De la colonisation à l’indépendance de l’Algérie, le 5 juillet 1962

L’histoire, fondement de l’action de la nouvelle République 2020/2030

L’Algérie célèbre le 5 juillet 2020, la fête de l’indépendance marquant la fin de la colonisation française depuis la conquête de l’Algérie de 1830 à 1871 par la France, qui marquera une longue résistance avec l’avènement du nationalisme avant le déclenchement de la guerre de libération nationale.

La France reconnaît l’indépendance de l’Algérie le 3 juillet et celle- ci est proclamée le 5 juillet 1962. Cependant, l’histoire ne se découpe pas en morceaux. Celle de l’Algérie remonte à la période des Numides, IVe siècle avant J.-C., à la période romaine, de la période du Kharidjisme à la dynastie des Almohades, à l’occupation espagnole et ottomane (voir contribution du Pr A. Mebtoulwww.google.com).

1- La colonisation française
La conquête de l’Algérie de 1830 à 1871 par la France marque la fin de la domination ottomane et le début de la domination française. Il semblerait, peut-être un prétexte, que tout aurait commencé par la fameuse affaire de l’éventail. Le 30 avril 1827 à Alger, le Dey soufflette avec son éventail le consul de France, Deval. L’épisode entraîne la rupture diplomatique avec la France. Le Conseil des ministres français décide d’organiser une expédition en Algérie le 31 janvier 1830. D’abord nommés «possessions françaises dans le Nord de l’Afrique», ces territoires prendront officiellement le nom d’Algérie, le 14 octobre 1839. La population algérienne est estimée à trois millions d’habitants avant la conquête française de 1830. Selon l’ouvrage Coloniser, exterminer de l’historien Olivier Le Cour Grandmaison je cite : «Le bilan de la guerre, presque ininterrompue entre1830/1872 souligne son extrême violence ; il permet de prendre la mesure des massacres et des ravages commis par l’armée d’Afrique. En l’espace de quarante-deux ans, la population globale de l’Algérie est en effet passée de 3 millions d’habitants environ à 2 125 000 selon certaines estimations, soit une perte de 875 000 personnes, civiles pour l’essentiel. Le déclin démographique de l’élément arabe était considéré comme bénéfique sur le plan social et politique, car il réduisait avantageusement le déséquilibre numérique entre les indigènes et les colons».
Plusieurs observateurs s’accordent à dire que la conquête de l’Algérie a causé la disparition de presque un tiers de la population algérienne. Guy de Maupassant écrivait dans Au Soleil en 1884 je cite «il est certain aussi que la population primitive disparaîtra peu à peu, il est indubitable que cette disparition sera fort utile à l’Algérie, mais il est révoltant qu’elle ait lieu dans les conditions où elle s’accomplit». Cette période historique connaît plusieurs phases. Sous Louis Philippe 1er de 1830 à 1848, l’Emir Abdelkader, figure charismatique, fondateur de l’Etat algérien selon certains historiens, résista pendant de longues années à l’occupation coloniale. Il attaque des tribus alliées de la France et bat le général Trézel dans les marais de la Makta près de son fief de Mascara dans l’Ouest algérien. Il encercle la ville voisine d’ Oran pendant 40 jours. Arrivé en renfort de métropole, le général Bugeaud inflige une défaite à Abdelkader. Le traité de Tafna est signé, le 30 mai 1837 entre le général Bugeaud et l’Emir qui reconnaît la souveraineté de la France. En échange de pouvoirs étendus sur les provinces de Koléa, Médéa et Tlemcen, il peut conserver 59 000 hommes en armes. L’armée française passe, en septembre 1839, les Portes de fer dans la chaîne des Bibans territoire que l’émir comptait annexer. Abdelkader, considérant qu’il s’agit d’une rupture du traité de Tafna, reprend, le 15 octobre 1839 la guerre contre la France le 16 mai 1843.
Le 14 août 1844, le général Bugeaud écrase l’armée du sultan marocain à la bataille d’Isly. L’armée marocaine se replie en direction de Taza. Le sultan s’engage alors à interdire son territoire à Abdelkader en traitant avec la France. Le 23 septembre, les troupes d’Abdelkader sortent victorieuses lors de la bataille de Sidi Brahim engagée par le colonel Montagnac. En décembre 1847, Abdelkader se rend aux spahis (nomades des régions steppiques de l’Algérie). Placé en résidence surveillée pendant quatre ans en France, l’Emir fut libéré par Napoléon III, visita plusieurs villes de la métropole avant de rejoindre Damas et résida le restant de sa vie en Syrie. Le 11 décembre 1848, la Constitution de 1848 proclame l’Algérie partie intégrante du territoire français. Bône (Annaba actuellement), Oran, Alger deviennent les préfectures de trois départements français. Les musulmans et juifs d’Algérie deviennent «sujets français» sous le régime de l’indigénat. Le territoire de l’ex-Régence d’Alger est donc officiellement annexé par la France, mais la région de la Kabylie qui ne reconnaît pas l’autorité française résiste encore. L’armée française d’Afrique contrôle alors tout le nord-ouest de l’Algérie. Les succès remportés par l’armée française sur la résistance d’Abd el-Kader renforcent la confiance française, et permettent de décréter, après débats, la conquête de la Kabylie qui doit intervenir à l’issue de la guerre de Crimée (1853-1856) qui mobilise une partie des troupes françaises.

