«Il appartient au peuple algérien de se mobiliser autour du Président pour l’avènement de l’Algérie nouvelle»

L’ex-magistrat Chabaine Zerouk à La Nouvelle République :

Révision de la Constitution, pouvoir judiciaire, projet de la loi de Finances complémentaire, Hirak et rapports des ONG en matière de respect des droits de l’Homme en Algérie, sont, entre autres sujets, sur lesquelles l’ex-magistrat Chabaine Zerouk, également ex-cadre supérieur au secteur de la justice, s’est exprimé dans cet entretien accordé à La Nouvelle République.

La nouvelle République : Les différents rapports traitants des Droits de l’Homme et la liberté des cultes sont souvent défavorables pour l’Algérie et nous rappellent la décennie noire. Quel commentaire faites-vous à ce sujet et pensez-vous réellement que ces droits ne sont pas respectés en Algérie ?
M. Chabaine Zerouk : Les rapports des ONG en matière de respect des droits de l’Homme en Algérie sont très souvent défavorables à notre pays. Cette situation inique s’explique par des facteurs endogènes et exogènes. En effet, l’Etat algérien pratique l’opacité dans tous les domaines de la vie nationale et ne permet pas à la société de développer ses réseaux et relais, seuls supports crédibles et fiables par rapport à l’opinion publique nationale et internationale. Donc, l’Etat algérien se trouve, lui, seul, face à ces ONG qui desservent des intérêts souvent occultes et obéissent aux désidératas des leurs sponsors. Au final, l’Algérie se pénalise elle-même par rapport à son mode de gouvernance obsolète, opaque et anachronique. Par conséquent, en changeant son mode de fonctionnement dans le sens de la transparence intégrale et globale, ses partenaires et interfaces étrangers changeront automatiquement d’attitude.

La période prévue pour apporter les observations sur le brouillon de l’avant-projet de Constitution algérienne tire à sa fin. Quelles ont été vos observations et vos propositions sur cet avant-projet, vous qui avez reçu une copie de ce brouillon en votre qualité de personnalité nationale ?
J’ai l’honneur d’avoir été sollicité par notre Président pour émettre avis et opinion sur cet avant-projet préliminaire de la Constitution. D’une manière générale, je ne voudrais pas être prisonnier, dogmatiquement parlant, d’un système particulier. Autrement dit, je suis pour un équilibre des pouvoirs entre les 3 pouvoirs, exécutif, législatif et judiciaire. En effet, la revendication principale du pouvoir judiciaire tient à son indépendance par rapport au pouvoir exécutif. Par contre, tout l’enjeu tient à l’équilibre entre les prérogatives présidentielles et les attributions parlementaires. A ce niveau, il faudrait mettre en place des instruments et mécanismes de telle façon que les pouvoirs d’un pôle soient arrêtés, voire neutralisés dans son absolutisme par l’autre pôle. Dans ce schéma intelligible, le despotisme «présidentialiste» serait freiné par un parlement possédant un pouvoir de censure absolu et vice-versa. Dans cet ordre d’idées, j’ai proposé un Parlement bicéphal, à 2 chambres : Une APN, regroupant l’élite nationale à travers un scrutin national avec une liste nationale pour chaque prétendant, parti ou indépendant et une 2ème chambre qui fera office de représentation territoriale à raison, par exemple, de 5 ou 6 députés pour chacune des wilayas. Dans cette conception de la représentation nationale, le chef du Gouvernement se recrute parmi la majorité parlementaire et son gouvernement responsable devant ce même Parlement.

La proposition de création d’un poste de vice-président de la République a suscité beaucoup de commentaires. Quelle est votre position sur cette question et êtes-vous pour un régime présidentiel, semi-présidentiel ou parlementaire ?
Dans l’équation algérienne, la question de vice-président apparaît accessoire car cela renvoie à la situation scandaleuse et regrettable qu’avait vécue le peuple algérien avec le Président Bouteflika impotent pendant presque une décennie. Des forces occultes avaient régenté le pays en dehors de la Constitution. Dans l’absolu, je suis avec un régime parlementaire. Dans notre cas d’espèce, je suis pour un régime semi-présidentiel.

La loi de Finances complémentaire 2020 est entrée en vigueur. Quelles ont été les réserves faites sur cette loi ?
La LFC a été rendue indispensable au regard de la situation exceptionnelle que vit notre pays, à l’instar du reste du monde consécutivement à la pandémie du coronavirus. Elle a introduit en son sein des correctifs et des rééquilibrages socio-économiques, sans impact sur les équilibres macro-économiques.

Après le référendum sur la Constitution, la loi électorale sera aussi révisée. Quels sont les principaux points à revoir dans cette loi ?
La loi électorale sera automatiquement révisée pour s’adapter aux nouvelles dispositions constitutionnelles. Donc, il n’est pas possible, dès à présent, de prévoir les changements à opérer à l’endroit de la loi électorale.

Vous qui êtes un homme de droit et avez occupé le poste de conseiller au ministère de la Justice, comment évaluez-vous aujourd’hui le travail de la justice en Algérie et pensez-vous que le principe de l’indépendance de la justice est réellement consacré dans notre pays ?
Malgré les efforts louables déployés par la justice pour s’adapter au nouveau contexte politique imposé par le Hirak, la justice demeure, en fin de compte, prisonnière de l’ensemble des institutions étatiques et de l’environnement général. La justice doit faire son toilettage intégral pour pouvoir gagner son indépendance dans le cadre de l’édification d’un État de droit dont l’avènement dépend de la volonté politique du pouvoir en place.

Le Président Tebboune, que vous connaissez très bien, avait dit que les gens doivent l’aider et le corriger s’il venait à commettre des erreurs. Selon vous, en quoi a-t-il besoin d’être aidé et quelles sont les erreurs qu’il devrait corriger après six mois de son élection à la tête de la Présidence de la République ?
Il faut rendre un vibrant hommage au Président Tebboune qui a eu la clairvoyance politique courageuse en déclarant dans son discours d’investiture : qu’il nous appartient de le corriger s’il venait à commettre des erreurs. Ce faisant, il devient le premier Président à s’assumer publiquement de cette manière hyper-responsable. Il appartient au peuple algérien et notamment à son élite de se mobiliser massivement autour du Président pour œuvrer à l’avènement de l’Algérie nouvelle où les valeurs et vertus nationales auront droit de cité.
Entretien réalisé par Larbi Balta