteur souligne le leadership du Président Si Abdelmadjid Tebboune pour faire face à cette situation inédite qui prit le monde par surprise. Immédiatement notre presse nationale y a vu une sorte de reconnaissance internationale du Chef de l’Etat comme s’il y avait besoin en la matière de convaincre le peuple algérien d’une action unanimement considérée comme appropriée, diligente et déterminée. La rapidité de la réaction des autorités publiques, l’interruption ferme et intelligente des marches du «Hirak» du vendredi et du mardi, la mise sur pied du Conseil Scientifique de suivi de la pandémie, la mobilisation des moyens logistiques de l’ANP, celle impressionnante des personnels hospitaliers et de ses partenaires au premier rang desquels la police et la Protection civile, l’administration du traitement à base de chloroquine, la coopération attentive avec la Chine et bien d’autres mesures comme une production autonome de médicaments, de masques, de tests ont fini par convaincre les plus obtus.
Il n’y avait donc là aucune nouveauté dont l’opinion publique algérienne eut été ignorante, elle qui mieux que quiconque constate jour après jour que les initiatives porteuses du président de la République, construisent patiemment des rapports de confiance entre le peuple et l’Etat que l’on avait presque oublié dans ce pays. Par contre, ce qui frappe dans l’article de David A. Keene, ce ne sont pas tant les qualités de courage, de persévérance, d’application et de réformes en droite ligne du mouvement social initié le 22 février 2019 qu’il prête au président de la République, que l’acharnement de l’opposition algérienne bête et nihiliste à vouloir dénier toute qualité au Chef de l’Etat, au surplus exprimée dans une presse internationale au minimum lue par les secteurs conservateur des républicains américains. Cette réfutation hystérique depuis la défaite du 12 décembre 2019 des prédicateurs de l’échec qui confondent allègrement «Etat central» et «oppression politique» tant ils ont du mal à s’élever au-dessus d’une mentalité gangrenée par le tribalisme, ne se remet pas d’une… autonomie revendiquée à mots couverts mais qui est déniée à l’instance présidentielle.
Et à les suivre dans leurs raisonnements tortueux les mêmes qui se moquaient d’un Président en chaise roulante, incapable de signer le moindre décret, reprochent aujourd’hui au Président en exercice d’agir de manière alerte, vive et intelligente. Pourtant s’il est bien une seule chose qui ressort de l’article du «Washington Times», c’est bien la reconnaissance que le «Hirak béni» a su imposer à un appareil d’Etat sclérosé une réforme impérieuse d’ordre démocratique et sociale que les plus réactionnaires des membres de la «bande» maintenant en prison ne sauraient contester. Alors que des réformes prometteuses, en particulier sur le chapitre des libertés et des garanties juridiques y afférentes, prennent forme dans la mouture constitutionnelle désormais soumise à discussions, ces milieux du fédéralisme maladif ne trouvent mieux que de dégainer contre «une junte militaire au pouvoir» qui n’existe que dans leurs rancœurs prisonnières d’un réflexe pavlovien, dramatique d’inadaptation politique.

Didactique du lobbysme aux Etats-Unis
Si un tel article du «Washington Times» avait été écrit aux Etats-Unis en soutien d’une action marocaine, aucun opposant, pas même les rifains aux cœurs de lions qui croupissent dans les geôles du Makhzen n’aurait eu l’idée de remettre en cause la nécessité, pour le bien du Royaume, de la construction d’une image positive auprès de l’opinion publique américaine, permettant une meilleure promotion politique des intérêts bien compris de Rabat. Une réaction mille fois plus habile de la part de nos opposants de la déconstruction démocratique irresponsable, aurait été de valoriser les avancées incontestables enregistrées depuis l’élection présidentielle à mettre au crédit du «Hirak béni» ; ce que l’honnêteté intellectuelle et la modestie naturelle de Si Abdelmadjid Tebboune n’auraient certainement pas démenti. Pourtant certains signes ne trompent pas. Il y a d’abord des exportations d’acier par dizaines de milliers de tonnes de rond a béton du groupe Tosyali en direction du Canada et des Etats-Unis.
Ensuite un intérêt marqué du ministre du Commerce Kamal Rezig en sollicitation auprès de l’ambassadeur des Etats-Unis en Algérie de formations d’un certain nombre d’opérateurs algériens aux subtilités administratives d’accès au premier marché mondial. Enfin, il y a Exxon, Chevron et peut-être même Occidental intéressés par la prospection d’hydrocarbures dans une Algérie perçue également comme une plate-forme d’approche incontournable de géologies maliennes et nigériennes prometteuses. Il n’y a pas jusqu’aux efforts de la première dame américaine en Algérie, l’épouse de l’ambassadeur, invitée de plateaux de télévision pour dire son admiration des cultures populaires algériennes, qui ne rentrent dans un plan d’approche soigneusement réfléchi comme seuls les Américains sont capables de le concocter.
