Nation martyre, Hirak de la libération !

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L’«agit-prop» à la française ressemble à toutes ses semblables, tant nous pouvons en reconnaitre la médiocrité. Il y eut d’abord France 24 et ses attaques frontales contre l’ANP qui – selon des sources qu’elle était la seule à posséder pour provenir de milieux interlopes – prélèverait les aides médicales en provenance de Chine pour ne pas avoir à les partager avec le peuple algérien. Les bavettes, transportées dans les IL76 de nos forces aériennes, sont depuis distribuées gratuitement dans les rues du pays alors qu’elles ne sont disponibles qu’en échange de valeurs monétaires dans les officines pharmaceutiques de l’Hexagone. Premières remontrances officielles côté algérien, sourde oreille côté français… Puis en pleine page du Washington Post un encart de RSF dépeint le pays comme une succursale du Goulag russe, certainement pour faire bonne mesure auprès de l’opinion publique d’Outre-Atlantique avec l’objectif affiché de porter atteinte aux relations algéro-américaines. L’activisme, à Alger, de l’ambassadeur US la semaine qui suivit, indiqua clairement ce que l’on en pensait dans les couloirs du Département d’Etat. Crispations à Alger et provocations à Paris se regardent en chiens de faïence… Et maintenant un long reportage de plus d’une heure sur TV5, empruntant à la fiction ses scenarii improbables, en oubli des règles déontologiques de la profession du documentaire informé, dépeignant laborieusement le «Hirak béni» comme une révolte adolescents en mal d’une libération des mœurs qu’il appellerait de ses vœux. Levée de boucliers sur les réseaux sociaux, tollé unanime sur la toile qui a abattu ses filets d’acrimonie aussi bien sur TV5, chaîne du service public que sur le réalisateur franco-algérien en mal de professionnalisme et dont nous avons déjà oublié le nom. Rappel de l’ambassadeur algérien à Paris, comme on interroge un médecin en consultations pour tenter de comprendre, l’étrange maladie qui frappe la France depuis le 22 février 2019. Explications…

L’inculture du réalisateur du reportage « Algérie, mon amour » lui a été fatale. Nous mettons notre main au feu qu’il n’a pas lu les textes de Germaine Tillion, cette ethnologue de l’excellence. A peine le 1er Novembre 1954 déclenché, que cette résistante française est envoyée en Algérie, missionnée très officiellement par le gouvernement de l’époque pour rédiger un rapport d’expertise en observations des forces à l’œuvre dans la tribu des Aurès des Ouled Sidi Abderrahmane, pour mieux circonscrire, la détermination mentale des dispositions d’esprit en évolutions imperceptibles, que seule une intelligence supérieure était en mesure de saisir. Elle en conclue à «la clochardisation algérienne» comme nous ne pouvons que le constater de la profession du journalisme d’investigation en France. Germaine Tillion travaillait sur l’observation des mœurs en pays chaoui et si celui qui sert de réalisateur au reportage diffusé par TV5 avait un tant soit peu pris connaissance de ses travaux, il n’aurait certainement pas commis l’erreur fatale d’attaquer bille en tête une constante ancestrale chez les Algériens, la pudeur.
L’aliénation de la mémoire est d’abord à mettre sur le dos des énergies de dépersonnalisation au travail contre notre communauté algérienne en France – isolée en raison de la politique en renonciation par nos autorités, de notre immigration – pouvant difficilement se mesurer à la puissance culturelle française. Mais elle nous donne, à contrario, une parfaite idée de ce qu’il serait advenu de la personnalité algérienne si nos Chouhada n’avaient pas payé au prix du sacrifice de leurs vies la préservation de notre foi, de nos mœurs, coutumes et de nos qualités morales. Aussi nous ne pouvons véritablement en vouloir aux expressions manipulées, de journalistes à la découverte de leur nation les outils des sciences ethnologiques et anthropologiques de Germaine Tillion en moins. Nous ne nous attacherons donc pas à analyser les déclarations de jeunes gens crédules s’exprimant dans le documentaire de TV5, manipulés par des réflexions idéologiques supérieures aux objectifs désormais dévoilés dont nous tenterons d’expliquer les motivations profondes.
