L’université algérienne, entre le renforcement de ses acquis et la pré́paration des perspectives de son évolution

Eléments de réflexion

«L’université́ n’est pas un monde clos, elle doit ê̂tre sensible à l’é́volution du monde, à̀ l’é́volution du monde des connaissances et aux exigences toujours renouvelé́es de la formation et de la recherche.»

La déclinaison de tous ces facteurs liés à la promotion et le développement de la CE, montre bien que l’entrepreneuriat doit être érigé comme une valeur éducative, où l’université doit être le maillon principal de la chaine éducative, et elle doit jouer un rôle important dans la promotion de la carrière entrepreneuriale chez les étudiants. Cette dimension éducative et culturelle de l’entrepreneuriat est envisagée comme une voie qui peut offrir aux individus des compétences supplémentaires pour qu’ils puissent élargir leurs perspectives professionnelles. Une possibilité de prendre en main leur destin, soit pour obtenir un emploi plus valorisant, par la transformation de leur passion en activité professionnelle, ou encore par la possibilité d’échapper à la domination que renferme le modèle salarial.

V-L’Histoire de la Coccinelle, le Puceron et la cré́ation d’Entreprise.
Notre histoire se déroule dans une école primaire de garçons dans un petit village qui s’appelle Oued-Zenati, dans un décor qui rappelle les anciennes institutions du siècle passé. Cette école a su se distinguer durant plusieurs années, parmi toutes les écoles du pays, par une activité exceptionnelle, celle de l’élevage des coccinelles et de leur commercialisation. Derrière cette expérience se trouve un enseignant qui a eu cette idée il y a 15 ans. Fasciné par la nature et particulièrement par le monde des insectes, attiré par leur univers si petit et microscopique, cet instituteur a commencé à élever des coccinelles. Le projet a débuté sur une observation du mode de vie de ces créatures. En effet, l’enseignant a remarqué qu’elles se nourrissent de pucerons, qu’elles dévorent abondement et de ce fait, leur exploitation peut être extrêmement bénéfique. Les pucerons vivent sur les tiges et les feuilles des plantes et se nourrissent de leur sève. Ainsi, c’est au fond de sa classe que l’enseignant va installer son projet. Les coccinelles vont vivre dans un petit coin de la salle sur une table, placée au fond près de la fenêtre dans de petites boîtes en plastique. Cette activité, servira comme un inépuisable projet pédagogique qui permettra aux élèves de voir comment se développent, se métamorphosent et se reproduisent les insectes. Cette expérience didactique est devenue une attraction et une curiosité pour tout le corps des enseignants, de leur directeur d’école, des élèves et de leurs parents.
Ces derniers décident alors, en hommage à cette initiative si enrichissante pour l’école, de consacrer un espace pour l’élevage de la coccinelle. Cependant, leur projet rencontre une contrainte, les coccinelles ont besoin de se nourrir et pour les nourrir, il faut disposer de pucerons. Il s’avère donc indispensable d’élever des pucerons et de les alimenter. Pour se faire, les élèves de l’école commencèrent à semer dans de petites boîtes des graines, de petits pois et des plantules issus de cette expérience leur servent pour se développer et de se nourrir. Et à partir de ce moment, l’école consacre un espace approprié, et bien équipé des néons (comme source de lumière), un appareil de climatisation pour exploiter les pucerons et élever les coccinelles. Bien que la mise en place d’une telle initiative était parfois pénible, car l’enseignant était, à maintes reprises, la risée de ces collègues qui ne voyaient pas clairement les débouchés de son idée. Loin de cette dimension, il continue dans sa trajectoire, il développe, tout d’abord un site Internet : «ouedzenati-coccinelle.dz». Un site qui devient, en très peu de temps, très connu et très visité par toute la communauté scolaire, enseignants et élèves. Il participe par la suite à un concours que Microsoft organise, il gagne des ordinateurs pour son école. En observant tous ces exploits plus personne ne se moque de l’enseignant aux coccinelles. Aujourd’hui, notre enseignant est très respecté par ses collègues, il est sollicité partout pour enseigner son approche pédagogique, ce qui lui permet d’avoir une mission plus lourde, celle de relancer l’enseignement des sciences de la nature dans les écoles.
De plus, le succès de son idée a atteint le secteur de l’agriculture, il se voit sollicité par les agriculteurs qui veulent lui acheter des coccinelles pour les utiliser comme insecticides naturelles. Alors c’est ainsi, qu’un petit projet pédagogique est devenu une entreprise à l’intérieur d’une école. Une entreprise qui mobilise tous les acteurs : enseignants, élèves, directeurs, et qui intègre notamment des acteurs extérieurs de l’établissement tels les agriculteurs. Tout un dispositif d’emballage des coccinelles a été installé afin de rendre leur commercialisation facile. Plus qu’un outil pédagogique, l’opération a su mettre en valeur une trajectoire, et un cheminement logique et naturel dont le but est de montrer aux élèves comment fonctionne une chaine alimentaire pour illustrer l’interdépendance entre les vivants. De plus, l’enseignant en question mobilise cette expérience pour explorer, avec ses élèves, d’autres univers tels les mathématiques, des statistiques, l’écologie, la biologie, aujourd’hui, deux de ses élèves sont devenus de jeunes universitaires diplômés en biologie à l’université Mentouri-Constantine, les deux mènent une belle carrière universitaire et scientifique.

