Ne m’en voulez pas, le rêve est gratuit

Culture

Préambule
Peut-on dire que ce que j’écris dans ce texte est une véritable pièce de théâtre, classique, selon les normes requises dans ce genre de littérature ? Le lecteur sera seul juge. En tout cas, si elle n’en est pas une, j’aurai le mérite d’avoir essayé. Mon intention est de présenter quelque chose qui se tient, sur le plan du contenu, c’est-à-dire du message que je veux transmettre. Mon autre intention est de présenter quelque chose qui arrive à ce même lecteur dans un style accessible, facile à parcourir, afin qu’il ne puisse s’embarrasser de trop d’élocutions pour lesquelles il lui faudrait trimballer une encyclopédie de langue et de grammaire, pour en comprendre le sens et la dimension de cette tragédie qui se joue, hélas, sous nos yeux. Ce serait, de ma part, une marque d’égoïsme et une manifestation de pédanterie, que je ne devrais jamais afficher, eu égard à ce que je souhaite léguer à la jeunesse, surtout.

Un autre journaliste, tout aussi caustique que sincère, franc et courageux tient la dragée haute aux dirigeants du pays et les met devant leurs responsabilités. «Où est-ce qu’il a été négocié, écrit et consigné que mandat est donné pour que des enfants remboursent les engagements démesurés de leurs arrières grands-parents ? Que penseront les jeunes Algériens de 2008 en payant les dernières annuités d’un prêt concédé au titre d’un ajustement structurel dont ils auront oublié jusqu’au nom ? De quel droit des gouvernants incompétents peuvent-ils hypothéquer l’avenir de plusieurs générations dont certaines n’ont pas encore vu la nuit en souscrivant des engagements internationaux qui les dessaisissent de toute parcelle d’autorité sur leur propre territoire ? Où est-ce qu’il a été négocié, écrit et consigné que mandat est donné pour que nous soyons lanterne rouge dans le classement des nations en matière de corruption, de climat des investissements, de développement humain, de liberté de la presse, de propreté des villes. Même le capital sympathie du mouvement de libération national et des sacrifices qui l’ont accompagné en faveur des causes des autres peuples colonisés a été dilapidé par une institution aux affaires «étranges»… Où est-ce qu’il a été négocié, écrit et consigné que des terres nationalisées pour être confiées à des collectifs de paysans pauvres soient aujourd’hui rétrocédées à des acquéreurs étrangers au secteur pour des sommes faramineuses qui dépassent l’entendement ? Où est-ce qu’il a été négocié, écrit et consigné qu’un écrivain de talent, invité des plus grands plateaux de télévisions européennes, soit jeté à la rue par un ministre illettré issu d’une formation politique dont le seul apport à la culture nationale tient à sa tendance chronique à un «entriste» qui défraie la chronique de l’opportunisme le plus indécent».
Cela résume, bien évidemment, le malaise profond dans lequel nous nous embourbons, grands et petits, et pour lequel nous n’avons pas encore trouvé de solutions, devant nous mener vers plus de détente. Oui, messieurs, une véritable incurie existe chez nous ! Le mal ne date pas d’aujourd’hui ! Le mal nous poursuit depuis longtemps ! Et nous, pourquoi doit-on payer vos ratages et vos naufrages ? Ainsi, je vous demande, à quoi avons-nous droit comme perspectives d’avenir, comme images de l’ouverture et de la modernité, comme symboles du changement et comme indices du renouveau ? Répondez-nous, je vous en supplie. Est-ce ces quelques «figures de proue» que vous nous flanquez à la figure, qui remplissent les écrans de notre télévision tous les jours, qui hantent notre quotidien et qui sont loin de nous satisfaire, tant sur le plan de leur dialectique que sur le plan de leurs promesses et de leurs résultats que nous n’avons encore vus et qui ne risqueront pas de nous épater s’ils venaient à se produire ? «Misère ! Rien que de savoir que ceux-là ont pour mission de nous faire sortir de la crise… nous angoissons terriblement. Rien que de soupçonner qu’ils doivent veiller à nous assurer un meilleur avenir, nous déprimons profondément ! En fait, plus nous reluquons ces responsables, plus nous avons l’impression d’avoir devant nous les mêmes faces d’un même piège. Celui dans lequel sont enfermées plus de trente millions d’âmes à qui l’on veut faire croire que demain sera meilleur grâce aux efforts conjugués de ces derniers». De plus, messieurs les spectateurs, vous qui avez consenti à me suivre et à m’écouter jusqu’à la fin, permettez-moi de vous dire encore davantage. Car, c’est en fait, de cette manière audacieuse et résolue, que l’on peut se faire comprendre, que l’on peut se faire entendre par ceux qui nous gouvernent.
