L’exil fécond

Culture

Les faits relatés dans ce livre sont inspirés de la réalité vécue. Cependant, toute ressemblance avec des personnages réels, ayant existé ou existant toujours, n’est que pure coïncidence et ne relève point de la volonté de l’auteur. Mais, qui se sent morveux… se mouche !
L’auteur

C’est un langage qui exclut toute démagogie. Ceci dit, pourquoi voulez-vous que ceux qui militent pour une révolution systématique de leur environnement, ne peuvent bénéficier du crédit et du soutien de leurs semblables, parce que les «chefs en place» tiennent, comme par hasard, un même discours – qui, lui est démagogique – ou utilisent des méthodes semblables à celles prônées par les réformateurs, sans y croire, bien évidemment !!! C’est alors que se termine pour moi ce voyage fantastique, un voyage pendant lequel j’ai eu le plaisir de me transporter dans le monde de l’irréel. Je me voyais du temps du roi Salomon – il n’est pas inutile de le répéter –, dialoguant avec des animaux, pour des raisons de justice et de bien-être. La mouche que je me suis imaginé fort intéressante avec une intelligence hors du commun, m’a permis d’accéder à ce stade de l’enthousiasme et du bonheur à travers ce conte (imaginaire ?!?). Et, en l’espace d’un aller-retour, elle a fait que je puisse apprécier ce que veut dire le courage, celui de monter au créneau pour dénoncer des pratiques insensées, invraisemblables, et mettre en exergue les valeurs qui n’ont plus cours hélas dans notre monde des humains.
Ainsi, je suis revenu à l’évidence en me désolidarisant de mon milieu fait de fourberie et de fausseté, à travers un tout petit animal qui a osé bousculer la confusion en essayant d’entreprendre une action de salubrité dans son propre univers. En fait, un animal qui veut «secouer le cocotier». Alors, j’ai imaginé tous ces dialogues avec la mouche et d’autres animaux pour étayer mon roman d’images évidentes, qui reflètent le bien-fondé d’une situation qui existe vraiment sur le terrain de la réalité, une situation qui nous contraint de crier très fort : «Basta !» car tout est à revoir, pour le salut du pays ! Tout doit changer pour la bonne santé et l’avenir de nos enfants…, le contenant et le contenu, en termes clairs : le système et les hommes. Sans cela, «jouez violons, sonnez crécelles», personne ne vous entendra, personne ne vous suivra, sauf les opportunistes calculateurs, bien sûr…, ceux qui ont toujours intérêt à ce qu’une faillite pareille se perpétue. Oui, le système doit littéralement changer avant même de procéder au changement de ceux «d’en haut» car, ceux-là, ne comprennent pas le langage de ceux «d’en bas». Ils ne se rendent pas compte que le peuple ne peut plus supporter d’entendre crier urbi et orbi que notre pays est riche, que nous sommes solvables sur tous les plans, que nous n’avons plus de dettes, sinon une somme modique, au moment où de nombreux jeunes se jettent à l’aventure pour émigrer clandestinement dans des embarcations de fortune. Ces jeunes qui représentent les trois quarts de la population sont inquiets pour leur avenir. Un grand nombre d’entre eux, désespérant de leur pays, meurent en pleine mer au cours d’opérations suicidaires dans une poignante quête de vie meilleure n’importe où, pourvu que ce soit loin de chez eux.
Le peuple ne veut plus entendre ces discours insipides, qui n’ont aucune saveur – excusez la redondance –, qui sonnent faux et qui sentent l’hypocrisie, car il sait ce qu’il vaut à l’ombre d’un système pareil, un système érodé, qui ne plait qu’aux responsables qui savent en profiter des effets de son laxisme. Le peuple sait, malgré tous les discours rassurants de ces derniers qui ne connaissent pas la réalité du pays, que chaque soir des poubelles sont visitées par des démunis qui se font de plus en plus nombreux… Ce que je dis, présentement, n’est pas un appel à la désobéissance, loin s’en faut. Je ne fais pas dans le clientélisme et le marchandage sordide, je suis assez éduqué pour ne pas proposer de pareilles recettes. Je veux dire, tout simplement, qu’il y a toujours un espace de débat et d’enrichissement mutuel entre gens de bonne foi, ceux qui doivent aller vers la bonne émulation dans un esprit de total respect. Je veux dire que les choses doivent changer dans notre pays. Elles doivent changer, non pas pour satisfaire des besoins de quelques mécontents ou insatisfaits invétérés que sont les pharisiens qui vivent à l’ombre du système, mais pour être à l’écoute des attentes d’une société qui espère beaucoup d’une sérieuse réforme qui permettra aux gens réfléchis de bâtir tout un nouveau monde.
