Le rêve est gratuit

Ne m’en voulez pas…

Préambule
Peut-on dire que ce que j’écris dans ce texte est une véritable pièce de théâtre, classique, selon les normes requises dans ce genre de littérature ? Le lecteur sera seul juge. En tout cas, si elle n’en est pas une, j’aurai le mérite d’avoir essayé. Mon intention est de présenter quelque chose qui se tient, sur le plan du contenu, c’est-à-dire du message que je veux transmettre. Mon autre intention est de présenter quelque chose qui arrive à ce même lecteur dans un style accessible, facile à parcourir, afin qu’il ne puisse s’embarrasser de trop d’élocutions pour lesquelles il lui faudrait trimballer une encyclopédie de langue et de grammaire, pour en comprendre le sens et la dimension de cette tragédie qui se joue, hélas, sous nos yeux. Ce serait, de ma part, une marque d’égoïsme et une manifestation de pédanterie, que je ne devrais jamais afficher, eu égard à ce que je souhaite léguer à la jeunesse, surtout.

L’espoir d’un environnement sain et propre, disait un journaliste, fut possible le temps d’une campagne de nettoyage entamée en grande fanfare dès la nomination d’un nouveau wali. Maintenant, les grandes artères affichent une image désolante. Des ordures à même les trottoirs dégagent non seulement des odeurs nauséabondes, entourées de mouches et de moustiques, mais laissant en plus couler des liquides sûrement d’origine alimentaire qui vous collent à la semelle. Comment peut-on alors se prémunir de toutes sortes de maladies infectieuses puisque les foyers favorisant leur apparition sont à tout coin de rue ? Hélas, comme si nous vivions dans «un pays affreux et triste» ! Mais le nôtre, à l’arpenter de l’est à l’ouest et du nord au sud, n’est pas ce pays qu’on espérait voir après tant et tant de sacrifices. Le nôtre, dans cette ambiance de décrépitude est «composé de cubes de ciment, de parpaings, de routes défoncées et de gens gris, vidés d’eux-mêmes… C’est que le pays est vraiment triste et vraiment sous-développé en fin de compte !». En réalité, comme s’exprimait un analyste, les gens vivent comme dans la parenthèse policée d’une norme et avec l’illusion d’une urbanité qui nous ouvre droit à l’univers de la cité. Un autre, parlant des pays pauvres, expliquait que la dégradation des terres, le manque d’eau, la déperdition progressive de la faune et de la flore génèrent des déséquilibres structurels, de la pauvreté, des maladies et le recul de l’éducation.
La mauvaise réponse apportée à ces maux se manifeste par l’exode vers les grands centres urbains. Ceux-ci se ruralisent par la destruction du cadre de travail et de vie, vivent la clochardisation des transports publics, la surcharge des écoles dont la qualité baisse de manière dramatique, etc. C’est le cercle vicieux tant que les équilibres ne sont pas trouvés entre la ville et la campagne, tant que la décentralisation n’est pas considérée comme une urgence… N’est-ce pas ce qui se passe dans nos pays, également pauvres, au vu de nos réserves bancaires par rapport à celles des pays du nord ? N’est-ce pas ce qui se passe, surtout, à cause de notre manque de perspicacité et de raison. N’est-ce pas ce qui se passe dans notre environnement qui est en train de supporter des agressions et des affaissements que nul autre environnement au monde ne peut supporter ? J’ai à l’esprit cette fameuse histoire du commandeur des croyants, le Calife abbasside El Mamoun, fils du célèbre Calife Haroun El Rachid. Je me plais à vous la raconter, non pas pour allonger le texte, ni même pour jouir de nos malheurs, mais simplement pour confirmer que la culture s’est embellie avec les Arabes, les vrais, et que la détresse et la faillite ont trouvé leur champ de prédilection chez les ploucs que nous sommes.
Et comment ne vais-je pas raconter cette histoire éloquente, lorsque le souffleur qui me talonne de près me darde du regard et me fait signe de la main pour ne pas l’oublier. «Elle existe dans le texte !», me fait-il rappeler, avec sa fraternelle «véhémence», chaque fois que je m’approche de lui. Donc je suis fraternellement contraint de vous la raconter, dans les détails. Et de plus, il faut casser, de temps à autre, comme je le fais avec la monotonie du texte avec des digressions distrayantes et surtout significatives. Attachez donc vos ceintures, nous allons voyager dans le temps… ce temps où le dirigeant n’était pas hésitant sur les problèmes de principe.