Maintenant qu’ils en sont victimes peut-être que cette leçon de choses démocratiques leur permettra-t-elle de mieux poser, pour eux-mêmes, la question de la liberté d’expression en encadrements de règles morales bien comprises de la vie en société qui ne pourront jamais se soumettre aux failles des règles de droit. Qui ne se souvient du silence de la diplomatie française tout au long de l’année 2019, au prétexte de ne pas s’ingérer dans les affaires intérieures algériennes ? C’est, que tenu à distance du mouvement social, par des négociations complexes autour des cessions des actifs d’Anadarko à Hassi-Messaoud que Total convoitait, le gouvernement de Paris faisait des efforts méritoires pour ne pas afficher d’opinion trop tranchée sur les évènements en développement en Algérie. Cette neutralité difficilement contenue, tant la diplomatie française est de tradition bavarde, avait l’avantage d’un gain de temps en appréciation intellectuelle d’un mouvement social qu’elle lui était difficile de décrypter au point d’en comprendre les avantages qu’elle pouvait en tirer en exploitation politicienne de court terme, sans parfois en mesurer suffisamment les conséquences directives de long terme.

La désorientation française
Parce que le « Hirak béni » fut un mouvement de la soudaineté stratégique pacifique, il désorienta les tenants de la bande à la tête de l’Etat mais aussi leurs alliés desquels la France était au premier rang. Rappelons-nous du premier soutien du Président Macron au Président Bouteflika lors du voyage qu’il effectua à Djibouti. Dans le second temps du regretté chahid Gaïd Salah, la France apporta son support diplomatique, par l’entremise d’une résolution votée par le Parlement européen, sous l‘instigation de députés français, aux fractions algéroises du « Hirak béni », dont elle se sentait proche sur le plan idéologique. Dans un troisième temps, celui de la Conférence de Berlin, au lendemain de l’investiture du Président Si Abdelmadjid Tebboune, Paris découvrit stupéfaite une autonomie en affaires étrangères retrouvée et pris la mesure de ce qu’impliquait sur le temps long le mouvement social en développement en Algérie, pour dépêcher en toute urgence de pragmatisme, son ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, à Alger.
Le communiqué publié à cette occasion, qualifié de «commun» qu’en raisons d’usages protocolaires, n’a pas résisté longtemps aux premiers coups d’accélérateurs en janvier 2020 de la signature d’une raffinerie de traitement de 100.000 barils/jour à Hassi-Messaoud par un consortium sud-coréen et à l’annonce de transformations de matières pétrochimiques dites intermédiaires pour l’usage qui en est fait d’intrants en aval de procédés industriels divers. Les tam-tam de la guerre médiatique résonnèrent d’autant que le ministre de l’Energie Mohammed Arkab ne faisait plus mystère du droit de préemption qu’il exercerait en cas de cessions des actifs d’Anadarko. L’ouverture du Président Si Abdelmadjid Tebboune en un temps très court vers d’autres partenariats saoudiens, qataris, turcs, chinois, russes, américains dans divers domaines d’importance finit de convaincre la France que l’ère de la coopération privilégiée était révolue et que celle de la défense pied à pied de ses intérêts débutait.
Sauf qu’entre temps et depuis le 22 février 2019, l’Algérie ne se vit plus seulement comme Etat-National organisé autour d’une administration centrale mais aussi comme un mouvement social en éclosion irrévocable d’une nouvelle société. Si les fractions désormais dirigeantes au sein de l’appareil d’Etat ont su, pour une partie d’entre elles, prendre la mesure des avantages qu’une telle situation d’innovation historique pouvait présenter pour la conduite des réformes à l’intérieur du pays et aux redéploiements de ses influences à l’extérieur de ses frontières ; cette nouvelle réalité algérienne d’ordre sociale, heurta frontalement les confortables influences culturelles de la puissance économique dominante dans notre région.
