«Notre football a une formidable richesse d’histoire humaine à raconter»

Mustapha Kouici :

On n’oublie souvent que le public d’aujourd’hui est plus éduqué et informé et donc plus critique à l’égard de l’information sportive. Il y a une démarcation entre le sport qui se pratique et le sport qui se regarde. 

Le sport, c’est de l’émotion, le direct et l’image. La télévision, la Radio et la presse écrite restent les médias leaders pour la consommation du sport. Après l’international Ali Fergani, c’est Mustapha Kouici qui s’est prêté aux jeux des questions-réponses que nous vous proposons dans cette édition. D’autres ex-internationaux seront aussi prochainement des invités de notre journal pour évoquer pour nous, le passé, le présent et ce qu’ils pensent de ce que sera le football de demain…

La Nouvelle République : Mustapha Kouici, merci de répondre favorablement à notre invitation, et c’est avec vous un professionnel que nous allons, si vous le permettez, aborder quelques aspects qui secouent actuellement le football, à l’image de cette question de reprise. Vous êtes pour ou contre ?
Mustapha Kouici : Personnellement, je ne suis pas contre, au contraire, mais je dis attention, la reprise doit être encadrée par des outils qui préservent la santé des joueurs pour qu’ils puissent pleinement remplir les trois missions qui sont les leurs : sportive, économique et – surtout – sociétale. C’est pourquoi la question que je me pose, sommes-nous en mesure d’accompagner cette reprise ? Ceci d’une part, et dans cette reprise, il y a des clubs qui ont tout à fait raison d’espérer de prendre l’ascenseur. Il reste huit «étages» et ce n’est pas difficile pour ces clubs qui espèrent remonter au classement. Vous savez, il y a que ceux qui ne comprennent pas ou qui ne veulent pas comprendre, que dans ces matches restant pour clôturer la saison, des clubs peuvent faire la différence. Il faut reprendre, et laissons-nous assister à cette course sur les terrains pour le titre. Il faut arrêter d’être pessimiste dans le football.

Nous avons eu aussi le plaisir de nous entretenir avec votre ami Ali Fergani et nous lui avons posé la question relative au dossier de l’enregistrement sonore. Dites-nous, pour vous, de pareilles méthodes risquent-t-elles de fragiliser la confiance entre présidents, ou encore qu’il est temps pour vous de faire le ménage, ou alors ce n’est que passager, il ne faut pas en faire un drame ?
Cela ne m’a pas étonné du tout, alors pas du tout. Pourquoi me posez-vous cette question sous forme de scoop ? Mais c’est devenu chez nous un rite qui a pris un pli. Non, cela ne m’étonne pas. Combien de cas ont secoué notre football ? Quelles étaient les sanctions qui ont été prises ? Des sanctions qui ne dérangeaient pas leurs auteurs. Qui sont-ils ces auteurs ? D’où viennent-ils, et pourquoi sont-ils au centre de la gestion du football ? Par leurs fautes, je pense que nous avons perdu beaucoup de temps. Ce sont des questions que je me pose, d’autres interrogations se manifestent à travers les violences que nous avons vécues et qui ont un lien direct avec ces trucages, ces magouilles, ces négociations scandaleuses. Je suis persuadé que le ministre de la Jeunesse et des Sports, actuelle, est capable d’apporter cette touche qui fera épargner à ce sport tous ces fléaux qui rongent le football. La plainte qu’il a déposée contre X en est une preuve, c’est une première dans l’histoire. Il faut dès lors aller vers la justice chaque fois qu’une tentative frauduleuse est dévoilée. Il faut dénoncer, ne plus hésiter si l’on ne veut pas être complice. Cela suffit. Avec cette nouvelle tutelle du sport, je suis optimiste.

