Facteur de la stabilisation de la région méditerranéenne et africaine

L’Algérie de demain, 2020/2030

Il ne faut pas verser uniquement dans la sinistrose et tout pouvoir ne doit pas regarder seulement vers le passé, devant certes faire un bilan sans complaisance pour éviter les erreurs du passé, pour éviter toute déstabilisation de l’Algérie et préparer l’avenir des générations futures.

Certes l’Algérie a engrangé plus de 1 000 milliards de dollars en devises dont 98% avec les dérivées proviennent de Sonatrach et a importé en biens et services plus de 935 milliards de dollars entre 2000/2019 avec un taux de croissance dérisoire (entre 2/3%, mauvaise gestion et corruption) mais cette manne pétrolière a permis à l’Algérie d’effacer une énorme dette extérieure et d’engager des dépenses d’infrastructures importantes. C’est un acquis pour le pays, il faut le reconnaître. Mais ce modèle a atteint ses limites comme par le passé, devant imaginer un nouveau modèle de développement, éviter de reproduire les schémas du passé comme le schéma directeur «des industries industrialisantes» des années 1970 qui est mort, étant bien placé puisque ayant été directeur d’Etudes au ministère de l’Industrie et de l’Energie entre 1974/1979. Il en est également du schéma directeur de la production en substitution aux importations qui est frappé de désuétude, s’orientant vers un nouveau modèle de croissance mondial avec la quatrième révolution économique est irréversible entre 2020/2030. Il faut dorénavant miser sur l’investissement immatériel qui manque cruellement au pays.
Et sans cet investissement, l’Algérie peut investir autant de milliards de dollars sans connaître de développement, voire régresser. Il s’agit de réunir les conditions pour attirer les meilleurs cadres de la nation pour transformer notre diplomatie, notre administration et notre économie en moteur du développement. La formation continue doit être généralisée à tous les niveaux et l’ordre de mérite devenir le levier de la promotion sociale. Les expériences historiques montrent clairement que les richesses naturelles n’ont pas d’effet direct sur le niveau de développement et que l’on construit une société développée d’abord sur les valeurs morales. L’Algérie doit impérativement recomposer ses valeurs et ses principes pour reconstruire une société moderne et ouverte à la culture et au développement économique, technique et social autour d’un projet de société qui donne espoir à une jeunesse désabusée. D’où l’importance d’une gouvernance centrale et locale rénovée fondée sur un système participatif et qui appelle aux compétences algériennes locales et celles établies à l’étranger. C’est ainsi que l’on donnera aux Algériens l’envie de construire ensemble leur pays et d’y vivre dignement et harmonieusement, de rétablir la confiance entre les citoyens et les institutions de la République, de préserver les libertés individuelles et consolider la cohésion sociale à laquelle je suis profondément attachée.
J’ose imaginer une Algérie où les nouvelles générations vivront confiantes et heureuses dans leur pays et où nous assisterons non pas un retour de la majorité des cadres expatriés, il ne faut pas être utopique, mais les associer au redressement national et ils sont disponibles. Pour cela, l’Algérie doit impérativement élaborer une stratégie d’adaptation avec réalisme qui sera l’œuvre des acteurs économiques, politiques et sociaux, tenant compte de la nouvelle transformation du monde, loin de l’ancienne vision bureaucratique, de croire que des lois et des nouvelles organisations déconnectées des réalités locales et internationales sont la solution miracle alors qu’il s’agit de s’attaquer au fonctionnement de la société. Le grand problème pour l’Algérie est de s’adapter au grand défi qui attendent le monde, où après l’épidémie du coronavirus le monde ne sera plus jamais comme avant avec de profondes mutations géostratégiques, sociales, culturelles et économiques. L’Algérie doit construire si elle veut éviter sa marginalisation une économie hors hydrocarbures dans le cadre des valeurs internationales dont son escape naturel est l’espace méditerranéen et africain.

Depuis des décennies tous les pouvoirs ont eu pour objectif l’après hydrocarbures. Or avec la forte consommation intérieure l’épuisement pour l’Algérie est dans moins de 10/15 ans, devant éviter de vivre éternellement sur l’illusion de la rente éternelle. D’où l’importance d’un nouveau modèle de consommation énergétique devant éviter l’erreur de fonder la stratégie sur un modèle de consommation énergétique linéaire. Mais après 58 ans d’indépendance politique, l’économie algérienne repose sur la rente des hydrocarbures, faute de vision stratégique d’adaptation au nouveau monde, du fait de rigidités culturelles et politiques des tenants de la rente. Ces derniers qui propagent un discours soit disant nationaliste, voient l’ennemi extérieur partout, discours populistes d’une autre époque, auquel aucun Algérien ne croit.
Il s’agit de mobiliser toutes les forces de la nation pour débattre des questions d’actualité qui sont souvent éludées dans les débats et les programmes politiques et je ne puis cacher ma grande inquiétude pour notre pays si nous n’entreprenons pas immédiatement des réformes structurelles permettant un ré-Engineering profond de l’Algérie durant les 10-15 prochaines années. Je suis convaincu que la bonne gouvernance devra accompagner les changements sans précipitation, en associant des Algériens de diverses sensibilités et compétences, y compris les non résidents. L’Algérie sera sauvée par le génie des Algériens et tant qu’on n’adhérera pas à ce principe de base nous vivrons une errance économique et politique avec le risque d’un statu-quo qui risque de conduire droit le pays au FMI fin 2021 début 2022 avec l’épuisement inéluctable des réserves de change. Evitons tant la sinistrose que l’autosatisfaction. Tout pouvoir devra accepter les critiques productives, personne n’ayant le monopole du nationalisme, et donc être attentif aux propositions de toutes les composantes de la société. En résumé, l’Algérie dispose de compétences suffisantes localement et à l’étranger pour s’en sortir à condition de développer une stratégie économique basée sur nos capacités propres, d’opérer les choix judicieux avec nos partenaires étrangers et enfin d’utiliser nos richesses pour un développement durable.
Se mentir les uns les autres ou se cacher la réalité nous entraînera irrésistiblement vers d’autres épreuves tragiques qu’aucun algérien patriote ne souhaite. En économie, le temps ne se rattrape jamais. Toute nation qui n’avance pas, en ce monde turbulent et instable en perpétuel mouvement recule et le temps presse pour redresser le bateau Algérie et l’éloigner de la zone de tempête que certains experts occidentaux lui prédisent. Pour cela, nous devons procéder sans complaisance à un examen très lucide de la situation et dresser le cas échéant un constat d’échec pour mieux réagir dans plusieurs segments de la vie économique et sociale tels : éducation-formation, santé, stratégie industrielle réaliste, modernisation de l’agriculture, culture financière des acteurs économiques, efficacité de l’administration, relance et croissance des entreprises, réduction des déséquilibres régionaux et inégalités sociales, formation civique et politique de la jeunesse et tant d’autres domaines. Je crois fermement que le peuple algérien a d’énormes ressources en lui-même et sera capable de réagir à l’instar d’autres peuples qui ont su conjuguer la modernité, l’émancipation par le travail et ce grâce à un changement radical de la gouvernance.
Professeur des universités, expert international Dr Abderrahmane Mebtoul