Aujourd’hui, si notre projet a échoué – je fais mon mea culpa – c’est parce nous l’avons empêché de réussir. Nos forces «obscures» sur le terrain ont tout fait pour contrecarrer l’adoption de la voie saine engagée par le biais de plans remarquablement conçus, par des gens honnêtes. Je termine alors mon roman par cette note optimiste : le retour d’exil de la mouche, est un exil que je qualifie de fécond, parce qu’elle retourne chez les siens pour s’investir davantage et œuvrer pour la réussite de cette jungle qui a été livrée à tant de «soustractions». C’est la meilleure solution, en tout cas, une solution durable, qu’elle pouvait envisager pour ce grand arpent du Bon Dieu. Et, pour rester dans le domaine des rêves, je dis que l’on peut tout se permettre à travers l’écriture qui représente ce qu’il y a de plus beau et de plus positif dans la création littéraire. J’ai encore un autre propos, à ce sujet, cette fois-ci d’une écrivaine, qui affirme que «l’écriture a permis que des voix entrent dans le livre. Ce que je crois aujourd’hui, c’est que les écouter pour écrire un livre change d’emblée la qualité des voix, le cours des histoires».
Pour ma part, tout en vous demandant d’être indulgents envers moi pour avoir bavardé, disserté et extrapolé quelquefois, voire fantasmé souvent…, je n’ai fait qu’imaginer ces événements malheureux qui se succèdent au cours de notre vie et font que notre quotidien se complique de plus en plus au point de devenir pénible et invivable. L’essentiel pour moi était de livrer le message à travers des animaux pour – dans la mesure du possible – ne gêner personne. L’essentiel pour moi était aussi, tout en n’oubliant pas la quintessence de mon roman surréaliste, de ramener cette charmante et agréable mouche chez elle, après m’avoir raconté sa jungle et eut des expériences ailleurs, pour qu’elle puisse participer à ce grand programme de développement qui doit nécessairement prendre forme et s’appliquer concrètement pour le bien de tous les animaux. Ainsi, en utilisant mon rapport avec la mouche pour révéler quelques vérités sur mes semblables, je dis à cette dernière, comme disait André Breton à son héroïne «Nadja» : «Sans le faire exprès, tu t’es substituée aux formes qui m’étaient les plus familières, ainsi qu’à plusieurs figures de mon pressentiment». Alors, tout le roman est un mélange entre ce qui est vrai et imaginé, ce qui et réel et surréaliste, ce qui est logique et insensé.
Ce mélange s’illustre aisément dans le personnage de la mouche par ses actions et ses pensées surprenantes ou, plus encore, étranges et quelquefois extravagantes. Pour moi, la rencontre avec cette bestiole est une exploration d’un monde absurde, ridicule, plein de contradictions et de mal…, mais qui existe malheureusement dans la réalité. Et l’expérience dans cette forme d’écriture me permettra de faire transmettre aux gens la nécessité de prendre conscience pour s’attacher constamment à nous corriger, pour se refaire positivement. Enfin, pour clore cet essai d’un roman surréaliste que j’ai voulu dans ce style, je dis à certains, ceux qui se sentiront «morveux» et pensent que je les vise personnellement, ne m’en voulez pas vous non plus, car je parle de la jungle et j’ai quand même le droit de concevoir mes personnages à ma façon. Sinon, eh bien…, mouchez-vous ! Et puis, bon sang, j’ai averti lors de ma première rencontre avec la mouche, comme on avertit généralement au début de certains films, que « toute ressemblance avec des personnages réels, ayant existé ou existant toujours, n’est que pure coïncidence et ne relève point de la volonté de l’auteur.»
N’est-ce pas suffisant pour être préservé de toute réprobation ou autre sentence encore plus grave, comme celles qui «tombent» dans des jungles qui ressemblent à celle de la mouche ? Une toute dernière remarque, sous forme de question : Devons-nous assister impuissants à des conduites incroyables et se taire, uniquement pour ne pas ternir l’image de marque, d’autres diront le paysage politique du pays, déjà en décomposition ? L’avenir de notre jungle…, pardon de notre pays – je ne le dirai jamais assez – réside dans le changement radical de ses méthodes de gestion. Il réside dans l’abolition urgente du «système» qui s’érode, se discrédite au fil des jours et nous déprécie devant ceux qui – il n’y a pas si longtemps – avaient beaucoup de respect et de considération pour nous. Il réside enfin dans l’avènement d’un authentique État qui sera basé sur la justice, la vraie, pas celle des complaisances et des passe-droits, sur une véritable gouvernance, transparente, intransigeante au point de vue de la rigueur du fonctionnement des institutions, enfin sur un système réellement démocratique comme celui de pays qui érigent la vertu au stade du culte et de la passion. A ce moment-là, nos auteurs n’écriront que des romans qui feront dormir tranquillement nos enfants et nous donneront le goût de les lire paisiblement, le soir, au coin du feu. Merci pour votre aimable attention.
(Suite et fin)
Par Kamel Bouchama (auteur)