La biologie, et particulièrement l’univers des coccinelles sont au cœur de leur vie professionnelle. Les deux anciens élèves gèrent actuellement une grande entreprise, où ils font élever les coccinelles, et font revivre l’expérience pédagogique de leur enseignant. Et leur entreprise emploie une vingtaine de personnes. Bien que cette histoire, un peu inspirée de notre enfance, soit belle à raconter, il reste néanmoins important de lire ce qu’elle murmure sous ses lignes. Chers collègues, si d’une simple idée d’élevage de coccinelles s’est tracée toute une destinée, nous n’avons qu’à reconnaître que chaque parcours de formation ouvre bel et bien des perspectives, reste à bien réfléchir et à bien planifier son parcours. L’enseignant aux coccinelles n’avait rien de plus que l’un d’entre nous, il a seulement su éclairer le chemin à ses élèves, les aider à mieux voir et à croire en leur potentiel. Il a su montrer que l’on peut s’épanouir dans l’autonomie et de réaliser de gros projets une fois nos objectifs et nos attentes sont bien tracés et bien définis.
La science nous ouvre de larges perspectives, elle nous permet de voir qu’il n’y a pas de sous disciplines, que tout dépend de notre démarche, de notre méthode de travail et de notre dévouement à ce qu’on entreprend. La morale de l’histoire, c’est que d’une simple leçon de choses, on peut construire une leçon de culture scientifique. Et d’une leçon de culture scientifique, on peut développer une leçon de l’entreprise. De la leçon de l’entreprise, on peut imaginer une leçon de création de la richesse. Et de la leçon de la création de la richesse, on peut concevoir une leçon de création de l’emploi. Et l’emploi se construit dans le cadre de la relation entre l’étudiant et l’enseignant sur la base de trois mots qui définissent la philosophie et le concept d’un parcours de formation c’est : «Apprendre, comprendre, appliquer» Enfin, cette histoire montre clairement, que l’éducation est un outil de changement des plus puissants.
Et à l’ère de la mondialisation et de l’économie du savoir, il incombe à l’école comme à l’université de promouvoir l’éducation de l’entrepreneuriat et de l’innovation.De même, il y a lieu de percevoir ici, que l’enseignement de la culture entrepreneuriale à l’université peut avoir aussi un impact direct sur la transformation de la société, qui peut passer d’une société salariale à une société entrepreneuriale. On peut dire à la fin de ce propos, que l’introduction de l’enseignement de la CE dans le champ des politiques de l’enseignement supérieur s’inscrit dans le processus de la professionnalisation des formations universitaires avec un ancrage territorial et régional d’une part, et du redéploiement des missions de l’université d’autre part. Et que la réussite de cette dynamique pédagogique exige de l’université d’être préférablement une université entrepreneuriale ou à orientation entrepreneuriale.

VI- L’Université algérienne à l’heure de la gouvernance stratégique et du numérique : quelle démarche pour réussir l’instauration du projet d’établissement ?
Le dynamisme et le développement d’un établissement universitaire passent incontestablement par la mise en place d’une dynamique prospective, dont l’objectif principal est de mobiliser les différentes composantes de la communauté universitaire autour d’un projet ambitieux de développement de l’université. Cette démarche projet d’établissement est de nos jours adoptée à travers le monde par l’ensemble des systèmes de l’enseignement supérieur. Elle vise à placer l’université à l’heure de la gouvernance. Ce projet est la voie par laquelle nos universités puissent développer dans leurs pratiques de gestion, la culture du management stratégique qui définit les règles de la rationalisation de l’action collective. Bien sur, le schéma et les principes retenus par le projet n’a pas seulement pour objectif de remplacer une démarche prospective à des modes de gestion enfermés dans le trop court terme, focalisée en grade partie sur la gestion du budget. Il est aussi porteur de valeurs à promouvoir, et d’une méthodologie nécessaire à la définition d’objectifs et des projets conformes aux missions de l’université.
Il incarne aussi un acte prospectif et volontaire d’une communauté composite, qui est traduit par des choix concertés et partagés. Il est en outre un instrument, qui permet de définir les évolutions que nous souhaitons opérer à l’avenir. Par ailleurs, le projet d’établissement, dans sa conception, il est avant tout la résultante d’un diagnostic stratégique et organisationnel, réalisé en s’appuyant sur plusieurs dispositifs d’évaluation (auto-évaluation, évaluation externe, audits, constat). C’est pour cela que le projet d’établissement, représente un contexte et décrit une situation, et propose une vision de développement pluriannuelle. Ce qui nous amène à retenir à travers les éléments cités ci-dessus, que le projet d’établissement devient implicitement une déclinaison d’axes et de projets prioritaires à privilégier, qui tiennent compte des besoins et des exigences de la communauté, de la demande sociale et des orientations du secteur de tutelle.
(A suivre)
Par Abdelhamid Djekoun