C’est à cette époque que Fatma N’soumer, la femme rebelle, marqua une grande résistance. Née en 1830, l’année même de l’occupation française d’Algérie, en 1853, elle avait 23 ans dans son Djurjura natal. Elle est arrêtée le 27 juillet 1857 dans le village de Takhliit Ath Atsou près de Tirourda. Placée ensuite en résidence surveillée à Béni Slimane, elle y meurt en 1863, à l’âge de trente-trois ans, éprouvée par son incarcération. En mars 1871, profitant de l’affaiblissement du pouvoir colonial à la suite de la défaite française lors de la guerre franco-prussienne (1870-1871), une partie de la Kabylie se soulève favorisée par plusieurs années de sécheresse et de fléaux. Elle débute au mois de janvier avec l’affaire des Spahis et en mars avec l’entrée en dissidence de Mohamed El Mokrani qui fait appel au Cheikh El Haddad, le grand maître de la confrérie des Rahmaniya. La révolte échoue et une répression est organisée par les Français pour «pacifier» la Kabylie avec des déportations. À la suite d’un ordre qui a été donné par l’armée de les envoyer en France, les Spahis se soulèvent fin janvier 1871 à Moudjebeur et à Ain-Guettar, dans l’Est algérien à la frontière avec la Tunisie. Le mouvement est rapidement réprimé.
Dès lors le seul moyen de prévenir les révoltes, c’est d’introduire une population européenne nombreuse, de la grouper sur les routes et les lignes stratégiques de façon à morceler le territoire en zones qui ne pourront pas à un moment donné se rejoindre. La loi du 21 juin 1871 (révisée par les décrets des 15 juillet 1874 et 30 septembre 1878) attribue 100 000 hectares de terres en Algérie aux immigrants d’Alsace-Lorraine. De 1871 à 1898, les colons acquièrent 1 000 000 d’hectares, alors que de 1830 à 1870, ils en avaient acquis 481 000. Le 26 juillet 1873 est promulguée la loi Warnier visant à franciser les terres algériennes et à délivrer aux indigènes des titres de propriété. Cette loi donne lieu à divers abus et une nouvelle loi la complétera en 1887. Son application sera suspendue en 1890. Le Code de l’Indigénat est adopté le 28 juin 1881 distinguant deux catégories de citoyens : les citoyens français (de souche métropolitaine) et les sujets français, c’est-à-dire les Africains noirs, les Malgaches, les Algériens, les Antillais, les Mélanésiens.
Le Code était assorti de toutes sortes d’interdictions dont les délits étaient passibles d’emprisonnement ou de déportation. Après la loi du 7 mai 1946 abolissant le Code de l’indigénat, les autochtones sont autorisés à circuler librement, de jour comme de nuit, et récupérer le droit de résider où ils voulaient et de travailler librement. Cependant, les autorités françaises réussirent à faire perdurer le Code de l’indigénat en Algérie jusqu’à l’indépendance en maintenant le statut musulman et en appliquant par exemple le principe de responsabilité collective qui consistait à punir tout un village pour l’infraction d’un seul de ses membres. L’Algérie possède un nouveau statut en 1900 : elle bénéficie d’un budget spécial, d’un gouverneur général qui détient tous les pouvoirs civils et militaires.

