Les 56 films de la sélection officielle

Festival de Cannes

Finalement, il y a des films, un label, mais pas de festival… Dommage pour les trois films sélectionnés du continent africain.

Mercredi 3 juin, le président et le délégué général du Festival de Cannes ont annoncé une sélection officielle 2020 avec 56 de films dotés d’un label «73e Festival de Cannes», même si ce dernier n’a pas eu lieu. Parmi les films qui ont raté leur montée des marches sur la Croisette, il y a des cinéastes issus de pays très rarement représentés au Festival de Cannes. Par exemple un film bulgare, Février, de Kamen Kalev. Ou Beginning, de Déa Kulumbegashvili, un long métrage géorgien, et puis le documentaire En route pour le milliard, la nouvelle œuvre très attendue du Congolais Dieudo Hamadi. Deux autres cinéastes du continent africain ont été retenus pour la Sélection, dont Souad, «un film sur la jeunesse égyptienne… un film tout à fait réussi», a commenté Thierry Frémaux. Et puis, il y a Rouge, de Farid Bentoumi. Ce cinéaste franco-algérien de 44 ans est connu par les cinéphiles pour son film Good Luck Algeria où il raconte l’histoire de sa famille face aux questions de l’immigration et de l’identité.

Égal à égal ou sans hiérarchie ?
Ayant refusé une édition en ligne, cette année, il n’y aura ni compétition, ni prix. Néanmoins, pour faire exister les films jugés digne de cette 73e édition qui n’a pas eu lieu, le président Pierre Lescure et le délégué général Thierry Frémaux ont décidé d’établir quand même une sélection officielle. Les 56 films élus seront dotés d’un label de qualité «Festival de Cannes» pour les soutenir ainsi lors de leur présentation dans d’autres festivals ou à l’occasion de leur sortie en salles. Le plus grand festival de cinéma au monde a donc dû improviser face à la crise sanitaire mondiale. Résultat : au lieu d’une vingtaine de films en lice pour la Palme d’or et autant de longs métrages dans Un certain regard, la traditionnelle section des surprises et jeunes talents, la cinquantaine de films se trouvent tous au même niveau (d’autres diront sans aucune hiérarchie) dans cette sélection exceptionnelle. Cette démarche égalitaire permet en même temps d’annoncer une édition record : 2 067 longs métrages ont été envoyés au Festival. Le nombre de pays représentés a également grimpé, à 147, contre 138 pays en 2019. Et même si le nombre de réalisatrices ayant candidatées est en légère baisse par rapport à 2019 (532 contre 575), dans la sélection officielle, la part des cinéastes femmes a encore augmenté, 16 contre 14 en 2019.

La montée en puissance des comédies
15 premiers longs métrages font partie de la Sélection officielle, contre 10 en 2019. Est-ce l’expérience du confinement qui a provoqué cette envie de sélectionner aussi cinq comédies et quatre dessins animés dont le dernier-né des studios Pixar, Soul, de Pete Docter ? Thierry Frémaux explique son choix par une volonté de «prendre des risques ou tenter des choses». Nous voilà avec Les Deux Alfred de Bruno Podalydès et avec Un Triomphe d’Emmanuel Courcol, «un feel good movie avec Kad Merad».

Spike Lee et Steve McQueen
Parmi les grands regrets de cette annulation du festival sur la Croisette, il y a la rencontre manquée entre deux stars aux idées explosives : l’un côté l’Américain Spike Lee, le président du jury de cette édition avortée, de l’autre côté Steve McQueen, figure des arts plastiques devenue une icône du septième art avec Twelve Years A Slave. L’artiste britannique présentera dans la sélection officielle deux films, Lovers Rock et Mangrove, «un film de procès de policiers qui harcèlent la communauté black». Selon Frémaux, un sujet qui «résonne très dramatiquement avec ce qui est arrivé à George Floyd et Adama Traoré». Plus traditionnel, on retrouve sur la liste de Thierry Frémaux «les fidèles de Cannes, les ténors». Le cinéaste américain Wes Anderson portera le label avec The French Dispatch, aidé par un casting de rêve : Bill Murray, Tilda Swinton et Timothée Chalamet. Parmi les habitués de Cannes, on retrouve avec un grand plaisir la cinéaste japonaise Naomi Kawase qui racontera une histoire émouvante sur l’adoption, True Mothers. Quant au Danois Thomas Vinterberg, il traitera la crise de la cinquantaine avec Druk.

21 films français
Avec 21 longs métrages, le cinéma français est extrêmement bien loti dans cette sélection officielle un peu particulière. Parmi les films les plus attendus, ADN, où Maiwenn abordera ses racines franco-algériennes. François Ozon s’affiche avec Été 85. Selon Thierry Frémaux, grâce à l’annonce de cette sélection officielle exceptionnelle, l’ambition du Festival de Cannes est restée intacte : «Placer sur la carte du monde les talents émergents (…) La Sélection officielle conservera donc son rôle. Différemment, mais avec es mêmes convictions et, grâce à tous, avec la même efficacité.»

Garder «la même efficacité»
Des vœux certes compréhensibles, toutefois peu réalistes. Car pour réussir à garder «la même efficacité», il manquera les éblouissements, les surprises et les déceptions dans les salles cannoises, les débats et les scandales suscitant l’intérêt du public, les bons mots et les gestes engagés des stars sur le tapis rouge et les déclarations des cinéastes sur leur vision du monde. Le choix de faire l’impasse sur une Palme d’or même virtuelle risque de susciter chez les spectateurs l’impression que chaque film labellisé se retrouve noyé dans cette liste virtuelle de 56 films sortant dans plein de lieux différents. Qui saura capter l’esprit cannois à la fois à Locarno, à Telluride, à Toronto, à San Sebastian, à Busan, à Lyon et à Angoulême ? Lors de l’annonce de la sélection officielle, la Mostra n’a pas été mentionnée, donc Venise n’a probablement pas envie de jouer le jeu de Cannes. En attendant, Thierry Frémaux a promis d’expliquer bientôt «la façon dont le Festival de Cannes déploiera son activité à l’automne prochain.»
S. F.