Tenez, dans le domaine de la délinquance, ce sujet qui fut très longtemps considéré comme un tabou, à tous les niveaux, et qui nous revient cruellement pour remuer notre conscience, qu’avons-nous préconisé pour que les jeunes, qui sont esclaves de ce fléau, puissent s’en sortir ? Je prends au hasard cet aspect parce qu’il nous désespère de voir le nombre de délinquants augmenter de jour en jour. Oui, «nous vivons des moments poignants avec cette frange de la société qui a choisi un mode de vie dicté par la loi de la jungle. Un monde à part où la zetla, l’alcool, la prostitution et l’homosexualité constituent les activités principales… Le fléau de la criminalité, le spectacle quotidien de ces marginaux prêts à tout pour calmer leur toxicomanie ont transformé notre capitale en une ville non sûre, dangereuse en certains lieux et réduit les quelques tentatives d’animation à néant. Agressions quotidiennes pour un bijou, un téléphone portable, cambriolages, violence : chaque Algérois a son histoire à raconter, sa pierre à jeter contre ces «jeunes» qui tiennent la rue par la crainte qu’ils inspirent. Les bas-fonds de la capitale recrutent sans cesse parmi tous ces jeunes exclus de l’école, de l’emploi et rejetés par des familles éclatées». Parlons-en encore franchement de cette délinquance ! Ce phénomène ne cesse de prendre des proportions alarmantes au point qu’on se demande finalement qui pourrait y mettre le holà, se demandait un journaliste qui a étudié le dossier avec circonspection. Et de continuer son étude, dans un style non moins mesuré et sincère. «Aucune région du pays n’est épargnée. Devenu récurrent, ce fléau a fini par semer un climat de psychose au grand dam d’une population au bord de l’impuissance. Désormais, le seuil critique est largement dépassé, tant est si bien que la gamme des cibles s’enrichit d’une façon déconcertante ! Plus rien ne semble inaccessible aux malfaiteurs qui se jouent des victimes et même de ceux censés les protéger en recourant avec fantaisie à toute la palette de techniques.