El Mamoun était sorti pour une partie de chasse avec son aréopage de conseillers, ses archers d’élite et sa meute de chiens. Ils ont chassé toute la journée, sans s’apercevoir qu’ils s’étaient trop éloignés et qu’il se faisait tard pour revenir à Bagdad. La route n’était pas sûre et les moyens de communication de l’époque, malgré le lustre et les meilleures dispositions du pays, n’étaient pas ce qu’ils sont aujourd’hui. Un grand Cheikh de ces respectables tribus bédouines leur a offert le gîte, comme tout noble paysan qui se respecte. Le commandeur des croyants et sa suite ont apprécié le geste du Cheikh. Et, au petit matin, avant de prendre congé de son hôte, El Mamoun, dans un discours auguste, le remercie affablement et lui demande quels sont ses désirs. Il voulait lui remettre un présent à la hauteur de son aimable hospitalité. Hésitant, l’honorable Cheikh, balbutiait devant le souverain. – N’hésite pas ! Demande-moi ce que tu veux, je suis prêt pour te donner l’équivalent de ton poids en pierres précieuses ! Lui dit le souverain. – Je veux que vous m’autorisiez à m’installer à Bagdad, lâcha le Cheikh, tout en baissant la tête respectueusement devant la haute autorité du pays. – Jamais ! Je ne vous autoriserai à venir habiter Bagdad ! S’exclama le souverain, courroucé. Jamais ! Vous entendez !
Votre désir est trop grand pour moi. Je suis prêt, comme je vous l’ai dit, à vous offrir un trésor rempli d’or, de diamants et d’émeraudes, mais vous permettre d’habiter Bagdad, cela m’est impossible. De toute façon, réfléchissez encore et, quand vous serez moins exigeant et plus sérieux dans votre souhait, je vous recevrai à mon palais et vous remettrai votre récompense. El Mamoun quitta le Cheikh et sa famille, non sans les saluer avec déférence et amabilité. Et, sur le chemin du retour, un de ses conseillers, le plus proche, osa lui parler de cette demande qu’il ne trouvait pas impossible. – Non, non et non ! Je ne lui permettrai jamais de souiller Bagdad. Ce Cheikh, malgré son aisance, de par ses palmiers, ses biens, ses chameaux, ses brebis, ses moutons et sa fortune, garde toujours les réflexes d’un «Aârabi». Oui, des réflexes qui ne peuvent s’accommoder à ceux de la cité. Imaginez-vous, mon cher conseiller, vous qui semblez défendre l’indéfendable, que ce matin, en allant faire mes ablutions pour accomplir ma prière, je l’ai vu faire ses besoins derrière un buisson. Cet individu, fort respectable, par ailleurs, va ramener sa culture de bédouin à Bagdad et reconstituer son environnement là où nos ancêtres les Abbassides ont travaillé dur pour arriver à ce résultat, et cela je ne le permettrai jamais.
A ces mots, le conseiller se tut et la caravane continua son chemin vers la splendide cité de la culture et du faste. Une grande leçon d’autorité, de savoir-faire et de savoir-vivre, que celle d’un commandeur des croyants qui aimait vraiment son pays et le bien de ses ouailles. Une grande leçon de morale qui aurait servi, aujourd’hui, pour nos «bouseux-maquignons», s’ils avaient trouvé des responsables à l’image de ces ancêtres, cultivés, civilisés, élevés dans le moule de l’autorité, du progrès et du perfectionnement… des responsables qui sont faits pour commander, et non des corrompus qui s’agenouillent devant la matière, oubliant souvent le devoir et le rang pour lesquels ils ont été désignés. Cette histoire qui est vrai, malheureusement, nous révèle à quel point nous pouvons être maladroits dans nos pratiques et à quel point nous pouvons nous enfoncer dans la dévalorisation de notre culture pour nous placer à la traîne de ces sociétés qui ont tout appris en consultant soigneusement nos «tablettes».
