Nouvelles mutations mondiales 2020/2030 et urgence de réaliser la transition énergétique

Après l’épidémie du coronavirus

Après l’épidémie du coronavirus, la pire crise économique depuis 1928, partout dans le monde, la conjonction de l’instabilité des marchés des énergies fossiles et l’impératif de protection de l’environnement et de réduction des émissions de gaz à effet de serre imposent une révision des stratégies énergétiques.

– Premier axe, améliorer l’efficacité énergétique par une nouvelle politique des prix (prix de cession du gaz sur le marché intérieur (environ un dixième du prix) occasionnant un gaspillage des ressources qui sont gelées transitoirement pour des raisons sociales, dossier que j’ai dirigé avec le bureau d’études américain Ernest Young et avec les cadres du ministère de l’Energie et de Sonatrach que j’ai présenté personnellement à la commission économique de l’APN en 2008, renvoyant à une nouvelle politique des prix (prix de cession du gaz sur le marché intérieur environ un dixième du prix international occasionnant un gaspillage des ressources qui sont gelées transitoirement pour des raisons sociales. C’est la plus grande réserve pour l’Algérie, ce qui implique une révision des politiques de l’habitat, du transport et une sensibilisation de la population. L’on doit durant une période transitoire ne pas pénaliser les couches les plus défavorisées. A cet effet, une réflexion doit être engagée pour la création d’une chambre nationale de compensation, que toute subvention devra avoir l’aval du Parlement pour plus de transparence. Une chambre devant réaliser un système de péréquation, tant interrégionale que socioprofessionnelle, afin d’encourager les secteurs structurants et tenant compte du revenu par couches sociales, impliquant une nouvelle politique salariale.
– Le deuxième axe ne devant pas être utopique, continuer à investir dans l’amont supposant pour attirer les investisseurs étrangers, étant dans un système concurrentiel mondial, la révision de la loi des hydrocarbures en 2019 étant une condition nécessaire et non suffisante comme en témoigne la perte des parts de marché notamment au niveau Europe et la baisse de la production en volume physique depuis 2007, (voir notre interview à Algérie Radio Internationale du 12 juin 2020) pour de nouvelles découvertes. Mais pour la rentabilité de ces gisements tout dépendra du vecteur prix au niveau international et du coût, pouvant découvrir des milliers de gisements non rentables.
– Le troisième axe, développer les énergies renouvelables combinant le thermique et le photovoltaïque avec pour objectif d’ici 2030, produire, 30 à 40% de ses besoins en électricité à partir des énergies renouvelables où selon des études de l’Université des Sciences et Technologies d’Alger (USTHB), le potentiel photovoltaïque de l’Algérie est estimé à près de 2,6 millions de térawattheures (TW/h) par an, soit 107 fois la consommation mondiale d’électricité et en énergie éolienne, l’Algérie bénéficie aussi d’un potentiel énergétique important, estimé à près de 12 000 térawatts/heure (TWh) par an. Cette même étude estime qu’avec un taux moyen de consommation de 260 m3 /MWh, le potentiel algérien en énergies renouvelables serait équivalent à une réserve annuellement renouvelable de gaz naturel de l’ordre de 700 000 milliards de m3. Avec plus de 3 000 heures d’ensoleillement par an, l’Algérie a tout ce qu’il faut pour développer l’utilisation de l’énergie solaire, ou presque. Le soleil tout seul ne suffit pas. Il faut la technologie et les équipements pour transformer ce don du ciel en énergie électrique. Aussi, le défi algérien est-il d’avoir le budget et les technologies nécessaires pour, d’abord, financer la fabrication de panneaux solaires et, ensuite, subventionner, du moins en partie, leur installation à grande échelle. Car les panneaux solaires ne sont pas disponibles sur le marché, et quand bien même ils le seraient, il est quasi impossible pour un particulier d’assumer les charges d’une installation solaire. Le retard dans l’exploitation de l’énergie solaire est indéniable. Adopté en février 2011 par le Conseil des ministres, le programme national des énergies renouvelables algérien prévoit une introduction progressive des sources alternatives, notamment le solaire avec ses deux branches (thermique et photovoltaïque), dans la production d’électricité sur les 20 prochaines années. Dans cette perspective, la production d’électricité à partir des différentes sources d’énergies renouvelables dont l’Algérie compte développer serait de 22 000 mégawatts à l’horizon 2030, soit 40% de la production globale d’électricité. Sur les 22 000 MW programmés pour les deux prochaines décennies, l’Algérie ambitionne d’exporter 10 000 MW, alors que les 12 000 MW restants seraient destinés pour couvrir la demande nationale. Une fois réalisé, ce programme permettra d’économiser près de 600 milliards de mètres cubes de gaz sur une période de 25 années. L’Algérie a réceptionné en mi-juillet 2011 la première centrale électrique