Ainsi, le métier de bandit est pratiqué sous ses multiples facettes : vol à la tire, vol à la roulotte, casse et même braquage par agression au grand jour. On ne s’embarrasse pas de plans d’attaque et tous les moyens sont utilisés : cagoule, armes blanches et encore, plus dissuasive, l’arme de poing qui se banalise de plus en plus ! Le vivier qui alimente cette catégorie de marginaux est généralement le milieu jeune, victime du désœuvrement et de la précarité ! La situation devient intenable, et il n’est pas possible de marcher à pied sans ce réflexe de palper régulièrement ses poches afin de s’enquérir de son porte-monnaie et gare à celui qui répond à un appel téléphonique, auquel cas son portable lui est subtilisé manu militari. On passera sur les véhicules dépouillés des gadgets et autres effets même si l’on stationne pour un achat urgent… Mais tout cela n’est rien devant une situation où une famille se trouvant chez elle est pillée en plein jour sans que personne ne réagisse. Ou encore qu’une jeune fille est délestée de ses bijoux au nez et à la barbe des policiers impuissants. Indifférence ! Partout dans les lieux publics très fréquentés, des meutes de malfrats pullulent à l’affût de victimes potentielles et parfois on a droit à des agressions «gratuites», comme le cas de cette jeune fille, étudiante en droit, qui a reçu un coup de lame de rasoir au visage, simplement parce qu’elle est jolie ! Et dire que dans un passé pas si lointain, la marginalité n’était pas aussi dangereuse qu’elle est actuellement !». Un autre journaliste écrivait, également sans réserve : «L’insécurité gagne les villes… Il devient difficile, voire dangereux de sillonner les rues de la capitale tant le banditisme et la délinquance ont accaparé les lieux. Toutes nos villes souffrent de ce phénomène nuisible aux citoyens». Il continuait ainsi : «Après avoir éprouvé dans leur chair une décennie sanglante, les Algériens renouent avec d’autres scènes de violences quotidiennes. Alimentés par une paupérisation accrue de la société et dopés par les retombées directes du terrorisme, les phénomènes du grand banditisme structuré et de la délinquance gagnent du terrain, dans l’indifférence presque criminelle des responsables en charge de la sécurité du citoyen.»

Le phénomène du banditisme devient une préoccupation de l’État car ce dernier, comme affirmé par tous, prend des propensions très graves dans notre pays. Les chiffres glanés au hasard nous donnent froid dans le dos. Près de 80 000 personnes dont 2 000 femmes ont été impliquées dans diverses affaires d’agressions, de vols, de kidnapping, de trafic et de consommation de stupéfiants. Plus de 20 000 d’entre elles ont été écrouées. Cela se passe en 2004. Même le chef de l’État appellera la justice à se mobiliser pour garantir la quiétude des citoyens, la sécurité de leurs personnes et de leurs biens. «La société vous regarde et attend de vous beaucoup. Elle attend que vous meniez ce combat contre le banditisme avec rigueur et sans pardon». Il dira, en expliquant ce phénomène que «le banditisme a connu une recrudescence à l’ombre des désordres induits par la situation d’insécurité que nous avons vécue et il doit être combattu avec la plus grande rigueur» mais, ajoutera-il que cette politique répressive doit être accompagnée de mesures sociales en faveur notamment de l’emploi des jeunes. Ainsi, avec ce fléau sur les bras, les voyants sont au rouge et appellent à une réaction énergique pour en effet occuper les jeunes ! Oui, il faut les occuper avec des actions saines, mais surtout avec de l’emploi ; c’est le meilleur moyen pour leur éviter l’oisiveté, pour les ranger et les consacrer à une bonne et rentable activité, grâce à un débouché. C’est ce que l’État est en train de faire. Du moins, à travers ce que nous savons de son programme et de la partie réservée à cette frange importante de la population. Cependant, une fois au niveau de l’application, chez ce commis d’État – qu’il soit directeur ou même ministre –, cette opération menée au pas de charge, à travers les médias et les discours rassurants et stimulants, et qu’on a appelée pompeusement «l’emploi des jeunes», perd de son enthousiasme, tellement elle est bourrée de démagogie d’abord, ensuite d’embarras, de gaucheries, et même de passe-droits au profit de quelques uns.