Certains, particulièrement, y compris dans le giron de nos responsables, ont de tout temps critiqué violemment ce monde arabe, ces «précurseurs» de la science et de la culture, parce qu’ils leur réfutent cette intelligence et cette avance qui les caractérisaient dans le monde d’alors. Oui, parce que notre passé, riche, très riche a servi de référence à tous les peuples qui voulaient embrasser le progrès et entrer dans la modernité. Mais que sommes-nous aujourd’hui ? La question mérite d’être posée pour comprendre cet écart qui nous éloigne de la réalisation des aspirations que nous avons longtemps caressées. Que sommes-nous, franchement, nous qui plastronnons, à chaque discours, que le Tout-Puissant nous a accordé ses faveurs pour nous placer avantageusement dans cette course effrénée vers le progrès ? Nous sommes une société qui a perdu ses repères ! Oui, une société qui parle, qui parle trop et qui stagne au moment où d’autres avancent.

Une société qui n’a pas su se hisser à la hauteur de ses responsabilités pour être au diapason de ces autres sociétés, autrement mieux instruites et plus avancées. Est-ce peut-être parce que l’horrible «mauvais œil» nous poursuit ? Ou est-ce parce que nous n’avons pu nous inspirer de ces grandes expériences que les savants arabes et après eux, les occidentaux, propageaient pour servir l’humanité ? C’est peut-être cela en effet qui nous a été préjudiciable dans notre développement. J’ai à l’esprit cette «sacrée histoire de pomme» lorsque ce fameux scientifique très «british» a inventé une savante théorie quand ce fruit, aux couleurs vermeilles, lui est tombé sur la tête, alors qu’il se reposait à l’ombre d’un pommier, dans un luxuriant verger, et qu’un des nôtres, un chanteur, pourtant perspicace et intelligent, n’a rien trouvé de mieux que de composer, en recevant ce même fruit sur la tête, une «ritournelle» fort banale et insipide. C’est là toute la différence entre la culture et l’inculture. Tenez ces mêmes bouseux – je reviens à eux –, une fois au pouvoir ont transformé notre pays en lieux-dits. Je reste toujours dans l’environnement. Et je suis désolé de dire que nous sommes en train de perpétuer la mission du colonialisme, depuis notre indépendance, quand on sait que ce dernier voulait nous laisser dans notre ambiance de capitulation qui nous éloignait de nos repères. Ce que je veux dire par là, c’est que même après notre libération, nous avons continué à appeler les cités que nous avons réalisées avec tant de sacrifices : la cité d’urgence, la cité des 3 104 logements, la cité des 1 003 logements et la cité de je ne sais combien d’autres logements. Des lieux-dits, effectivement, qui nous font perdre le charme le calme de ces cités que nous aurions voulu radieuses.
Cela, également, nous éloignent de l’Histoire de notre pays. Rares sont ces cités qu’on appelle du «bonheur» ou des «roses», parce que ce dernier, le bonheur ne fait plus partie de notre patrimoine national et ces dernières, c’est-à-dire les roses ne poussent plus dans notre environnement qui est pollué, brutalisé, vaincu par le béton et vidé de son oxygène. Les deux, le bonheur et les roses sont désorientés par des choix idéologiques dictés par des théoriciens qui ont besoin de beaucoup de stabilité et de rigueur pour assurer leur décollage. Ne m’en veuillez pas si je suis très bavard, je suis obligé de vous raconter tout le rêve. Mais il devient hélas dur, plus dur qu’avant. Il faut le supporter et me supporter avec, car il nous a été imposé. De plus, il est gratuit. Ne m’en veuillez pas, encore une fois, si je tiens à vous le raconter jusqu’à la fin. L’artiste continue sa longue et presque interminable tirade, se rappelant de plusieurs situations, après les différentes interventions des spectateurs. Ainsi, profitant des occasions qui lui sont données, il s’élance sans se faire prier : nous sommes tous, à des degrés divers, responsables de cette situation. Le pouvoir, le citoyen et toute la société ne sont pas exempts de reproches. Nous l’avons dit. C’est un tout… c’est une ambiance générale qui se perpétue et qui jette, de tout son poids, une opprobre inqualifiable sur un pays qui a toutes les chances pour avancer très rapidement, en tout cas, mieux que plusieurs qui font des prouesses malgré leurs faibles potentialités.
