Après l’épidémie du coronavirus, de profondes mutations géostratégiques et comportementales

Le monde de demain

Tous les gouvernants se préparent à l’après coronavirus où le monde de demain ne sera plus jamais comme avant. Le monde est donc à l’aube d’une quatrième révolution économique et technologique, fondée sur deux fondamentaux du développement du XXIe siècle, la bonne gouvernance et l’économie de la connaissance, ne devant jamais oublier que toute nation qui n’avance pas recule, n’existant pas de situation statique. Avec la révolution du nouveau système d’information, contrairement au passé, il y a trop d’informations et le grand problème est la sélection opératoire de cette masse d’information, pour s’adapter à la nouvelle révolution mondiale du numérique qui a un impact sur le comportement des citoyens, sur la gestion des institutions et des entreprises. C’est que les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) ont des implications au niveau de la gouvernance politique, la gestion des entreprises et des administrations et un impact également sur notre nouveau mode de vie renvoyant au savoir et à l’innovation permanente.

Politiques, entrepreneurs, citoyens, nous vivons tous aujourd’hui dans une société de la communication électronique, plurielle et immédiate qui nous contraint à prendre des décisions en temps réel. La maîtrise du temps étant le défi principal du siècle, en ce XXIe, engageant la sécurité nationale toute inadaptation à ces mutations isolerait encore plus le pays. C’est que nos sociétés ont été perturbées depuis l’entrée en puissance des nouvelles technologies à travers Facebbok qui contribuent à refaçonner les relations sociales, les relations entre les citoyens et l’Etat, par la manipulation des foules, pouvant être positif ou négatif lorsque qu’elle tend à vouloir faire des sociétés un Tout homogène alors qu’existent des spécificités sociales des Nations à travers leur histoire. Ces nouvelles dictatures peuvent conduire à effacer tout esprit de citoyenneté à travers le virtuel, l’imaginaire et la diffusion d’images avec pour conséquence une méfiance accrue par la manipulation des foules, lorsque des responsables politiques formatés à l’ancienne culture ne savent pas communiquer. Sur le plan géostratégique, mais également du modèle socio-économique, le monde ne sera plus jamais comme avant (voir nos interviews le 23/04/2020 à France 24 et à American Herald Tribune USA).
Le monde selon certains scénarios devrait s’orienter vers de profondes mutations politiques, militaires, socio-économiques et énergétiques (déclin des hydrocarbures traditionnels) avec de nouveaux segments que Jacques Attali qualifie «d’activités de la vie» engendrant de la valeur ajoutée, supposant de nouveaux comportements et un nouveau modèle de consommation, avec le rôle accru de l’ Etat régulateur et non gestionnaire. Les futures guerres qui attendent le monde sont la guerre alimentaire et son corollaire l’eau, la guerre numérique (avec l’espionnage économique) qui modifiera tant notre mode de vie, les guerres classiques, la gestion tant des institutions que des entreprises. Ainsi avec le monde du digital et internet, la majorité des journaux papiers devraient disparaître, restant que les revues spécialisées ne signifiant pas moins de lecteurs, mais avec la réduction des coûts, d’autres méthodes de production et de marketing (information en temps réel). Mais surtout la guerre écologique, cette dernière pouvant conduire avec le réchauffement climatique à des déplacements de populations avec l’élévation du niveau des mers et la sécheresse, avec d’importants flux migratoires et des millions de morts, dont l’impact actuellement du coronavirus ne serait qu’un épiphénomène.
Dès lors les cabinets internationaux de prospectives pilotés par les grands Etats de ce monde, se préparent à ces nouvelles mutations devant assister à d’importantes reconfigurations géostratégiques, l’émergence d’un nouveau pouvoir avec de nouvelles puissances économiques, une nouvelle gouvernance mondiale ( Re-mondialisation), devant concilier l’efficacité économique et une plus grande justice sociale pour un monde plus solidaire. Nous devrions assister à des recompositions territoriales autour de grands espaces régionaux pour une population mondiale fin 2019 d’environ 7,7 milliards d’habitants, 8,9 en 2030 et 9,8 en 2050 : – USA( 328 millions d’habitants) /via Amérique latine, Caraïbes 654 millions d’habitants avec une forte influence de la Chine et de la Russie au niveau de deux pays le Venezuela et Cuba. – l’Europe (7 414 millions d’habitants) actuellement l’espace le plus riche du monde avec les USA, avec la dominance de l’Allemagne et de la France comme puissance économique, suivie de l’Italie, l’Espagne (l’Angleterre avec le Brixit devant être liée par une zone de libre échange), qui après cette crise devrait se renforcer, sous condition qu’elle ne donne plus le primat qu’à l’économique mais une Europe plus sociale, une population vieillissante, devant s’étendre sur son flanc Est incluant la Russie, grande puissance militaire mais qui devrait devenir une grande puissance économique, porte de l’Europe mais également de l’Asie, (Sibérie).
