L’université algérienne, entre le renforcement de ses acquis et la pré́paration des perspectives de son évolution

Eléments de réflexion

«L’université́ n’est pas un monde clos, elle doit ê̂tre sensible à l’é́volution du monde, à̀ l’é́volution du monde des connaissances et aux exigences toujours renouvelé́es de la formation et de la recherche».

Devant ces grands défis en plein é́volution, comment adapter l’université́ à ce contexte changeant ? Comment donner à ses institutions et à̀ ses modes de fonctionnement les outils qui lui permettront de mieux ré́pondre aux exigences de ces nouvelles problé́matiques en termes de parcours de formation, en programme de recherche et en dynamique d’ouverture sur son environnement, sans renoncer à̀ ses missions fondamentales ? D’où l’université doit anticiper dès aujourd’hui les facteurs d’évolution et les tendances structurantes afin de ne pas les subir d’un cô̂té́, et d’en faire des opportuniteés d’innovation et de diffé́renciation d’un autre côté́. Ceci démontre bien que l’université, dont la mission fondamentale est la formation, doit impérativement se réinventer devant cette avalanche de changements liés aux progrès des technologies de la production du savoir et de son acquisition. Et par la même, elle est interpellée pour s’organiser afin qu’elle puise produire des contenus de formation et d’apprentissage qui permettent aux jeunes d’être en capacité d’innover et de se dépasser pour résoudre et apporter des solutions aux différents problèmes de la société. Pour dire en termes plus simples que l’ère de l’université de l’imitation est révolue et que l’ère de l’université de l’innovation a débuté.
C’est l’université des créateurs et des entrepreneurs où se combinent l’interdisciplinarité avec la création de valeur, du travail collaboratif, et l’acquisition en permanence de compétences. Une université au cœur de la vie professionnelle et au centre de l’évolution des métiers à venir, un écosystème où startups, entreprises, institutions publiques ou privées, enseignants, chercheurs et étudiants, travaillent en collaboration et co-inventent ensemble. C’est bien ce schéma et cette projection qui vont rendre les années à venir plus passionnantes pour les acteurs de l’enseignement supérieur, dont la mission est de bâtir l’université ville, disposant de qualités et de caractéristiques qui la projettent pour être :
1. Plus professionnalisante :
L’université de demain doit être attentive et présente dans l’évolution des carrières et des métiers. Elle est au centre de la construction du capital humain et au cœur de l’intégration des sciences dans le processus de développement économique. Cette mission doit être assurée par la mise en œuvre d’un enseignement global et collaboratif où l’étudiant est acteur de sa formation, et où l’enseignant devient un véritable accompagnateur (le coach). Dans ce processus pédagogie, l’apprentissage se construit par projet (apprendre aux jeunes à résoudre des problèmes inédits) et où le travail en équipe est fortement privilégié, et favorise l’acquisition de compétences. A travers cette approche, les parcours de formation s’appuient essentiellement sur la recherche et la pratique.
Dans ce sens ; l’étudiant est intégré rapidement dans les activités de recherche et les dispositifs d’innovation et de création. Cette organisation des enseignements, à laquelle participent aussi et de façon active les professionnels, devient une collaboration dynamique et durable. Une démarche qui permet de co-penser et de co-animer cette nouvelle université où la formation initiale et continue deviennent une offre adaptée à tous les moments de la vie professionnelle, sociale et économique, où celle-ci sera ouverte à plusieurs générations d’apprenants, en même temps pour que chacun puisse construire son capital de compétences «portfolio de compétences». Cette nouvelle conception de la professionnalisation de l’université exige que le campus devienne un véritable Laboratoire doté de plateformes technologiques et d’apprentissage. Il est à signalé que l’évolution de l’économie, des sciences, des technologies et des métiers nous imposent à ce que l’apprentissage devient une nécessité permanente qui doit se faire tout au long de la vie.
Ce qui corrobore bien, qu’au vue de ces changements perpétuels, que l’investissement initial dans une formation ne convient plus, et montre nettement que c’est la fin du modèle reposant sur une formation initiale de 3 à 4 ans, puis rentabilisé tout au long de la vie professionnelle. Ainsi, la vie professionnelle devient apprentissage et que l’apprentissage est intimement lié à la vie professionnelle. 2. Plus engagée Par son ancrage dans le développement local et territorial et sa dynamique à l’universel. Dans cette université, le partenariat et la solidarité, ainsi que la collaboration des enseignants, des chercheurs, des étudiants, et les entrepreneurs, font qu’ils doivent travailler en concert pour trouver des solutions aux grands défis sociétaux. Cet engagement ne peut donner de résultats palpables, s’il n’est pas bâtit sur une démarche transdisciplinaire et par la création d’espaces d’échange et de collaboration (conseil de perfectionnement), disposant de programmes avec des contenus concertés avec les acteurs de la vie économique et sociale.