Ce que nous comprenons des rapports de force en cours de réaménagements diplomatiques peut se résumer en une confrontation des nécessités organiques du développement de maturations sociales inéluctables en cinétique d’expansion du côté algérien, alors que du côté français, il est recherché par tous les moyens de l’influence culturelle, la conservation de positions hégémoniques sur le plan économique. Non pas tant que les Algériens contestent dans le fonds la coopération avec la France mais ils la souhaiteraient bien plus efficace en investissements partagés et bien moins gourmande en commerces réservés.

La boussole du mouvement social
On ne pourrait comprendre le sens d’une obstination culturelle française à la guérilla médiatique contre le mouvement social algérien désormais perçu pour ce qu’il est, une puissance de reclassement des alignements diplomatiques, si on ne devinait pas également, pour établir une justice dans l’appréciation des tensions actuelles regrettables  entre les deux pays, le désarroi de Paris face à son long déclassement d’ordre scientifique et culturel qui ne peut cacher son impuissance matérielle vieillissante face à la jeunesse bouillonnante se déversant par millions dans les rues d’Algérie. Aussi, il ne sert à rien à l’habileté culturelle française de chercher à manipuler en coulisses les débats sur la Constitution qui se déroulent à Alger – du genre des niaiseries intellectuelles  de la supériorité du politique sur le militaire et de la plate-forme de la Soummam sur la déclaration du 1er Novembre 1954 – car elles n’empêcheront en rien les déversements volcaniques en cours tant la puissance du mouvement social algérien les frappe par avance de caducité mais rendront plus difficiles la redéfinition d’une politique de coopération efficace dans l’intérêt bien compris des deux parties.
En réalité, ce qui désormais prédestine aux relations algéro-françaises n’est pas plus entre les mains de la puissance publique française quelle n’est entre celles  de l’Etat algérien mais bien à portée de façonnage du «Hirak béni»,  dont la capacité à se soustraire des idéologies manipulatrices d’outre-Méditerranée n’a d’égale que sa propension à dénoncer fermement les tentatives de reprise en main du mouvement social par les fractions néo-rentières encore nichées au sein de l’appareil sécuritaire national.  Cette vigueur n’est pas due seulement à son origine indubitablement populaire autant qu’elle est à mettre au crédit de son mode d’expression civilisé et pacifique dont nous attendons une matérialisation constitutionnelle fructueuse et décisive. La vivacité du mouvement social est encore bien trop agile pour se soumettre à une caporalisation. Elle est en train de se défaire de carcans culturels qu’elle a mis du temps à briser tant l’empreinte de la splendeur intellectuelle française l’avait subjuguée.
Les maladroites offensives «d’agit-prop» ont désormais démonétisé cette fascination au petit écran de télévision du pays de Descartes pour faire place à une réflexion tâtonnante de l’autonomie dont nous souhaitons ardemment, quelle que soit son niveau de maturation, que le réceptacle en soit les débats autour de la Constitution, pris comme un moment de sincérité de nos authenticités plus que de vérités de nos personnalités. En se libérant de ses chaînes idéologiques pour retrouver le message premier et authentique des Chouhada du 1er Novembre 1954,  le mouvement social algérien contournera de la manière la plus efficiente qui soit le piège qui lui est patiemment tendu par ceux des fractions néo-rentières au sein de l’appareil d’Etat qui n’attendent qu’un moment de répit pour reprendre l’initiative de leurs directives intéressées.
L’exceptionnel sens pédagogique du Président Si Abdelmadjid Tebboune (c’est la signification profonde qu’il faut donner au rappel de l’ambassadeur algérien à Paris pour consultations) est à même de faire prendre conscience à ses partenaires internationaux ainsi qu’à son peuple, la délicate phase historique dans laquelle se trouve l’Algérie, c’est-à-dire, un moment de conscience rare, ou Nation, Société et Etat se dévoilent enfin pleinement les uns aux autres pour se découvrir en libération en première fois d’émotion sociale, d’une étreinte dont le souvenir martyrisé fut perdu dans la longue nuit coloniale.
Brazi