Chez nous, même le citoyen a perdu ses marques… il n’est plus comme avant, entreprenant, courageux, lucide et plein d’entrain. Un journaliste faisait une longue analyse et écrivait, posément, que le citoyen du moment n’a pas d’emprise sur le procès de son histoire, en général, et sur le procès de production de sa vie immédiate, en particulier. Et, c’est parce qu’il consomme beaucoup (grâce à la rente pétrolière) et produit peu que l’Algérien du moment constitue un terrain propice au prêt-à-porter (avant-hier, le socialisme spécifique était la solution, hier, l’islamisme spécifique aurait pu être la solution et aujourd’hui le néolibéralisme spécifique est la solution ! Que réserve demain aux citoyens ?) En tout cas, aujourd’hui, la réalité du citoyen du moment transparaît dès lors pour autant qu’il exhibe des capacités (le trafic, le «trabendo», la magouille, le vol «légal ?» généralisé), des talents (la débrouillardise pour contourner la loi, le comportement de la girouette, «l’à-plat-ventrisme», le «béni-oui-ouisme»…) et des tendances (l’attente du messie pour le sauvetage général, le culte des apparences qui cachent l’être minable, les tartufferies…).
Sans ces attributs, l’individu citoyen n’est rien… il est en dehors du système et est de ce fait irréel. El les citoyens du moment continuent à se comporter en rentiers, pour autant que la rente demeure le rapport social dominant du moment. Ainsi, l’échange de marchandises (produites ailleurs) et de services constitue l’activité dominante qui réduit la production à un phénomène secondaire et à la limite inessentiel. Et le citoyen qui travaille et produit est en général considéré comme un individu anormal (une non-personnalité), un imbécile notoire en définitive. Ainsi, en lisant notre presse le matin, on est offusqué par la saleté qui s’en dégage à partir d’informations qui nous sont révélées. Je donne un autre exemple sur cette ambiance générale, difficile, pénible et qui jette de tout son poids, des sensations de peur au niveau d’une population qui assiste, impuissante, à un film d’horreur. Cet exemple est banal, je vous le donne comme cela, gratuitement, parce que je l’ai choisi parmi tant d’autres exemples aussi dangereux les uns que les autres. Je cite : «Une histoire de faux billet. Plus de 300 millions de dollars saisis. Une affaire de fausses cartes grises pour 108 Mercedes.

Des maires condamnés à la prison ferme. Arrestations en série pour trafic du foncier et attributions illégales. Plusieurs hauts cadres ont été interpellés pour affaires de corruption et malversations. Des enquêtes et des poursuites judiciaires sont menées dans une opération qui n’a pas encore dit son nom. «L’époque de l’impunité est révolue», s’est exclamé le ministre de la Justice et Garde des Sceaux». Le mal est profond, certes, mais les solutions tardent à venir. Pourquoi ? Nous nous posons la question et nous ne voyons pas encore le bout du tunnel. Eh bien, parce que personne n’est à sa place ! Je dis cela au risque de me répéter. Oui, personne n’est à sa place, du plus simple planton aux plus grands responsables. Tous squattent des postes qui ne leur conviennent pas, et qu’ils savent ne pouvoir assumer. Ils sont là, par la magie de la complaisance et par cooptation stupide et débile, nous menant droit vers des sentiers, non pas battus, mais vers des sentiers impraticables… Mais est-ce la fin du rêve où trop de choses sont passées à la fois ? Non ! Mais pour mieux le vivre et le comprendre, il faut retourner à ses débuts… à ces moments forts qu’a connus notre pays pour faire la comparaison avec ce que nous vivons présentement. Oui, pour comprendre aisément tout le rêve, il faut retourner un peu en arrière.