hybride. D’une capacité globale de 150 MW, dont 30 MW provenant du solaire, cette centrale a ainsi ouvert le chapitre des projets en cours ou en maturation pour le passage de l’Algérie à des sources d’énergies alternatives. Au moins, six centrales du même principe, mais dont la part du solaire serait de plus en plus importante, sont programmées juste pour les neuf prochaines années, ce qui permettra de lever progressivement la contribution des énergies renouvelables dans la satisfaction des besoins internes en électricité. Outre une nouvelle politique des prix, Sonatrach ne pouvant assurer, à elle seule, cet important investissement (environ 100 milliards de dollars entre 2020/2030), il y a lieu de mettre en place une industrie nationale dans le cadre d’un partenariat public-privé national/international, supposant d’importantes compétences. Celle-ci doit comprendre tous les éléments de la chaîne de valeur renouvelable, dont l’ingénierie, l’équipement et la construction afin d’accroître le rythme de mise en œuvre, des études sur la connexion de ces sites aux réseaux électriques.
– Le quatrième axe, l’Algérie compte construire sa première centrale nucléaire en 2025 pour faire face à une demande d’électricité galopante, l’Institut de génie nucléaire, créé, devant former les ingénieurs et les techniciens en partenariat, qui seront chargés de faire fonctionner cette centrale. Les réserves prouvées de l’Algérie en uranium avoisinent les 29 000 tonnes, de quoi faire fonctionner deux centrales nucléaires d’une capacité de 1000 mégawatts chacune pour une durée de 60 ans, selon les données du ministère de l’Energie. La ressource humaine étant la clef à l’instar de la production de toutes les formes d’énergie et afin d’éviter cet exode de cerveaux massif que connait l’Algérie
– Le cinquième axe est l’option du pétrole/gaz de schiste horizon 2025 (3e réservoir mondial selon des études internationales) introduite dans la nouvelle loi des hydrocarbures de 2013, dossier que j’ai l’honneur de diriger pour le compte du gouvernement et remis en janvier 2015. En Algérie, devant éviter des positions tranchées pour ou contre, l’adhésion des populations locales par un dialogue productif est nécessaire car on ne saurait minimiser les risques de pollution des nappes phréatiques au Sud du pays. L’Algérie étant un pays semi-aride, le problème de l’eau étant un enjeu stratégique au niveau méditerranéen et africain, doit être opéré un arbitrage pour la consommation d’eau douce des populations et celle utilisée pour cette production. Selon l’étude réalisée sous ma direction, les nouvelles techniques peu consommatrices d’eau et évitant l’injection de produits chimiques dans les puits devraient être mises au point opérationnelle horizon 2025 car actuellement avec la fracturation hydraulique classique, il faudrait environ un milliard de mètres cubes gazeux environ 1 million de mètres cubes d’eau douce, devant tenir compte de la durée courte vie des puits (cinq ans maximum) et devant perforer des centaines pour avoir un milliard de mètres cubes gazeux. Par ailleurs, avec les coûts de protection de l’environnement qui s’ajoute aux coûts traditionnels, avec le prix actuel du gaz sur le marché libre moins de 2 dollars le MBTU, cela n’est pas rentable, le seuil devant être entre 7/8 dollars le MBTU pour les zones du Sud.
– Le sixième axe, rentrant dans le cadre des résolutions de la COPE21 et de la COP22, est l’action climatique qui ne peut être conçue dans le cadre d’une nation, impliquera une large concertation avec notamment les pays du Maghreb et de l’Afrique. D’une manière générale, pour le Maghreb dont l’Algérie, les ressources hydriques sont vulnérables aux variations climatiques. L’eau et sa gestion sont des problèmes conditionnant son avenir, le volume maximal d’eau mobilisable étant déficitaire, selon Femise (réseau euro-méditerranéen sur la région MENA). Dans la région du Maghreb, les effets négatifs toucheront la production de légumes dont les rendements diminueraient de 10 à 30% et une baisse du blé à près de 40%. Ainsi, le changement climatique pourrait entraîner une véritable crise migratoire, l’or bleu, enjeu du XXIe siècle qui non résolu pouvant provoquer des guerres planétaires. Les conclusions du rapport du GIEC publié en janvier 2015 et du rapport de Rachel Kyte, vice-présidente de la Banque mondiale chargée du développement durable, montre une intensification de plus en plus visible partout dans le monde d’événements climatiques extrêmes (sécheresses, canicules, pluies diluviennes, inondations, ouragans, typhons…), lourdes pertes humaines (2 millions et demi de personnes sur les 30 dernières années), multiplication du nombre de réfugiés climatiques (plus de 20 millions selon le Conseil norvégien pour les réfugiés) et des coûts financiers liés à ces catastrophes naturelles en forte augmentation (200 milliards par an au cours de la dernière décennie, soit 4 fois plus que dans les années 1980.
(A suivre)
Professeur des universités, expert international Dr Abderrahmane Mebtoul