Certains disent que c’est de la poudre aux yeux. Le programme est souvent tourné en dérision par les jeunes eux-mêmes qui croient difficilement à la volonté de refaire le monde de la jeunesse. Tenez, par exemple un jeune disait à son ami : «J’ai trouvé du travail. Le problème c’est que c’est moi qui dois payer l’employeur !». Les diplômés parmi les jeunes qui ne trouvent pas de débouchés sollicitent du travail dans le cadre du pré emploi malgré les salaires dérisoires et la durée des contrats. D’autres préfèrent rester au chômage plutôt que de s’investir dans un travail qu’ils savent éphémère et mal payé. «J’ai des amis qui travaillent dans le cadre du pré emploi. Ils sont surexploités et sous-estimés», déclare un jeune économiste au chômage. D’autres jeunes racontent : «Ces programmes ne sont que des miroirs aux alouettes. Nous préférons naviguer (la débrouille : vente de cigarettes, vente à la sauvette, trabendo), nous avons une bonne rentrée quotidiennement». Ceux-là ajoutent que leurs copains de l’emploi de jeunes perdent leur temps et leur dignité : «Ils n’apprennent rien. Ils sont justes bons à aller chercher le café ou les cigarettes aux supérieurs. Mêmes les universitaires, car s’ils réclament, ils se retrouvent dehors». Franchement, que faire lorsqu’on est obligé de travailler temporairement pour se retrouver encore au chômage ? Cela est loin d’être une solution, car non seulement cela ne change rien à leur situation, mais aussi le taux de chômage n’a pas baissé. Au contraire, il ne fait qu’augmenter ! La plupart des chômeurs sont jeunes. Ils ont moins de 30 ans. «Le chômage a un caractère endémique et les variations du taux qui continuent de déclencher de nombreuses controverses sont beaucoup moins préoccupantes que la rigidité de ses caractéristiques. Parmi celles-ci, il y a le fait que le chômage affecte les jeunes.
Nous l’avons dit. Et si dans les pays avancés, un taux de chômage chez les jeunes a valu de tirer la sonnette d’alarme, chez nous, 49% des chômeurs recensés en 2004 ont moins de vingt ans, 73% ont moins de trente ans. Plus grave encore, les trois quarts de ce contingent sont sans qualification. A ceci s’ajoutent les disparités régionales des chances d’accès à l’emploi, elles-mêmes conséquences des disparités des retombées de la croissance». Après ce constat désolant, que dire de cet hurluberlu, un grand responsable qui déclare à tue-tête que «deux millions d’emplois» seront créés durant les cinq années à venir ? Il s’est toujours comporté en répugnant menteur et en fourbe inqualifiable. Il a toujours fait des promesses qu’il n’a jamais pu tenir. Ne sait-il pas que dans un autre pays de l’hémisphère nord, un pays qui se respecte car ses responsables ne mentent jamais et, quand ils s’expriment, ne disent pas n’importe quoi, l’indice de popularité de leur Président a sensiblement augmenté pour seulement 35 000 emplois qui sont venus s’ajouter à l’effort de lutte contre le chômage ? Et les enfants, et leurs droits, a-t-on pensé ? Les chiffres avancés par une certaine organisation qui essaye de faire beaucoup pour cette catégorie de jeunes, sont alarmants. Leur enquête montre que 23% des enfants travailleurs sont des filles, 6% ont moins de dix ans et 63% ont entre 10 et 16 ans. Mais le record du travailleur le plus jeune revient à une fillette de 4 ans et demi.
