«Il faut assainir le football, il est grand temps»

Omar Betrouni (directeur des écoles et de la formation du MCA) :

Avec tous les remous qui agitent la scène footballistique ces derniers temps suite à l’affaire de l’enregistrement audio entre le directeur général de l’ES Sétif Fahd Halfaïa et le manager de football, Nassim Saâdaoui qui sont, depuis dimanche, sous mandat de dépôt, nous avons entrepris une série d’entretiens avec des anciens joueurs qui ont marqué l’histoire, saine, du football algérien. Après Ali Fergani, Mustapha Kouici et Djamel Menad, aujourd’hui, c’est au tour de l’ancienne coqueluche du MCA et de la sélection nationale, Omar Betrouni d’apporter sa vision sur la situation du football algérien…

La Nouvelle République : Merci d’avoir répondu à notre invitation, et dans ce cadre, j’aimerai vous poser une première question qui est au cœur de l’actualité sportive. Elle a d’ailleurs été posée à vos collègues Fergani, Kouici et Menad. Il s’agit de la reprise du championnat qui est prévue pour bientôt, vous la saluez ?
Omar Betrouni : Oui, mais avec des conditions. Je ne me retrouve pas dans ce football qui continue à nous assommer par ses histoires qui ne se racontent plus. Il m’est arrivé d’essayer de comprendre pourquoi ce football est-il dans cet état ? Qu’est-il devenu et pourquoi existe-t-il d’ailleurs ? Difficile, très difficile de décrypter une situation qui prend du volume. La reprise, dites-vous ? Oui, mais comment ? Pour moi, il faut terminer la saison, comme cela se fait ailleurs, sauf qu’ailleurs, des dispositions sont prises pour que la reprise ait lieu dans les meilleures conditions. Le docteur Damardji, président de la commission médicale de la Fédération algérienne de football, lui ne souhaite pas cette reprise. Il a ses raisons. Il est scientifique, ce n’est ni moi, ni quelqu’un d’autre qui pourrait le contredire. En plus, il y a le contrôle médical, les tests, toute la batterie médicale à respecter. Ce n’est pas rien… Il y a un autre phénomène à prendre en considération, c’est l’état de nos infrastructures qui n’ont pas bénéficié d’opérations de liftings durant cette pandémie. C’était pourtant l’occasion de réparer ce qui est réparable, d’améliorer les infrastructures, compléter ce qui manque et mettre de l’ordre dans toutes les structures, y compris au niveau de l’éclairage, des séparations intérieures au sein des vestiaires. Mais rien de cela. Alors vous voyez qu’il y a du boulot qui aurait pu être fait durant cette pandémie. Le huis clos est une chose normale, mais est-ce que cette situation va durer encore longtemps ? Un autre retard dans cette prise en charge des infrastructures. Je dis, oui mais… à quelle heure vont-ils jouer ? Vous, le savez-vous ? C’est l’été, il ne faut pas l’oublier. Les joueurs sont fatigués, ils n’ont pas joué durant près de quatre mois, et en plus, qui accompagnera les équipes ? Combien seront-ils sur le terrain ?

L’enregistrement sonore ne résonnera plus. Un autre cas qui a encore fait mal au football ?
Soyons sérieux. Ce n’est pas la première fois que le football est secoué par des affaires de trucages, de combines, de négociations de matches ou de corruption des arbitres. Je suis heureux d’apprendre qu’une nouvelle étape s’ouvre aujourd’hui, mieux vaut tard que jamais. Cette affaire va, je le pense, donner à réfléchir à ceux qui se préparaient à emprunter cette voie. Pour moi, je dis que la FAF aurait dû réagir avant le ministre de la Jeunesse et des Sports qui a déposé plainte contre X. Sid Ali Khaldi veut assainir la situation alors que des institutions existent. Nous saluons cette formidable action du n°1 des sports. Espérons que cette opération sera celle de l’assainissement, non seulement du football, mais de toutes les disciplines. En ce qui concerne le football, il est temps que l’on mette fin à la présence des vautours qui se déploient pour le salir. Il faut continuer à les harceler, les dénoncer et permettre à la justice de les isoler, une fois pour toute. Aux instances sportives de prendre également leurs responsabilités face à de pareils phénomènes.

Je profite pour vous poser une question posée aussi à vos collègues, en l’occurrence, êtes-vous pour ou contre l’aide financière de l’Etat aux clubs ?
Je voudrais savoir jusqu’à quand l’Etat va continuer à débourser de l’argent ? Ne serait-il pas plus intelligent de laisser les compétences gérer les clubs ? A ceux qui savent mener à terme des opérations de marketing ? C’est à eux seuls de développer des stratégies, à même de convaincre des entreprises publiques et privées pour accompagner leurs clubs dans leur développement. La clé est là, pas ailleurs. Le marketing sportif est négligé, on le sait. Je dis qu’un club sportif, c’est l’innovation et l’innovation doit être partout. C’est de cette manière que le club peut renflouer ses caisses. Mais nous savons que les clubs souffrent, et qu’ils sont au bord de l’asphyxie. Je dirais peut-être que l’aide de l’Etat peut être limité aux clubs démunis d’infrastructures. Par contre, il y a ceux qui ont des stades, à l’image du MC Oran, l’ES Sétif, l’USM Annaba, l’USM Bel-Abbès, le CS Constantine, l’USM Blida. Ces équipes peuvent construire par exemple leur centre de formation contrairement aux équipes qui n’ont pas de stades, comme c’est le cas du CR Belouizdad, du NA Hussein Dey, de l’USM El Harrach, du MC Alger, de l’USM Alger, ce qui permettrait à ces clubs de renflouer leurs caisses.

Nous allons terminer par une autre question qui revient souvent sur le tapis, c’est l’implication des ex-internationaux dans le mouvement sportif ?
Excellente question. Les ex-internationaux devraient avoir leurs places dans les Fédérations, les Ligues, non seulement dans le football, mais également au sein des autres disciplines tels que hand, le volley, la natation, le basket, le judo, l’athlétisme, la boxe, le karaté et autres… Il est aisé de constater, aujourd’hui, que la majorité des professionnels ne sont pas sollicités parce qu’ils peuvent apporter un plus et jouer un grand rôle dans la mutation de ces disciplines, notamment dans la formation.

Que devient Omar Betrouni ?
Je suis directeur des écoles et de la formation au Mouloudia Club d’Alger avec d’excellents entraîneurs algériens.
Propos recueillis par H. Hichem