Nouvelles mutations mondiales 2020/2030 et urgence de réaliser la transition énergétique

Après l’épidémie du coronavirus

Après l’épidémie du coronavirus, la pire crise économique depuis 1928, partout dans le monde, la conjonction de l’instabilité des marchés des énergies fossiles et l’impératif de protection de l’environnement et de réduction des émissions de gaz à effet de serre imposent une révision des stratégies énergétiques.

Les décisions dans le domaine de l’énergie engagent le long terme et la sécurité du pays au regard des priorités définies sur le plan politique (indépendance nationale, réduction des coûts, réduction des émissions de carbone, création d’emplois). Chaque décision majeure devra être préalablement analysée par le conseil national de l’Energie, présidé par le président de la République, après un large débat national. Comme je l’ai préconisé à Bruxelles à l’invitation du Parlement européen, le co-développement et le co-partenariat avec des partenaires étrangers peuvent être le champ de mise en œuvre de toutes les idées innovantes, l’avenir étant au sein des espaces euro-méditerranéens et africains. L’Afrique avec 25% de la population mondiale horizon 2040, des ressources tant matérielles qu’humaines considérables, sous réserve de sous régionalisations homogènes et d’une meilleure gouvernance, sera la locomotive de l’économie mondiale horizon 2030/2040. Pour le cas Algérie, la sécurité nationale étant posée, le défi principal entre 2020-2030 sera la maîtrise du temps et de mettre en œuvre concrètement tant la transition politique, économique qu’énergétique.
Car ce n’est pas parce qu’il n’y avait plus de charbon qui reste d’ailleurs la plus importante réserve mondiale, mais avec des coûts croissants, que l’on est passé aux hydrocarbures. Cela est dû aux nouveaux procédés technologiques qui produisent à grande échelle et qui ont permis de réduire les coûts, ce que les économistes appellent les économies d’échelle influant d’ailleurs sur la recomposition du pouvoir économique mondial et sur les gouvernances locales et mondiales. D’où l’importance d’un large débat national sur le futur modèle de consommation énergétique et de lever toutes les contraintes bureaucratiques d’environnement qui freinent l’expansion de l’entreprise publique ou privée créatrice de valeur ajoutée et son fondement l’économie de la connaissance. Comme au niveau international, cela implique le renouveau dans les négociations internationales, d’imaginer de nouveaux instruments économiques et juridiques pour l’atténuation des changements climatiques, l’adaptation et la conservation de la biodiversité.

En résumé
Le cours des hydrocarbures traditionnels est fondamentalement fonction de la croissance de l’économie mondiale, des énergies substituables mais à terme surtout du nouveau modèle de consommation qui se met en place au niveau mondial déclassant les activités traditionnelles, le coût des énergies renouvelables ayant été divisé par plus de 50% entre 2000/2020. A court terme, il faut éviter l’euphorie de certains responsables en panne d’imagination (culture de la rente) qui croient que les matières premières sont la solution au développement. A court terme notamment entre 2020/2021, selon le rapport de la Banque mondiale du 8 juin 2020, la croissance de l’économie mondiale sera négative de moins 5,2% avec des répercussions négatives pour 2021, un taux de croissance négatif en To 2020, le taux de croissance prévu en 2021 de 4,2% est un taux de croissance faible, se calculant par rapport à la période précédente, en 2021 donnant en terme réel, entre 1 et 2%, avec pour conséquence une baisse du revenu moyen d’environ 3,6% et d’importantes poches de pauvreté au niveau mondial.
Cela impacte fortement toutes nos économies avec des intensités différentes posant la problématique d’une nouvelle régulation sociale conciliant l’efficacité économique et une profonde justice sociale pour éviter une implosion sociale qui déstabiliserait le monde. Des stratégies d’adaptation, qui font cruellement défaut sont urgentes pour éviter la marginalisation de l’Algérie tant dans le domaine sécuritaire (dialectique entre développement et sécurité), social, économique et énergétique où le monde s’oriente 2020/2030, inéluctablement vers un nouveau modèle de consommation énergétique fondé sur la transition énergétique qui constituera entre 2020/2030 un enjeu de sécurité mondiale. L’Algérie, posant l’urgence de l’installation du conseil national de l’Energie, seul habilité à tracer la politique énergétique, annoncé par le président de la République, pays pivot, au niveau de l’espace méditerranéen et africain, possède toutes les potentialités pour être un acteur actif, au niveau de cet espace stratégique afin de favoriser une prospérité partagée.

3- Transition énergétique, contrat social et nouveau modèle de consommation
La transition pouvant être définie comme le passage d’une civilisation humaine construite sur une énergie essentiellement fossile, polluante, abondante, et peu chère, à une civilisation où l’énergie est renouvelable, rare, chère, et moins polluante ayant pour objectif le remplacement à terme des énergies de stock (pétrole, charbon, gaz, uranium) par les énergies de flux (éolien, solaire). La transition énergétique renvoie à d’autres sujets que techniques, posant la problématique sociétale. Il ne suffit pas de faire une loi car le déterminant c’est le socle social. Cela pose la problématique d’un nouveau modèle de croissance : tous les secteurs économiques, tous les ménages sont concernés : transport, BTPH ; industries, agriculture. Les choix techniques d’aujourd’hui engagent la société sur le long terme.
Dès lors la transition énergétique suppose un consensus social car la question fondamentale est la suivante : cette transition énergétique, combien ça coûte, combien ça rapporte et qui en seront les bénéficiaires. Pour une transition énergétique cohérente de renforcer les interconnexions des réseaux et l’optimisation de leur gestion (smart grids) pour contribuer à l’efficacité énergétique, au développement industriel, aller vers un nouveau modèle de croissance, afin de favoriser l’émergence d’une industrie de l’énergie, au service de l’intégration économique, les avantages octroyés par l’Etat devant être fonction de ce taux.
(Suite et fin)
Professeur des universités, expert international Dr Abderrahmane Mebtoul