Le Cardinal Idir inhumé à Paris dans l’intimité familiale

Musique

Comme nous l’avions annoncé dans nos précédentes éditions, Chériet Hamid, alias Idir, a été enterré mercredi dernier dans l’après-midi (15h30) au carré musulman du cimetière du Père Lachaise dans le 20e arrondissement à Paris.

Malgré le déconfinement autorisé par le gouvernement français, le cimetière du Père Lachaise est toujours soumis aux restrictions sanitaires, ce qui explique le nombre important des personnes venues rendre un dernier regard au Cardinal de la chanson algérienne d’expression kabyle restés à l’extérieur du cimetière. De ce fait, les obsèques ont eu lieu dans l’intimité familiale la plus totale. Par le biais d’un communiqué diffusé mardi sur sa page Facebook, on pouvait lire ceci : «Bien que son souhait de toujours fût d’être enterré dans son village natal Aït Lahcen, il a au cours du temps, exprimé auprès de ceux, auxquels incombe l’accomplissement douloureux de ses obsèques, la volonté de se faire inhumer en France, auprès de ses enfants». «Ce vœu formulé, en pleine conscience a été réitéré à différents membres de la famille ayant la légitimité de le faire exaucer», précise le communiqué.
Il est à signaler que l’imam de Torcy, en l’occurrence Cheikh Abdellatif a été chargé par la Grande Mosquée de Paris de procéder à la toilette et d’accomplir la prière mortuaire pour défunt Idir et ce en présence de son fils Yanis et de sa fille Thanina ainsi que certains membres proches de la famille qui ont été consolés par les invocations en faveur du défunt faites aussi en langue kabyle. Le Cardinal de la chanson algérienne d’expression kabyle en l’occurrence feu Idir s’est éteint le samedi 2 mai suite à une fibrose pulmonaire à l’hôpital Bichât, situé dans le 20e arrondissement à Paris à l’âge de 70 ans. Il avait deux concerts à donner prévus les 5 et 6 juin 2020 au théâtre Traversière situé dans le 20e arrondissement à Paris avant qu’il succombe à sa maladie. Lors de son dernier concert à Sarcelles dans la banlieue parisiennen, il a été impressionné par ce public venu en nombre important et de toutes les nationalités SVP assister à son concert duo avec sa fille Thanina. Des élèves de l’Institut médico-éducatif (IME) Henri Wallon de la même ville faisaient aussi partie du public et étaient ravis de voir pour la première fois Idir sur scène. Feu Idir avait envoyé un message fort à l’assistance sarcelloise ce jour-là «j’adore la merveilleuse diversité de cette jolie ville, je me sens chez-moi ici à Sarcelles, merci à toutes et à tous…».
Idir est né le 25 octobre 1949 au village d’Aït Lahcèn à 30 bornes de la wilaya de Tizi-Ouzou. Géologue de formation, un simple passage en 1973 à la Radio algérienne change le cours de sa vie où il remplaçait à la dernière minute la chanteuse Hamizi Zahia plus connue sous le nom d’artiste Nouara avec sa chanson kabyle «Avava Inouva»… Cette chanson avait fait le tour du monde et ce à son insu vu qu’il passait son service national la même année à Blida en compagnie de l’autre stratège Safy Boutella. «Je suis arrivé au moment où il fallait et avec les chansons qu’il fallait», disait-il aux nombreux (ses) journalistes et animateurs (ces) télés qui l’invitaient après sa fulgurante ascension mondiale… Idir rejoint Paris juste après avoir fini son service national et produit son premier opus «Avava Inouva» (Mon papa à moi) qui a été, rappelons-le, traduite en 29 langues et interprétée par les meilleurs chanteurs(ses) du monde. Il disparaît de la scène artistique durant dix ans suite à un différend avec son producteur français de l’époque. Profitant de l’élan donné par les autres algériens Khaled et Mami, Idir relance sa carrière début de l’année 1999 avec l’album «Identités» avec une palette d’artistes de renommée mondiale à l’image de Maximes Le Forestier, Manu Chao, Geoffrey Oryema, Gilles Servat, l’ONB, Johnny Clegg, Francis Cabrel, Patrick Bruel, Gérard Lenormand, Henri Salvador, Gnawa Diffusion, Zebda, Charles Aznavour ou encore Grand Corps Malade qui lui a écrit la chanson «Ma fille». Sept ans après, soit en 2007, il sort son album «La France des couleurs» et ce, en pleine campagne électorale des présidentielles en France marquée par les fameux débats sur l’immigration et l’identité.
Le Cardinal de la chanson algérienne d’expression kabyle qui militait avec acharnement pour la reconnaissance de l’identité culturelle kabyle était revenu en 2018 pour chanter à Alger et Tizi-Ouzou à l’occasion du nouvel an Yennayer, après 38 ans d’exil volontaire mais avant il revenait souvent rendre visite à ses proches et amis d’enfance. Au mois d’avril de l’année dernière, il évoquait longuement les manifestations populaires et pacifiques des Algériennes et Algériens ainsi que le «départ» de Bouteflika lors d’un entretien accordé au journal du Dimanche : «J’ai tout aimé de ces manifestations, l’intelligence de cette jeunesse, son humour, sa détermination à rester pacifique… J’avoue avoir vécu ces instants de grâce depuis le 22 février comme des bouffées d’oxygène», allusion faite à sa maladie de la fibrose pulmonaire. «Je sais de quoi je parle», répondait-il au journaliste du JDD. Avant qu’il lance un autre message très fort cette fois-ci aux Algériennes et Algériens «de toute façon, nous sommes condamnés à réussir. Continuons donc à réfléchir en termes de nation algérienne vers le progrès… Si nous restons unis, personne ne pourra nous défaire». Le hasard a voulu que le dernier album de l’icône de la chanson kabyle s’intitule «Ici et ailleurs», comme s’il voulait nous dire, hier j’étais ici parmi vous et aujourd’hui je suis ailleurs ! Repose en paix Cardinal et que ton repos soit aussi doux que l’était ton cœur.
De Paris Hadj Hamiani