2- Le nationalisme algérien à la Révolution du 1er novembre 1954
Si l’Emir Abdelkader est considéré comme le précurseur de la fondation de l’Etat algérien, Messali Hadj est considéré comme un des fondateurs du nationalisme algérien. Ainsi Messali Hadj dès 1927 réclame l’indépendance de l’Algérie ayant été le fondateur du parti du peuple algérien (PPA), du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques et du Mouvement national algérien (MNA). Cependant, bien que la résistance ait toujours existé depuis toutes les invasions, ce sont les guerres mondiales qui permirent une prise de conscience plus forte de l’injustice que frappait la majorité des Algériens souvent analphabètes et travaillant à des salaires de misère. Pour faire face aux pertes humaines de la Grande Guerre, la France mobilisa les habitants des départements français d’Algérie : musulmans, Juifs et Européens. 249 000 Algériens furent mobilisés (73 000 mobilisés dans la population française, et 176 000 dans la population indigène) avec 38 000 à 48 000 des leurs sur les champs de bataille d’Orient et d’Occident durant la Première Guerre mondiale.
Durant la Seconde Guerre mondiale, en Algérie, la conscription engagea 123 000 musulmans Algériens et 93 000 Européens d’Algérie (Pieds-Noirs) dans l’armée française : 2 600 des premiers, et 2 700 des seconds furent tués dans les combats de 1940. En 1942, (appel du général de Gaulle le 8 novembre 1942) et dans le cadre de l’opération Torch (débarquement des anglo-américains à Oran, Alger, Annaba ) de nombreux Algériens furent engagés dans les forces alliées au sein de l’Armée française de la libération et engagés sur les fronts italiens et français. Entre 1942/1943, les effectifs mobilisés en Algérie s’élèvent sur la période à 304 000 Algériens (dont 134 000 «Musulmans», et 170 000 «Européens»). Ils sont engagés en Tunisie de novembre 1942 à mai 1943, en Italie de novembre 1943 à juillet 1944, et enfin en France et en Allemagne d’août 1944 à juin 1945. Nous trouvons Ahmed Ben Bella, Mohammed Boudiaf, Mostefa Ben Boulaid, Krim Belkacem. La guerre d’Indochine (1946-1954) absorbe les cadres militaires et fait combattre les volontaires et soldats de métiers, légionnaires et les troupes coloniales dont 35 000 Maghrébins (Marocains & Algériens) qui comptent pour 1/4 de l’effectif du corps expéditionnaire.
Le 8 mai 1945 alors que la Seconde Guerre mondiale prend fin en Europe, en Algérie, des manifestations nationalistes algériennes sont réprimées par l’armée française à Sétif et Guelma. On dénombre 103 Européens tués, selon la source officielle française 10 000 Algériens et selon la source algérienne 45 000. Suite au «Manifeste du peuple algérien» de Ferhat Abbas en 1943, les élections législatives de 1946 sont un succès pour l’Union démocratique du Manifeste algérien (UDMA). Son parti remporte onze des treize sièges réservés à l’Algérie à l’Assemblée nationale. La loi sur le statut de l’Algérie est promulguée en septembre 1947 : l’Algérie reste composée de trois départements et le pouvoir est représenté par un gouverneur général nommé par le gouvernement français. Une Assemblée algérienne est créée, composée de deux collèges de 60 représentants chacun.
Le premier sera élu par les Européens et une élite algérienne (diplômés, fonctionnaires…) et le second par le reste de la population algérienne. Enfin l’article 2 précise «l’égalité effective est proclamée entre tous les citoyens français». En octobre 1947, le MTLD de Messali Hadj obtient une large victoire lors des élections municipales entraînant la répression des autorités françaises. En 1948 trente-six des 59 candidats du MLTD sont arrêtés. Il est utile de préciser qu’au début du XXe siècle plusieurs leaders algériens revendiquent le droit à l’égalité ou à l’indépendance. Plusieurs partis vont être créés et plusieurs pamphlets seront écrits pour défendre les droits des Algériens.
(A suivre)
Professeur des universités expert international Dr Abderrahmane Mebtoul