– Les relocalisations de certains segments en dehors de l’Asie dont la Chine devrait profiter à l’Europe de l’ex-camps communiste ayant une main d’œuvre qualifiée et à bas coût, critère essentiel de l’attrait de l’investissement direct étranger, – L’espace asiatique, (4,463 milliards d’habitants) environ 58% de la population mondiale avec la dominance du couple Chine (1,39 milliard d’habitants) / Inde (1,35 milliard d’habitants) deux grandes puissances régionales avec des modèles politiques et économiques différents, /Japon/Corée du Sud, le plus grand marché du monde entre 2020/2030, sans oublier le Pakistan puissance nucléaire (213 millions d’habitants) et des puissances annexes comme l’Indonésie, la Malaisie et le Vietnam du Nord mais devant résoudre le problème lancinant de l’Afghanistan (38 millions d’habitants). L’Europe sur son flanc Sud (plus de 60% des exportations algériennes d’hydrocarbures, ne pouvant concurrencer le Qatar, l’Iran la Russie, l’Arabie Saoudite et donc exporter vers l’ lAsie – coût élevé du transport) , devrait axer sa stratégie également en direction du continent Afrique, 1 216 millions d’habitants en 2019 et 25% de la population mondiale entre 2035/2040, avec le sous segment Maghreb (environ 100 millions d’habitants), avec des échanges intra dérisoires moins de 3%, sous réserve d’une intégration réelle, dont l’Algérie, qui est un pays pivot, avec deux grandes puissances économiques l’Afrique du Sud (58 millions d’habitants) et le Nigeria (196 millions d’habitants). Ce continent horizon 2025/2030 est un enjeu des grandes puissances entre 2020/2030/2040 avec les rivalités USA/Europe qui ont les mêmes objectifs stratégiques et la Chine à travers la route de la Soie.
Pour cet espace, ce qui se passe en Libye, avec la convoitise de ses immenses richesses, pour une population ne dépassant pas 6 millions d’habitants, à majorité bédouine, où nous assistons à une guerre civile par procuration via les rivalités de grandes puissances étrangères, cette situation non maîtrisée pouvant conduire à une déstabilisation de la région qui se répercuterait sur toute la région du Sahel et la région méditerranéenne et enfin le Moyen-Orient, berceau des civilisations, nécessitant une paix durable grâce au dialogue des cultures, qui connaît une instabilité politique devrait connaître également une grande recomposition avec les rôles respectifs d’Israël, (9 millions d’habitants dont les protecteurs sont l’Europe, les USA mais également la Russie ayant une forte population émigrée dans ce pays partie prenante du pouvoir, certains pays du Golfe (dont le pouvoir actuellement repose sur la rente des hydrocarbures), via le rôle de l’Arabie Saoudite (34 millions d’habitants), l’Egypte (96 millions d’habitants) et de l’Iran également porte de l’Asie et du (82 millions d’habitants) qui sera une grande puissance régionale. Le monde s’oriente vers de nouvelles relations entre l’Etat régulateur et le Marché encadré pour certains services collectifs (santé, éducation) et d’importants impacts sur les relations politiques et économiques internationales.
Le monde devra se préparer à d’autres chocs externes notamment les impacts de la guerre numérique où des virus peuvent déstabiliser toutes les entreprises et institutions locales et mondiales inter- connectés et à terme, si l’on ne prend pas garde, les effets désastreux sur la santé humaine de la pollution de notre planète avec le réchauffement climatique, d’où l’importance des défis écologiques par une transition énergétique mondiale maitrisée. L’Algérie traverse depuis la cessation de paiement de 1994, une crise économique sans précédent, beaucoup plus grave du fait des bouleversements géostratégiques mondiaux et régionaux, résultats des politiques passées depuis l’indépendance politique et pas seulement de la période récente, alors que la seule façon de se maintenir au temps d’une économie qui change continuellement, c’est d’avoir une relation avec l’environnement international, c’est-à-dire mettre en place progressivement les mécanismes véritablement démocratiques tenant compte de notre authenticité. L’Algérie ayant toutes les potentialités pour s’en sortir devant éviter le tout sinistrose, a besoin d’une stratégie d’adaptation face aux nouvelles mutations mondiales et énergétiques avec l’avènement de la quatrième révolution économique qui se fondera sur le numérique, les nouvelles technologiques, les industries écologiques avec un Mix énergétique entre 2020/2030 et l’intelligence artificielle, à condition de réaliser de profondes réformes structurelles (voir Mebtoul quotidiens Chaâb et El Moudjahid 06/17/05/2020).
Cela implique un minimum de consensus politique et social et une visibilité et cohérence dans la démarche des réformes, il ne faut pas s’attendre à des miracles. Plus on diffère les réformes, plus on épuisera les réserves de changes et l’actuelle crise de gouvernance risque de se transformer en crise financière, économique et politique avec le risque du retour au FMI horizon 2022, ce qu’aucun patriote algérien ne souhaite. L’Algérie doit donc se préparer à de nombreux défis en ces moments difficiles avec des tensions externes face aux enjeux géostratégiques au niveau de la région. Nous devons rassembler tous nos enfants dans leur diversité et non de nous diviser. Afin de stabiliser le corps social, il faut impérativement faire taire nos divergences et privilégier uniquement les intérêts supérieurs de l’Algérie nécessitant un minimum de consensus économique et social qui ne saurait signifier unanimisme signe de décadence de toute société. Il s’agit là de l’unique voie que doivent emprunter les Algériens afin de transcender leurs différends afin de construire, ensemble, le destin exceptionnel que de glorieux aînés de la génération du 1er Novembre 1954 ont voulu désespérément pour eux, afin de construire l’Algérie nouvelle.
Professeur des universités, expert international Dr Abderrahmane Mebtoul