«Arrêter le championnat ne rime absolument à rien»

Zoubir Bachi :

Qui ne connaît pas Zoubir Bachi ? L’emblématique capitaine du MC Alger, champion d’Afrique, mais aussi de la sélection nationale des années 1970, celle qui s’est illustrée lors des Jeux méditerranéens et des Jeux africains qui ont eu lieu en Algérie.

Médecin de formation, il était aussi exemplaire sur le terrain. C’est d’ailleurs en fin connaisseur qu’il nous fait un topo sur la situation sportive et sanitaire algérienne après ses camarades Fergani, Kouici, Menad et Betrouni.

La Nouvelle République : actualité oblige, la reprise du championnat est toujours en débat, cette reprise est-elle possible, selon vous ?
Zoubir Bachi : Oui tout à fait. Je considère cette discussion ou ces débats comme une perte de temps. Personnellement, je suis pour une reprise. Une saison blanche à qui profitera-t-elle ? A personne. Arrêter le championnat ne rime absolument à rien. Il reste encore huit journées et dans le football, c’est énorme. Tout est possible et rien n’est impossible pour les équipes qui vont se donner à fond pour tenter d’échapper, soit à la trappe de la relégation pour les unes et ne pas rater le podium pour les autres. Il suffit de deux ou trois victoires pour que le classement change de «couleurs». Voilà, pourquoi je suis pour la reprise. Les instances du football doivent bien évidemment veiller à ce que les instructions et consignes sanitaires soient respectées. Vous me direz que c’est compliqué certes, mais il faut savoir que la propagation de cette pandémie et sa virulence sont loin d’être identiques à celles que nous constatons chez les Européens et les Etats-Unis. Grâce à Dieu, les pays maghrébins ainsi qu’africains échappent à ce fléau qui nous menaçait. En ma qualité de médecin, je trouve que ce Covid-19 est moins virulent et sa propagation est aussi moindre. L’Algérie, Al HamdouAllah n’a pas été aussi gravement touchée. D’ailleurs, l’on s’interroge pourquoi ces horaires de confinement interdisant les sorties de la population entre 17h et 7h du matin. Cela ne rime à rien. C’est ce qui me pousse à vous dire, pourquoi retarder la reprise du championnat, non seulement du football mais également de toutes les autres activités sportives et économiques. Pour vous dire aussi, il y a ce discours de certains médecins que je respecte qui font partie de la commission de suivie de la pandémie qui me semble être alarmiste alors que les chiffres au regard des statistiques ne le sont pas. Ceci me pousse à dire qu’il n’y a pas le feu chez nous.

Le dossier de l’enregistrement sonore…
Je devine votre question. C’est grave. Très grave, bien que cela n’étonne personne. Vous savez, je me pose une question toute simple, que sont devenues toutes les affaires qui ont déraciné notre football, qui ont plutôt transformé ce football en un espace où des vautours se rencontraient et se rencontrent pour faire leurs affaires. Ce n’est hélas pas la première fois que l’on dénonce ce genre de pratiques, corruptions, malversations, de combines, de trucages qui sont aussi les conséquences d’une gestion opaque, contrairement à ce qu’il se fait dans certains pays où le sport spectacle est un business comme un autre, et les acteurs économiques y investissent afin de créer de la valeur financière. Incontestablement, la gestion du sport doit respecter une certaine éthique sportive ainsi que les valeurs olympiques. Malheureusement, chez nous ce n’est pas le cas. On a de tout temps voulu taire les échecs de gestion et les tentatives de corruptions qui sont des pratiques régies en règle. Je ne vous apprends rien, en vous disant qu’en règle générale, lorsqu’il y a des affaires dans le football, cela se passe en interne, c’est-à-dire au sein de la Fédération algérienne et de la Ligue. C’est donc à ces instances de vérifier, d’enquêter et de sanctionner. L’action de la tutelle, qui est une première dans l’histoire du football, ne peut qu’être salutaire, puisqu’elle encourage, permet à tous de jouer ce rôle de «contrôleur», et invite à dénoncer tout ce qui porte atteinte aux valeurs sportives. Tout le monde sera d’accord en disant que la réussite de pareilles opérations passe également par une instance crédible.

Vous dites que la violence pourrait découler de ce phénomène ?
Oui, la violence découle de plusieurs facteurs, entre autres des mécontents de la prestation de leurs équipes, des contestations sifflées par l’arbitre, par méconnaissances de règles élémentaires des lois du football… et l’idéal serait de les accompagner dans la prise de conscience par l’éducation, la formation…

L’autofinancement ? Vous plaisantez ?
Connaissez-vous un club qui s’autofinance ? J’aimerai bien le connaître, mise à part le Paradou AC qui échappe au marasme du fait que sa gestion rationnelle ne dépend pas de l’aide de l’Etat. Le marketing sportif chez nous est inexistant, voire méconnu. Combien sont-ils ces clubs qui innovent, qui vont vers l’ouverture de magasins qui proposent une large gamme de produits officiels estampillée du logo du club comme écharpe, gadgets… ? Non seulement, mais il permet aussi de soigner l’image de l’équipe. Outre cette situation qui mérite une attention particulière, un autre phénomène illustre parfaitement l’état de santé de nos clubs, ou plutôt de la gestion de nos clubs. Je fais référence aux projets sportifs, l’exemple du Mouloudia d’Alger qui souhaiterait aller vers cette option, mais se trouve à ce jour en formule SDF, à la veille de son centenaire.

Où sont passés les ex-internationaux ?
Oui, une bonne question qui mérite réaction. Que voulez-vous que je vous dise. On aurait tant aimé être au cœur des Fédérations, des Ligues, des diverses commissions… Tenez, par exemple au niveau du Comité olympique et sportif algérien, pas un seul footballeur n’est membre de l’assemblée générale. Par contre au niveau de la FAF, il y a ceux qui font juste de la figuration…

Le mot de la fin ?
J’ai quand même une vision qui fait du bien au moral sportif. Elle nous vient de notre Equipe nationale. Elle est pour nous un cas d’exemple à suivre, dont la manière de gérer et de prendre en charge un groupe, contrairement aux autres entraîneurs qui étaient avant lui. Il a eu, je suppose, carte blanche pour la prise en charge de cette équipe qui était sur le plan mental anéantie. Pas question de s’immiscer dans ses affaires, pas d’interférences. Il est patron, et c’est lui seul qui décide de la manière à utiliser pour mener à bien ses missions. C’est cette vision qui fait échec aux ingérences, parce que ce sont ces ingérences qui cassent, froissent, font dégoûter toutes les initiatives et les envies de travailler et de présenter une équipe solide structurée, intelligente et prête à se donner à fond. N’est-ce pas un rêve pour nos clubs où des entraîneurs qui ne tiennent pas une saison, partent à peine qu’ils sont déjà arrivés ? N’est-ce pas ce style de gestion qui devrait régner au cœur de nos clubs ? Non seulement en football mais aussi dans toutes les secteurs d’activités économiques.
Propos recueillis par H. Hichem