De notre côté, la maestria prospective du Président Si Abdelmadjid Tebboune n’est pas en reste. L’Aldec (l’Agence algérienne de coopération internationale pour la solidarité et le développement) née dans le berceau du Haut Conseil de sécurité, les relations algéro-sahéliennes orientées de nouveau vers une cinétique d’élargissement au service de la cause nationale et non plus en soutien camouflé d’une action militaire néocoloniale d’outre-Méditerranée, les changements de notre posture défensive désormais en garde haute inscrite dans la Constitution en cours d’élaboration, augurent d’une dynamique nouvelle dans la région. Il n’y a pas jusqu’à l’inclinaison américaine à se désengager discrètement du Sahel, en support d’intérêts français trop exclusifs qui ne dessinent à traits encore ténus, l’esquisse fragile d’une autre politique possible dans notre environnement géographique immédiat, marquée par des convergences prometteuses.

Conditions d’une relation qualitative avec les Américains
Toutes ces raisons et d’autres encore dont une infrastructure de classe mondiale en termes de ports (à Cherchell), d’aéroports (à Tamanrasset) et demain de voies ferrées plongeant vers notre Grand Sud, au service de zones sahéliennes enclavées, militent pour une action d’alternative qualitative en direction de notre partenaire américain. Hier, nos relations bilatérales se réduisaient essentiellement au commerce des hydrocarbures. Aujourd’hui, l’Algérie de la transformation industrielle compétitive dans les domaines ferreux et pétrochimiques nous ouvre un courant d’affaires croissant avec l’Amérique. Demain, l’exploitation des terres rares – en diversification du quasi-monopole chinois en la matière – mises en avant lors de la dernière rencontre entre la presse nationale et le Chef de l’Etat, peut constituer une très puissante motivation américaine pour des convergences d’intérêts géostratégiques bien compris. Le secteur de la défense aux Etats-Unis, vecteur directeur de l’ensemble de la puissance matérielle de ce pays, est prisonnier de matières premières…chinoises (scandium, yttrium etc.) au centre du développement des technologies informatiques, celles liées à l’intelligence artificielle, à la conquête spatiale, à l’industrie nucléaire et autres domaines de la plus haute importance.
Aussi, il est temps de changer de paradigme vis-à-vis des Etats-Unis d’autant que l’excellence militaire russe et la route de la soie chinoise nous mettent en position d’envisager des rapports d’échanges avec l’Amérique qui ne soient pas totalement unilatéraux sur le plan géostratégique. Dans ce cadre bien plus général que la guérilla stérile de pseudo-démocrates aux idées villageoises, il est opportun d’initier des campagnes de lobbying aux Etats-Unis pour appuyer les changements en cours dans le pays. L’adoption d’une Constitution qualitativement démocratique issu du «Hirak béni » permet de changer efficacement l’image de marque d’un «Rogue State » que certaines capitales se sont chargées de nous coller dans les couloirs des influences de Washington, profitant d’une diplomatie aux abonnés absents durant de trop longues années. Oui, il nous faut des David A. Keene mais aussi de bien plus prestigieuses plumes au Washington Post et au New York Times, à Bloomberg, CNN, Fox news pour faire le compte-rendu des changements à l’œuvre dans le pays, en induction du mouvement social et dont les résultats les plus visibles se cristalliseront dans une vie démocratique enfin débarrassée de l’infantilisme instrumentalisé de tous ceux qui ne souhaitent pas voir la maturation d’une personnalité algérienne en renforcements constants.
Comme il n’y a pas à rougir du 22 février 2019 dont le pacifisme fut le point d’appui des directions qui se déroulent sous nos yeux, ni de l’attitude responsable de l’ANP, il n’y a pas non plus à dénigrer les conséquences institutionnelles et éminemment politiques de propositions qui s’inscrivent en droite ligne de revendications populaires. Nous avons trop longtemps laissé une chaise vide aux Etats-Unis. Il est plus que nécessaire de rattraper le temps perdu avec des partenariats sérieux et profitables à toutes les parties dans les secteurs de haute valeur ajoutée. Pour ce faire, il faut consacrer des finances en appui de lobbyistes professionnels efficients dont le travail est de porter haute la voix de leurs mandants comme le font les Marocains, les Israéliens, les Français, les Chinois et les Russes ! De même que nous devons accélérer l’enseignement de l’anglais et du chinois, pour préparer les générations futures à embrasser la globalité géopolitique de nos intérêts en articulations fécondes et sortir d’alliances figées par les rentiers de l’exportation du pétrole et du gaz, limitant nos déploiements à l’international aux routes maritimes de nos clients en hydrocarbures, à nos implantations de pipeline sous-marins et au trafic aérien particulièrement dense entre Alger et Paris. Nous apprendrons alors à parcourir la presse de Washington avec une compréhension plus américaine de la méthodologie promotionnelle des intérêts politiques réciproques. Cela nous changera de la lecture berbériste et islamiste largement fossilisée par le «Hirak béni» des dictées ânonnantes du Monde et de Libération.
Brazi