Les «métiers» les plus prisés par les jeunes travailleurs, selon cette organisation qui a mené l’enquête, sont la vente de cigarettes et de cacahuètes. Aujourd’hui, l’on peut ajouter le gardiennage de véhicules où de jeunes enfants occupent les rues en se faisant «maîtres de parking», travaillant ainsi pour des broutilles et un avenir incertain, voire des plus sombre. Nous lisons dans nos journaux des articles choquants : «Brahim, Mohamed, Ryad, Nazim et bien d’autres enfants, résidant dans les cités peuplées… s’adonnent au gardiennage des véhicules pour gagner quotidiennement quelques dizaines de dinars, qui permettraient soit d’améliorer un tant soit peu le budget familial, soit de financer une éventuelle sortie à la plage entre copains. Ces gosses, dont certains à peine sortis de l’enfance, prennent d’assaut dès les premières heures de la matinée, les milieux très fréquentés comme les abords des cafés, des administrations publiques, avant de commencer leur travail qui ne s’arrêtera que vers les coups de midi pour reprendre en milieu d’après-midi. Le principe du «premier venu, premier installé» est de rigueur. Il est parfois nécessaire de défendre son «territoire» à coups de poing ou de bâton tant que les convoitises sont grandes. Armés de bâtons, de gourdins, ou de simples morceaux de bois, ces gardiens opèrent généralement en solo ou en groupes de deux pour les moins âgés». D’autres enfants, et ils sont nombreux opèrent pour une organisation mafieuse qui contrôle tous les espaces. Ainsi, tous ces enfants sont issus d’un milieu socio-économique défavorable et la majorité de ces enfants ne sont pas scolarisés. Et «les enfants des décharges», il faut en parler, sans avoir peur d’être sermonné. Ils fréquentent chaque jour que Dieu fait ces dépotoirs qui ne manquent pas dans nos villes pour gagner quelques dinars. «Ils s’appellent Mourad, Lyès, Halim et bien d’autres prénoms, aussi jolis les uns que les autres, mais le destin a fait qu’ils ne mènent pas une vie comme tous les enfants de leur âge qui ont peut-être beaucoup plus de chance qu’eux. Dès que le soleil se lève, ils sont là à «fouiner» dans les ordures en vue de trouver des quignons de pain pour remplir leur sac».
Celui qui nous raconte ces faits insiste pour nous rappeler qu’ils font cela non pas pour se nourrir, mais pour vendre ce butin. Il en est bien «rassurant» et par trop magnanime pour la lourde et pénible atmosphère que vivent ces enfants au sein de familles malheureuses et fatiguées par le poids du besoin et de la misère. Pour votre gouverne, vous qui êtes là, en train de m’écoutez, vous devez savoir que des vieux et des vieilles «font des poubelles», à la tombée de la nuit, pour trouver quelques restes de repus, devant calmer la faim de leurs bambins qui ne savent attendre et qui ne sauront pourquoi – s’ils étaient conscients – vivent-ils ces moments douloureux de dénuement et de privation. Et les écoles, le suivi scolaire, les parents, leur situation : des tranches de vie difficiles… Qui s’en soucie ? Je lisais, il y a quelques jours, un remarquable billet dans la presse. Son signataire disait : «Imaginez un père de famille en chômage, un compressé, ou un travailleur n’ayant pas perçu son salaire depuis des mois, bref, un père de famille en situation d’échec social. Imaginez-le, convoqué par le directeur d’une école qui l’assomme de reproches. Son enfant est très faible, pour ne pas dire nul, l’école ne sait pas quoi en faire et, bien sûr, tout cela est de la faute du paternel… Imaginez un collégien qui vit avec des frères et sœurs, tous universitaires chômeurs ou, dans le meilleur des cas, universitaires chauffeurs de taxi ou trabendistes… Imaginez un enseignant trimballé d’une école à l’autre, sachant que des pistonnés sont nommés dans des établissements tchitchi par la grâce d’une appartenance à une tribu… Non, n’imaginez plus ! Allez visiter les écoles. Et profitez des vacances pour revendiquer leur réfection. Si, bien entendu, vous trouvez une oreille qui n’est pas déjà en vacances».