Le rêve est construit ainsi. Ne m’en veuillez pas, encore une fois, il est gratuit… Un des spectateurs, à la belle allure, quitte son siège en s’excusant auprès des autres spectateurs qu’il pense gêner en essayant de sortir pour se mettre dans l’allée de gauche. Droit comme un cierge, il prend la parole pour vider son sac. C’est dire que le théâtre est un exutoire remarquable pour ceux qui n’ont pas tellement l’occasion de s’exprimer, là où il faut. Il dit, dans un style reconnaissant pour l’artiste et non moins exacerbé pour les présents : – C’est bien d’avoir en face de soi des hommes qui parlent vrai, des hommes qui sont tout prêts des autres, qui connaissent leurs souffrances, leurs besoins, leurs espoirs. C’est important de se sentir écouté, épaulé et assisté dans des situations ardues. C’est vraiment réconfortant de vivre dans une ambiance de solidarité et d’entraide. Ces moments, nous les avons perdus, nous ne les trouvons plus comme avant, lorsque nous étions maîtres de nos sens et plus proches de la réalité.
Je remercie l’artiste pour ses brillants exposés, pour ses bonnes paroles. Franchement, nous sommes bienheureux de savoir que dans le pays il y a des gens qui pensent de la même façon que le peuple… ce peuple qu’on a si souvent ignoré et traité comme une quantité négligeable. Le malheur dans ce qui nous arrive est que nous n’avons pas, à tous les niveaux, essayé de nous remettre en cause pour trouver les solutions à nos problèmes. Nous n’avons pas été francs avec nous-mêmes pour dire, avec le courage qui nous caractérisait, il y a longtemps, que nous avons troqué notre bon sens contre des futilités. Oui, contre des futilités, puisque nous avons passé notre temps à nous occuper des autres, à nous quereller, à se tirer entre les pattes, à se jalouser. Et, dans cette atmosphère d’adversité, nous avons laissé l’essentiel, nous n’avons pas été vers la recherche de bonnes solutions pour améliorer notre façon de gérer notre vie et nos institutions. Je voudrais, pour ma part, intervenir dans un domaine qui est vu comme un tabou, lui aussi.

Il s’agit du régionalisme, de cette affreuse maladie, qui nous cause des préjudices inimaginables et qui agit dans le sens de la division et de la dispersion des potentialités, en plus qu’elle crée des rancœurs à des niveaux importants de la société. Vous avez déjà ébauché la question dans vos précédentes interventions, mais je crois que ce n’est pas suffisant, pour que l’on puisse comprendre raisonnablement ce sujet brûlant qui est la cause de tant de déperditions. Cette même maladie cause des dégâts chez les cadres et agit directement sur le système qui accuse, de facto, des contrecoups d’un préjudice inqualifiable. En bref, les répercussions d’une telle pratique vont à l’encontre de ce que voudrait un système qui se respecte en même temps qu’elles s’érigent en obstacle au détriment de cadres, honnêtes et compétents, qui attendent leur chance dans les promotions et dans l’amélioration de leur carrière. Là, l’artiste hoche la tête, non pas parce qu’il n’est pas d’accord avec ce propos, mais parce qu’il voudrait lui-même discourir sur ce sujet qui le tient à cœur. On sent qu’il attendait que quelqu’un lui fasse signe pour se lancer, à son tour, dans un autre commentaire et expliquer les effets de cette maladie qui nous ronge. – Justement, il faut parler encore de cette maladie, et comme vous l’avez deviné je l’ai évoquée avant, uniquement à titre d’exemple, pour confirmer un autre sujet brûlant de l’actualité. Et, en même temps, parce qu’étroitement liés, il faut parler de ces choix malheureux de cadres et surtout des élus qui ont la tâche de diriger, de gérer et de gouverner le pays.
Il faut parler de ces gens qui sont venus «par la grâce et la sollicitude» du régionalisme ou, tout simplement, du clientélisme abject et du copinage. Là, on peut parler des sélections malheureuses et dire, tout haut, que les dirigeants choisissent leurs cadres, pas ceux de l’Algérie… Je m’explique : ils choisissent des larbins, des insignifiants, des «machins» en fait qui n’ont aucune personnalité et qui savent dire oui à tout le monde, dans toutes les circonstances, et qui les servent abondamment. Ils laissent de côté des cadres, des vrais, les obligeant à rester chez eux, à la maison. Ces derniers deviennent de facto des «hommes au foyer» qui ont la «peur du réveil matinal, parce qu’il est fait d’angoisses de ne savoir où aller et par quels chemins y aller». Ceux-là, les cadres de l’Algérie, ont de la dignité, de l’amour propre, et véhiculent des critères que n’ont pas les autres. On a l’impression, souvent, quand on ne voit que de mauvais gestionnaires dans des structures importantes, que ceux qui nous dirigent veulent perpétuer, à tout prix, le règne de la médiocrité et s’y installer comme de grands magnats, dans une atmosphère de déliquescence.
