La culture dans toute sa diversité

«Inzyahat»

Le magazine culturel mensuel «Inzyahat», récemment lancé par le ministère de la Culture, propose dans sa deuxième édition, en plus d’autres sujets, une évocation du peintre orientaliste Etienne Dinet qui a dédié la majorité de son œuvre à l’Algérie, pays qu’il a aimé et dans lequel il a choisi de vivre.

Consacrant tout un reportage à la vie et à l’œuvre d’Etienne Dinet (1861-1929), «Inzyahat» revient sur la passion véhémente de ce peintre-lithographe, amoureux de l’Algérie et de son désert immense, de sa spiritualité et de la ville de Boussaâda, où il a choisi de s’établir et de se convertir à l’Islam pour devenir Nasreddine Dinet. Le nouveau numéro de ce magazine culturel arabophone consacre également ses 110 pages à divers sujets, à l’instar de l’importance des valeurs spirituelles et morales dans la vie de l’individu, développée par l’universitaire Abderrezzak Belagrouz. Un autre chapitre du magazine intitulé «Esprit du lieu», met en valeur le texte de Mosab Gharbi, présentant la mosquée verte de Constantine (1743), ce chef-d’œuvre architectural construit par le Bey Hassan Ben Hussein, un lieu phare témoignant de la splendeur et la richesse de la «ville des ponts suspendus» à l’époque ottomane. Un autre sujet figurant dans le mensuel, traite de l’appel à la prière dans la région du Maghreb comme une «pratique raffinée», selon Abderrezzak Baali, qui aborde l’évolution et les différentes influences sur l’interprétation maghrébine du muezzin.
D’autre part, le deuxième numéro d’«Inzyahat» s’est enrichi par des articles sur le quotidien des écrivains et des intellectuels durant le mois de Ramadhan, ainsi que des sujets sur le quatrième art, à l’instar de «La dimension religieuse dans le théâtre algérien», une thématique développée par le critique universitaire et dramaturge, Ahcene Tlilani, à partir de la pièce «El-Mawlid» de Abderrahmane El-DJilali. Le roman et le cinéma, les œuvres télévisées diffusées durant le mois du jeûne, ainsi que quelques présentations littéraires et autres questions sur l’environnement, sont autant de sujets abordés dans cette nouvelle édition. Les textes d’écrivains et d’intellectuels de divers pays arabes, comme ceux de Ahmed Magdy Hammam d’Egypte, sur des initiatives culturelles individuelles dans son pays, ou Abbas El-Hayek d’Arabie saoudite, qui a pris part à une analyse sur le théâtre saoudien, figurent également dans les pages de ce nouveau numéro. Le magazine a également rendu hommage aux artistes et intellectuels algériens récemment disparus, Kaddour Darsouni, un des maîtres de la chanson andalouse, Idir, chantre de la chanson algérienne d’expression kabyle, Abdel Hamid Habati comédien- dramaturge et acteur, ainsi qu’à l’expert français de l’environnement et de l’agriculture d’origine algérienne, Pierre Rabhi.
La deuxième édition de ce magazine culturel, dont le nom complet est «Inzyahat, l’Esprit du changement», a été accompagnée d’un supplément intitulé «Interrogatoire du colonialisme», un livre collectif de 127 pages auquel ont participé plusieurs écrivains, avec une introduction qui renvoie au thème de «la mémoire coloniale en Algérie». Parmi les participants à cet ouvrage, l’universitaire, Ouahid Benbouaziz, qui a présenté une lecture sur le livre du linguiste et philosophe marxiste pakistanais Ijaz Ahmad, «Sur la théorie… classes, nations, littératures» (1992), considéré par nombre d’écrivains arabes comme une extension des livres critiquant l’ouvrage «l’orientalisme» du linguiste américain d’origine palestinienne Edward Said. L’écrivain revient sur plusieurs sujets traités par Ijaz Ahmed dans son livre, à l’instar du «contrôle» opéré par l’Occident sur la littérature des pays communément appelés «tiers monde».
Selon Ouahid Benbouaziz, l’Occident a travaillé sur «l’adoption de textes idéologiques qui servent ses intérêts plus que ceux du tiers monde», ajoutant que la reconnaissance de certains écrivains locaux originaires d’anciennes colonies «passe par un processus de filtrage précis destiné à servir les idéologies occidentalisées». Le supplément présente également un texte sur l’écrivaine globe-trotter française Isabelle Eberhardt, écrit par Abderrahmane Oughlissi, qui, à travers une lecture critique de «Yasmina», une des histoires de l’auteure française, établi ses intentions colonialistes, estimant qu’il est «naïf de considérer ses œuvres comme innocentes, pures et loin du jeu colonial».
Abderrahmane Oughlissi souligne que les écrits d’Isabelle Eberhardt appartiennent à cette littérature qui «vise à activer les stratégies de l’impérialisme mondial», lequel sert à contenir, réduire, voire déformer l’histoire des peuples colonisés, afin de faciliter leur domination et mieux les préparer à l’assujettissement». D’autres sujets présentés dans le supplément traitent des questions du colonialisme et du post-colonialisme, de la condamnation des génocides causés par l’esprit occidental, des textes sur le roman algérien contemporain, et une lecture sur l’ouvrage «Notes algériennes» du journaliste anticolonialiste français et avocat des droits de l’Homme, Henri Alleg. En plus de ce livre critique et élitiste, le magazine présente également un autre supplément intitulé «El manass El Adabi» (le refuge littéraire) qui comprend de nombreux textes littéraires, poétiques et de fiction, d’auteurs algériens et arabes.
R. C.