Confrontée aux incertitudes de l’économie mondiale 2020/2021 : éviter la dérive salariale

La loi de Finances complémentaire 2020

L’épidémie du coronavirus a un impact sur l’économie mondiale qui connaîtra en 2020, trois chocs. Un choc de l’offre avec la récession de l’économie mondiale, un choc de la demande du fait de la psychose des ménages et un choc de liquidité avec des sondes de chocs pour 2021. Cette crise aura à l’avenir un impact sur toute l’architecture des relations internationales dans toutes leurs dimensions, militaire, économique, sociale et culturelle.

De ce fait, le taux de chômage devrait s’accroître en raison de la cessation d’activité de plusieurs entreprises, notamment dans le secteur du BTPH et la rupture des approvisionnements en provenance de Chine et d’Europe en raison de l’épidémie de Covid-19, qui représentent plus de 80% des importations algériennes, et pourrait entraîner une hausse des prix des importations, notamment dans le domaine céréalier dont l’Algérie est un grand importateur au niveau mondial. Les recettes devant être au divisé par plus de deux par rapport à 2019 qui ont été de 34 milliards de dollars, montant auquel il faudra soustraire les coûts d’exploitation et la réduction de son quota entre 240 000 et 145 000 barils/jour, le gaz n’étant pas touché par cette réduction mais assistant à une nette baisse de ses exportations en raison de la crise (baisse des prix sur le marché international de plus de 60% avec un stockage excédentaire) et de la forte concurrence, USA, Qatar, Russie, Medgaz et Transmed fonctionnant à peine à 50% de leurs capacités. De toute manière, la situation est complexe nécessitant des arbitrages douloureux et cela a un impact négatif sur le taux de chômage, en raison du ralentissement du taux de croissance, dominée par l’impact de la dépense publique via la rente Sonatrach, avant la crise, prévoyait 12% de taux de chômage en 2020, et l’estimant dans son dernier rapport d’avril à 15,5% pour 2020, les prévisions pour 2021 étant inchangées à 13,5% et ce sous réserve, autant pour le PIB de profondes réformes, ce taux ne tenant pas compte des emplois rente, faire et refaire les trottoirs et des sureffectifs dans l’administration.
La sphère informelle contrôle selon la Banque d’Algérie plus de 33% de la masse monétaire en circulation, plus de 40/45% de l’emploi concentré dans le commerce, les services, les saisonniers dans l’agriculture, et plus de 50% de la valeur ajoutée hors hydrocarbures. A cela s’ajoute, selon certaines organisations patronales qui évoquent entre 1,5/1,7 million de pertes d’emplois dans la sphère réelle. Et sur environ 12,5 millions de la population active sur plus de 43,9 millions d’habitants au 1er janvier 2020, environ 40/45% de la population active, environ 5/6 millions dans la sphère informelle, sont sans protection sociale rendant difficile leurs prises en charge. Ils sont sans revenus pour bon nombre qui ont cessé leurs activités, sans compter que bon nombres de ménages vivent dans deux trois pièces plus de 5/8 personnes avec des impacts psychologiques avec le confinement. Et l’on devra prendre en compte, à l’avenir la réforme du système des retraites qui sera le grand défi des années à venir ; le vieillissement de la population, où la moyenne d’âge des deux sexes selon le rapport de l’ONU de 2018, est à environ 78 ans de durée de vie. La pression démographique souvent oubliée est une véritable bombe à retardement.
Comment dès lors, avec un taux de croissance réel inférieur au taux de croissance démographique créer entre 350 000/400 000 empois par an entre 2020/2025, (encore que le taux de chômage officiel sous-estime la demande d’emplois féminins) qui s’ajoutent au taux de chômage actuel nécessitant un taux de croissance de 8/9% par an pour éviter de vives tensions sociales. L’Algérie doit donc se préparer à de nombreux défis, avec les tensions internes inévitables sur les réserves de change (moins de 40 milliards de dollars fin 2020) et budgétaires entre 2020/2022. 3.-Tout pouvoir ne doit pas regarder seulement vers le passé, devant certes faire un bilan sans complaisance pour éviter les erreurs du passé, et préparer l’avenir des générations futures. Il faut dorénavant miser sur l’investissement immatériel qui manque cruellement au pays. Et sans cet investissement, l’Algérie peut investir autant de milliards de dollars sans connaître de développement, voire régresser. Il s’agit de réunir les conditions pour attirer les meilleurs cadres de la nation pour transformer notre diplomatie, notre administration et notre économie en moteur du développement, la bureaucratisation de ces structures, étant le premier obstacle à l’épanouissement des énergies créatrices. La formation continue doit être généralisée à tous les niveaux et l’ordre de mérite devenir le levier de la promotion sociale. Les expériences historiques montrent clairement que les richesses naturelles n’ont pas d’effet direct sur le niveau de développement et que l’on construit une société développée d’abord sur les valeurs morales. L’Algérie doit impérativement recomposer ses valeurs et ses principes pour reconstruire une société moderne et ouverte à la culture et au développement économique, technique et social autour d’un projet de société qui donne espoir à une jeunesse désabusée.