Est-ce pour avoir plus d’autorité sur leurs ouailles et, par là même en tirer profit, que ces responsables «tirent sur la corde» de cette manière pour nous imposer une faune pareille dans des postes où devraient s’installer les meilleurs ? Oui, le choix des cadres n’a jamais répondu à une logique de rationalité. On a l’impression quelquefois que l’on assiste à «une vente concomitante» quand il s’agit de ces désignations par quota, dans le cadre d’une certaine coalition. Ainsi, je te donne ce que je veux – c’est-à-dire mes amis et mes «obligés» – et tu me «fourgues» ce que tu veux. Et de là, l’observateur juste, peut-être intransigeant, vous dira : «Ça bricole encore et toujours» et de continuer, en allant très loin dans l’analyse de la gouvernance et du pouvoir, en affirmant qu’un pays où un unanimisme féroce combat la diversité, la bonne gouvernance ne peut être qu’antinomique avec la concentration de l’autorité. On n’y conçoit pas sainement l’alternance au pouvoir puisque ce sont toujours les mêmes que l’on retrouve aux commandes. – Justement, il faut parler encore de cette maladie, et comme vous l’avez deviné je l’ai évoquée avant, uniquement à titre d’exemple, pour confirmer un autre sujet brûlant de l’actualité. Et, en même temps, parce qu’étroitement liés, il faut parler de ces choix malheureux de cadres et surtout des élus qui ont la tâche de diriger, de gérer et de gouverner le pays.
Il faut parler de ces gens qui sont venus «par la grâce et la sollicitude» du régionalisme ou, tout simplement, du clientélisme abject et du copinage. Là, on peut parler des sélections malheureuses et dire, tout haut, que les dirigeants choisissent leurs cadres, pas ceux de l’Algérie… Je m’explique : ils choisissent des larbins, des insignifiants, des «machins» en fait qui n’ont aucune personnalité et qui savent dire oui à tout le monde, dans toutes les circonstances, et qui les servent abondamment. Ils laissent de côté des cadres, des vrais, les obligeant à rester chez eux, à la maison. Ces derniers deviennent de facto des «hommes au foyer» qui ont la «peur du réveil matinal, parce qu’il est fait d’angoisses de ne savoir où aller et par quels chemins y aller». Ceux-là, les cadres de l’Algérie, ont de la dignité, de l’amour propre, et véhiculent des critères que n’ont pas les autres. On a l’impression, souvent, quand on ne voit que de mauvais gestionnaires dans des structures importantes, que ceux qui nous dirigent veulent perpétuer, à tout prix, le règne de la médiocrité et s’y installer comme de grands magnats, dans une atmosphère de déliquescence.
Est-ce pour avoir plus d’autorité sur leurs ouailles et, par là même en tirer profit, que ces responsables «tirent sur la corde» de cette manière pour nous imposer une faune pareille dans des postes où devraient s’installer les meilleurs ? Oui, le choix des cadres n’a jamais répondu à une logique de rationalité. On a l’impression quelquefois que l’on assiste à «une vente concomitante» quand il s’agit de ces désignations par quota, dans le cadre d’une certaine coalition. Ainsi, je te donne ce que je veux – c’est-à-dire mes amis et mes «obligés» – et tu me «fourgues» ce que tu veux. Et de là, l’observateur juste, peut-être intransigeant, vous dira : «Ça bricole encore et toujours» et de continuer, en allant très loin dans l’analyse de la gouvernance et du pouvoir, en affirmant qu’un pays où un unanimisme féroce combat la diversité, la bonne gouvernance ne peut être qu’antinomique avec la concentration de l’autorité. On n’y conçoit pas sainement l’alternance au pouvoir puisque ce sont toujours les mêmes que l’on retrouve aux commandes.
(A suivre)
Par Kamel Bouchama (auteur)