  Le marketing sportif, tous les clubs ou presque l’ignorent, alors que le sport est un véritable gisement de croissance, dites-nous quelle idée faites-vous de cette insuffisance ?
Je vous remercie de me poser cette question qui est importante dans la vie d’un club. Il est vrai que le marketing est un outil primordial dans le développement d’un club. Il faut que je vous dise une chose, cher ami, les professionnels considèrent, à juste titre, que le sport est une filière économique à part entière. Et s’il y a un secteur sur lequel il y a des efforts à faire, c’est bien celui de l’économie du sport. Et comme vous le savez les experts considèrent que le sport comme une filière économique à part entière. Ils le disent et l’écrivent aussi. Je partage cette analyse en vous disant que les clubs peuvent gagner de l’argent, non seulement mais peuvent aussi créer des emplois, en étant compétitif à travers ce créneau du sport […] Le marketing est essentiel pour le monde du sport en général, toutes les entreprises ont tiré bénéfice de leur stratégie lorsqu’elles sont bien réfléchies. Les clubs peuvent le faire, mais à la condition que des experts en communication soient sollicité. Je partage ce que disait mon ami Ali Fergani en l’occurrence «les clubs doivent devenir autonome financièrement, et les subventions doivent aller vers les jeunes et la formation. Le sport doit être considéré comme un domaine économique et industriel à part entière, avec des produits et des services. Nous devons maintenir cet esprit d’entreprendre qui fait partie de l’ADN des clubs. On récompense à la fois des innovations pour cela les clubs doivent être gérés par des compétences et surtout devenir de véritables entités commerciales».

Restons, si vous le voulez bien, dans le marketing. Nombreux sont ceux qui pensent que le sport est une école d’endurance, de ténacité, de volonté, d’effort, le fait d’intégrer des sportifs de haut niveau dans l’entreprise peut dynamiser les équipes…
Absolument. Entièrement d’accord. Je ne suis, par contre, pas d’accord aux soutiens financiers des clubs. Je dis que c’est au club, oui, au club de se débrouiller un sponsor. C’est à lui de convaincre, de séduire, de veiller à son image. Les entreprises veulent du concret. Ils veulent des clubs sérieux. Je suis sûr qu’elles marcheront avec eux. Mais hélas, tous ne présentent pas une feuille de route convaincante. Il faut arriver à ce qu’ils initient, travaillent sur des innovations qui puissent convaincre. Je vous assure qu’il y a des opportunités pour leur éviter une sécheresse financière… L’innovation est partout dans le monde sportif. C’est une mentalité, une façon d’être, de se réinventer, cela est possible. Pourquoi voulez-vous que l’état aide un grand club du centre et ne le fasse pas pour un petit club ? L’Etat doit se désister.

La DNCG n’existerait plus. Pourtant le 17 septembre 2019, le président de la FAF déclarait dans une conférence de presse «à travers la création de la DNCG, nous avons voulu créer une véritable frontière entre le sport professionnel et le sport amateur. Cette frontière se nomme la direction nationale du contrôle de gestion. Elle sera mise sur pied avec des membres qui seront installés après le bureau fédéral. Sa mission est d’accompagner tous les clubs à se mettre en conformité. Nous allons remettre de l’ordre dans notre football professionnel». Qu’en pensez-vous ?
Voilà une question qui vaut son pesant d’or. Elle aurait été d’un très grand apport. Elle aurait été la clé de voûte d’une politique de réforme qui serait prônée par la Fédération vis-à-vis du professionnalisme. Mais qu’est devenue cette direction ? On se pose la question. L’on aimerait bien que l’on nous donne des explications, tout en sachant que cette DNCG est opérationnelle de par le monde professionnel du football.

Une dernière question. Football d’hier, football d’aujourd’hui, est-ce que Kouici se retrouve dans cet écart qu’il soit positif ou négatif ?
Beaucoup de vagues viennent mouiller ce football, et souvent l’on se pose des questions. Alors que nous pouvons être les meilleurs de l’Afrique. Il faut des hommes capables de tenir la barre. Pour concrétiser l’ensemble des objectifs de notre football, il faudrait que les présidents, entraîneurs ou cadres réfléchissent, comment mettre en place une stratégie professionnelle à même de sauver ce sport. A mon humble avis, il faudrait que l’on soit en permanence à l’écoute de ce qui se fait ailleurs, se comparer à ce que font les autres et faire mieux.

Voulez-vous rajouter quelque chose ?
Je suis de nature optimiste, c’est par des échecs que l’on peut réussir. On accuse du retard certes, mais pas insurmontable. Nous pouvons réussir parce que nous avons tous les outils indispensables pour reconstruire ce sport. Je souhaiterai que les ex-joueurs professionnels soient sollicités pour la concrétisation des principaux objectifs relatifs aux différents programmes de développement de cette discipline. Sachez que notre football a une formidable richesse d’histoire humaine à raconter.
Propos recueillis par H. Hichem