Plus engagé́e par l’intégration de l’apprentissage dans la vie professionnelle, du fait que l’apprentissage et le travail font partie de l’économie de la connaissance. Aussi, par la définition de projets qui pourraient conduire les étudiants à s’investir d’avantage dans les préoccupations de la société. Et faire en même temps à ce que des structures de transfert de technologie soient érigées pour valoriser et accompagner les résultats de la recherche vers le marché et l’industrie. Pour dire qu’elle est dans l’obligation de prendre les initiatives nécessaires afin d’être à l’écoute de la demande sociale et d’y apporter des réponses. 3. Plus numé́rique : Aujourd’hui, nous assistons à une véritable révolution issue du développement des technologies du numérique. Celle-ci a fait, du smart phone, de la tablette, de l’ordinateur, des nets books, du facebook, de wikipédia et de Youtube… un monde «digital» où la génération digitale native échange pour apprendre, pour partager des informations, pour créer des réseaux, pour accéder à des contenus d’enseignement et de formation et pour travailler et collaborer en réseaux. Ce déferlement numérique à développer un être humain nouveau «humanité numérique ou l’Homo Numericus» qui vit dans un monde virtuel où on produit tous les jours autant d’informations.
Informations elles-mêmes génératrices d’autres informations productrices, de nouvelles connaissances et de nouveaux savoirs, qui sont en mesure d’apporter des réponses et des solutions précises à nos problèmes et de construire des contenus accessibles any time, any where, any device sur un simple téléphone cellulaire. Comme c’est le cas de la venue des technologies cloud qui ont aussi déclenché une révolution dans la manière de gérer les ressources numériques, où les données peuvent être enregistrées (le nuage) dans des espaces web abstraits accessibles de partout : avec des moteurs de recherche, nous pouvons retrouver une ressource sur la base de quelques mots clés. Ceci montre bien qu’un jour, nous serons dotés d’une e-mémoire infaillible. Toutes ces technologies ont transformé l’économie depuis 20 ans, et elles vont transformer l’enseignement supérieur et l’université dans les 20 ans à venir où l’enjeu primordial du monde éducatif et particulièrement celui de l’université de demain, ne serait plus de transmettre des connaissances, mais de transmettre une nouvelle approche pour mieux exploiter et appréhender la masse de connaissances disponibles et où le principal lieu de formation et d’apprentissage ne sera plus l’université telle qu’elle est définie aujourd’hui. Les cours seront organisés de manière hybride, en présentiel et en ligne, voire complètement à distance.
Alors, l’enseignant n’agira plus en maître ou en expert mais beaucoup plus en accompagnateur afin d’orienter les étudiants pour apprendre à apprendre dans le but de trouver les ressources nécessaires à leur apprentissage et de leur donner des outils leur permettant de s’approprier les connaissances utiles et d’évaluer leurs acquis et leurs compétences.
Autour du numérique et de ses technologies, l’université opère aujourd’hui des transformations très profondes dans ses structures et son fonctionnement par la mise en place d’une politique de numérisation définie par sa stratégie du numérique, qui doit traiter les aspects et les questions suivants :
– Le Numérique et l’apprentissage (pédagogie universitaire Numérique et le rôle de l’enseignant),
– Le Numérique et la production de contenus et des supports d’apprentissage,
– Le Numérique et la formation à distance et continue,
– Le Numérique et la recherche,
– Le Numérique et la gouvernance,
– Le Numérique et la communication institutionnelle et la médiation,
– Le Numérique et l’internationalisation de l’enseignement supérieur,
– Le Numérique et la visibilité de l’université,
– Le Numérique et les services à la société,
Derrière cette dynamique, est en train de se profiler la nouvelle configuration de l’université de demain, où on assiste à une course effrénée pour installer de nouvelles structures qui sont incluses dans le projet de l’université numérique.
A titre d’exemple, on peut citer :
– Le laboratoire de la pédagogie universitaire numérique dont le rôle est d’assurer l’appui à une pédagogie renouvelée ;
– L’Environnement numérique de travail (ENT) qui permet l’accès à un ensemble de services et d’information ;
– Le site Web de l’université dédié à la communication et l’information ;
– Le Learning center qui constitue une plateforme de ressources et d’expertise ;
– La production de cours en ligne tels que les MOOCs ;
– Plateforme de l’enseignement en ligne et de visioconférences ;
– La toile sociale de l’université qui fédère «facebook, Twiter et Youtube»
– La plateforme de la documentation numérique ;
– La plateforme des travaux pratiques ;
– Le Centre de calcul et des logiciels (HPC).
En outre, et en partant du constat que les étudiants d’aujourd’hui, comme ceux de demain, sont des générations natives du numérique, les universités sont en train d’instaurer des parcours leur permettant l’acquisition et l’accès à la «culture du numérique». Tous ces aspects liés à l’évolution rapide du numérique montrent bien que nous assistons aussi à l’évolution du rôle de l’enseignant et du concept du savoir, à la redéfinition de la notion de l’espace pédagogique, à l’explosion du modèle de formation supérieure traditionnelle, à la transformation des métiers, et la façon d’apprendre et de travailler avec la montée des approches collaboratives et à l’apparition de nouvelles stratégies de gouvernance de l’université.
(A suivre)
Par Abdelhamid Djekoun