Voyons encore d’autres domaines… Parlons-en. Que devons-nous faire pour que la situation aille mieux ? Que devons-nous faire contre les prédateurs qui sont légion et qui se multiplient et se renforcent ? Que devons-nous faire pour arrêter vos élucubrations ? Que devons-nous faire pour «qu’on ne déchaîne contre les consommateurs, que nous sommes, des ruses, des artifices et des pièges. Mille malices qui se répandent en l’air pour gâter l’atmosphère et la corrompre. Parfois, on se plait à souhaiter que rien n’existât. Ce désordre a ses lois. Il se nourrit d’incartades, de mauvais desseins, de pensées tortueuses… l’avidité, un rien l’aiguise et l’attise. Elle souffle comme un mauvais vent… Il suffit d’un prétexte futile pour que des négociants dressent les fourches caudines… Ainsi, les bourses n’ont plus d’ailes assez robustes pour accompagner le vol rapide des prix qui tournent en spirale et s’élèvent telle une tourmente». Et notre avenir sanitaire, à qui s’adresser pour le garantir ? Nous savons tous que «huit millions d’Algériens souffrent de maladies respiratoires et six autres millions sont hypertendus. Le nombre de diabétiques dépasse, quant à lui, les deux millions. Ce sont là des chiffres officiels qui traduisent une situation pas très reluisante de l’étendue des maladies chroniques au sein de la société… Pour ce qui concerne les maladies respiratoires, l’ont comptabilise quelques deux mille décès par an provoqués par un asthme sévère…» Les populations des zones rurales, dans une région du pays, s’écrient : «Nous n’avons pas de quoi manger». Un véritable cri de désespoir. «Ici, quand vous tombez malade, vous ne pouvez compter que sur la volonté de Dieu pour espérer guérir». Au même moment, même les malades, qui ont pu trouver une place dans un secteur sanitaire ne sont pas épargnés par le vol, la rapine et la corruption. «Malversation à l’hôpital (…). Huit anciens cadres en prison», annoncent les quotidiens à grand tirage. De quoi s’agit-il, entre autres ? «L’hôpital et ses annexes ont une capacité de 1 644 lits, alors que la commande globale faisait état d’un achat de 3 439 lits pour une somme de 10 milliards de centimes. Également, le règlement de 838 climatiseurs – sur les 1 276, supposés livrés – a nécessité une dépense de 14 milliards de centimes. Le responsable a été jugé et emprisonné puis, comme par enchantement, a bénéficié d’une remise de peine et a été libéré.
Fait très grave, cette même personne reprendra de plus belle ses activités, raflant tous les marchés de gré à gré et s’alliant au responsable local et à son fils. Il est aujourd’hui en prison». Et les suicides ? Il faut en parler, il ne faut pas en rougir ! C’est une catastrophe dans notre pays. Ils ne suscitent plus d’intérêt comme avant, tellement ils sont fréquents, presque quotidiens et, j’allais dire, familiers. Dans les villes où ces drames ont lieu, nous n’entendons que quelques commentaires désabusés tellement ils émeuvent rarement les gens et, cela bien sûr, n’est pas tant par indifférence que par désenchantement général. Ainsi, les suicides prennent à témoin la rue quand ce n’est pas des actes commis dans le silence et l’isolement. Tous les jours nous lisons dans la presse des billets qui ne nous honorent pas mais qui laissent, par contre, de profondes stigmates dans la mémoire collective… Ces suicides sont la véritable mesure du désespoir social dans lequel baigne la plupart de nos villes. Nous ne pouvons tout raconter, tout dire malheureusement sur ce phénomène qui prend de l’ampleur et nous effare au point de ne plus comprendre certaines réactions de nos citoyens qui vivent la misère, ses afflictions et ses conséquences et qui, de ce fait, vont jusqu’au désespoir.
Les journaux nous informent chaque jour. Ainsi, nous saurons qu’un inspecteur de police tue cinq membres de sa famille et se suicide et qu’un jeune homme s’immole par le feu devant le siège de la wilaya, emportant avec lui la seule explication qui vaille à son acte fatal. En effet, quelques jours après, rapporte le même journal, en pleine saison de tartuferie ramadhanesque, déclinée par l’ostentatoire charité du couffin, un homme âgé de 53 ans s’aspergeait d’essence en plein cœur de la ville et à onze heures tapantes. Un autre père de famille, nous informent encore les médias, qui se trouvait en brouille avec sa femme, se coupe le «zizi», objet de sa virilité, pour sanctionner cette dernière. Un acte grave de conséquences ! Une autre forme de suicide, n’est-ce pas ?
(A suivre)
Par Kamel Bouchama (auteur)