D’où l’importance d’une gouvernance centrale et locale rénovée fondée sur un système participatif et qui appelle aux compétences algériennes locales et celles établies à l’étranger. C’est ainsi que l’on donnera aux Algériens l’envie de construire ensemble leur pays et d’y vivre dignement et harmonieusement, de rétablir la confiance entre les citoyens et les institutions de la République, de préserver les libertés individuelles et consolider la cohésion sociale à laquelle je suis profondément attachée. J’ose imaginer une Algérie où les nouvelles générations vivront confiantes et heureuses dans leur pays et où nous assisterons non pas à un retour de la majorité des cadres expatriés, il ne faut pas être utopique, mais les associer au redressement national et ils sont disponibles. Pour cela, l’Algérie doit impérativement élaborer une stratégie d’adaptation avec réalisme qui sera l’œuvre des acteurs économiques, politiques et sociaux, tenant compte de la nouvelle transformation du monde, loin de l’ancienne vision bureaucratique, évitant de croire que des lois et des nouvelles organisations déconnectées des réalités locales et internationales sont la solution miracle alors qu’il s’agit de s’attaquer au fonctionnement de la société. Le grand problème pour l’Algérie est de s’adapter au grand défi qui attend le monde, où après l’épidémie du coronavirus le monde ne sera plus jamais comme avant avec de profondes mutations géostratégiques, sociales, culturelles et économiques. L’Algérie doit construire si elle veut éviter sa marginalisation une économie hors hydrocarbures dans le cadre des valeurs internationales dont son escape naturel est l’espace méditerranéen et africain.
Depuis des décennies tous les pouvoirs ont eu pour objectif l’après hydrocarbures. Or avec la forte consommation intérieure l’épuisement pour l’Algérie est dans moins de 10/15 ans, devant éviter de vivre éternellement sur l’illusion de la rente éternelle. D’où l’importance d’un nouveau modèle de consommation énergétique devant éviter l’erreur de fonder la stratégie sur un modèle de consommation énergétique linéaire. Mais après 58 ans d’indépendance politique, l’économie algérienne repose sur la rente des hydrocarbures, faute de vision stratégique d’adaptation au nouveau monde, du fait de rigidités culturelles et politiques des tenants de la rente. Ces derniers qui propagent un discours soi-disant nationaliste, voient l’ennemi extérieur partout, discours populiste d’une autre époque, auquel aucun Algérien ne croit. Il s’agit de mobiliser toutes les forces de la nation pour débattre des questions d’actualité qui sont souvent éludées dans les débats et les programmes politiques et je ne puis cacher ma grande inquiétude pour notre pays si nous n’entreprenons pas immédiatement des réformes structurelles permettant un ré-Engineering profond de l’Algérie durant les 10-15 prochaines années. Je suis convaincu que la bonne gouvernance devra accompagner les changements sans précipitation, en associant des Algériens de diverses sensibilités et compétences, y compris les non-résidents.
L’Algérie sera sauvée par le génie des Algériens et tant qu’on n’adhérera pas à ce principe de base nous vivrons une errance économique et politique avec le risque d’un statu- quo qui risque de conduire droit le pays au FMI fin 2021 début 2022 avec l’épuisement inéluctable des réserves de change. Evitons tant la sinistrose que l’autosatisfaction. Tout pouvoir devra accepter les critiques productives, personne n’ayant le monopole du nationalisme, et donc être attentif aux propositions de toutes les composantes de la société. En résumé, il faut être réaliste, avec moins de 40 milliards de dollars de réserves de change fin 2020, le risque est l’épuisement des réserves de change fin 2021, le premier semestre 2022 supposant une mobilisation générale, plus de rigueur budgétaire et une profonde refonte politique reposant sur la moralisation tant des dirigeants que de la société. Car, l’Algérie dispose de compétences suffisantes localement et à l’étranger pour s’en sortir à condition d’un retour à la confiance Etat-citoyens, évitant les discours démagogiques, de développer une stratégie économique basée sur nos capacités propres, d’opérer les choix judicieux avec nos partenaires étrangers et enfin d’utiliser nos richesses pour un développement durable.
Se mentir les uns les autres ou se cacher la réalité nous entraînera irrésistiblement vers d’autres épreuves tragiques qu’aucun Algérien patriote ne souhaite. En économie, le temps ne se rattrape jamais. Toute nation qui n’avance pas, en ce monde turbulent et instable en perpétuel mouvement, recule et le temps presse pour redresser le bateau Algérie et l’éloigner de la zone de tempête que certains experts occidentaux lui prédisent. Pour cela, nous devons procéder sans complaisance à un examen très lucide de la situation pour mieux réagir dans plusieurs segments de la vie économique et sociale tels : éducation-formation, santé, stratégie industrielle, modernisation de l’agriculture, culture financière des acteurs économiques, efficacité de l’administration, relance et croissance des entreprises, réduction des déséquilibres régionaux et inégalités sociales, formation civique et politique de la jeunesse et tant d’autres domaines. Je crois fermement que le peuple algérien a d’énormes ressources en lui-même et sera capable de réagir à l’instar d’autres peuples qui ont su conjuguer la modernité, l’émancipation par le travail et ce grâce à un changement radical de la gouvernance.
(Suite et fin)
A. M.