Culture des ancêtres et traditions culinaires

Leçons de vie

La culture de nos aïeux exigeait de chacun un comportement fait de valeurs comme le travail, la loyauté, le compter sur soi pour vivre et ce, conformément aux adages populaires qui rappelaient sans cesse les principes et les impératifs.

Ainsi, les anciens apprenaient tous tôt l’idée de l’incertitude du temps et de l’avenir, la nécessité d’être prévoyant et de faire des provisions en prévision des mauvais jours, le devoir de rester attaché à la famille. Et, à force de surmonter les difficultés, on finit par les anticiper et par acquérir des qualités essentielles à la vie comme la patience, la sobriété, l’esprit économiste qui ont permis à la société traditionnelle de connaître la stabilité.

Vivre aujourd’hui avec toutes les facilités mais dans la précarité
Les gens d’aujourd’hui, esclaves du portable et de l’internet, consomment à outrance ce que les autres ont produit sans se soucier de l’avenir. Des industries de plats traditionnels de type artisanal ou mécanique se sont créées ça et là pour répondre aux besoins accrus en couscous, berkoukes, msemens, crêpes qui nous font passer irréversiblement à l’ère de la paresse, du tout-cuit, de l’immobilisme, pour consommer souvent debout, tant la gestion du temps devient de plus en plus ardue. Et le couscous plat national et préféré par la majorité est roulé par ceux qui en font un produit commercialisable pour être consommé par d’autres qui ignorent son mode de préparation. Il est même vendu sous différentes marques. Jadis, c’était la semoule qui était objet de discussion entre voisins ou chez les épiciers ; aujourd’hui, les propos échangés portent sur les paquets de couscous emballés sous une diversité de couleurs publicitaires. Et tous les plats traditionnels sont produits industriellement pour mettre à la disposition des consommateurs tout ce qu’ils peuvent désirer comme variété : tchekchouka ou chekhtchoua à l’huile d’olive et aux œufs, sinon dans le meilleur des cas à la chtitha de viande ovine et bovine, sinon au lit.
Il nous a été donné de voir des restaurants genre pizzeria, alignés sur tout un trottoir et qui exposent à qui veut consommer : mhadjeb, msemmen, beignets cuits à l’huile, crêpes au miel ou à la confiture, omelettes aux frites ou tomates-poivrons. Les gargotiers qui font à manger connaissent bien la psychologie du consommateur. Dans l’ancien temps, à moins que l’on se trouvât loin de la maison, on mangeait chez soi. Aujourd’hui, on mange, même debout, dans une pizzeria ou à la gargote d’une demi-douzaine de mhadjeb bien confectionnés avec de la semoule, du piment et de la tomate. Ce commerce est devenu florissant si bien qu’au fil des jours, différentes catégories de travailleurs s’improvisent en gargotiers en ouvrant des locaux pour servir à manger vite, tant la clientèle est nombreuse et pressée de manger pour reprendre le travail ou tromper la faim, sinon partir en voyage. Mais attention ! Ces commerces ont plus de bas que de hauts, ils peuvent vous servir des plats de la veille. Ce qui compte, c’est de pouvoir faire feu de tout bois.

La vie d’antan a ses charmes, mais que d’aléas !
Il fut un temps où l’on vivait dans la pure tradition, seulement avec des produits de la terre qu’on cultivait avec le plus grand soin et selon des recettes culinaires archaïques. En hiver et comme le feu était tout le temps allumé, on cuisait les œufs lentement sous la cendre chaude de bois que l’on brûlait. Sitôt cuits, les œufs retirés avaient un goût particulier. On vivait durement mais sainement avec des plats à base de semoule, les mêmes que ceux qui sont vendus dans le commerce avec cette différence que maintenant on les obtient vite alors que dans l’ancien temps, les femmes qui avaient l’exclusivité de la cuisine, les faisaient si le temps l’en autorisait, entre les tâches serviles, il leur était difficile de trouver un moment qui permette de se consacrer à la galette dans toutes ses variétés, aux beignets, aux crêpes. D’après les anciens, on adorait les beignets par temps de neige.
La maman devait être armé d’un grand courage, alors que dehors un froid glacial obligeait tout le monde à rester enfermé, pour pétrir la pâte, attendre que celle-ci lève, ensuite passer à la cuisson dans l’huile, à la lueur d’une lampe. Avant de passer aux histoires et à l’histoire du pays liée à la semoule, parlons du temps dont on tirait de grands profits à l’époque de nos aïeux. Les activités féminines allaient bon train : nos vieilles faisaient une répartition judicieuse du temps. Quand il n’y avait rien à faire dans le champ, elles s’associaient pour dresser des métiers à tisser pour faire des couvertures ou des burnous avec la laine qu’elles avaient lavée, cardée, filée. Et au moment du tissage, il leur arrivait de s’entraider sinon de se rencontrer autour du métier à tisser pour discuter et tenir compagnie aux deux artisans assises à même le sol, sur des peaux de moutons et rivalisant l’ardeur dans le tassement de la laine entre les fils de la trame, avec un instrument appelé «peigne de métier à tisser». Ce fut un espace de rencontre pour les femmes qui avaient soif de parler.

La semoule, ingrédient essentiel aux plats traditionnels
Le plat préféré obtenu à partir de la semoule était le couscous qui s’accommodait de tout ce qui était vendu à des prix abordables comme les fèves, les pois et pois chiches secs. A la place du couscous, il arrivait que l’on consommât de la tchektchouka ou autres plats traditionnels toujours accompagnés d’huile ou de sauce, chaque région avait ses recettes anciennes. Les femmes qui s’occupaient des travaux des champs connaissaient parfaitement les plantes comestibles qui réunies, servaient à faire la soupe aux plantes sauvages très nourrissantes. La semoule s’obtenait à partir des grains de blé et d’orge écrasés au moulin à bras, sinon dans les grands moulins a à eau installés au bord des rivières en des endroits où les chutes d’eau étaient plus fortes.
Abed Boumediene