La gare ferroviaire et les voyages en train

Lieux chargés d’histoires

Ils rappellent de nombreux souvenirs de voyages inoubliables, de séparations, de retrouvailles et de plus, la gare est aussi un lieu vénéré et chargé d’histoire où de grands hommes se sont rencontrés et ont tissé des liens d’amitié.

Les passionnés de voyages continuent d’adorer la gare ferroviaire pour des perspectives d’évasion qu’elle offre pour des séjours dans un ailleurs enrichissant et de détente. Les voyageurs qui prennent le train vers une destination précise sont généralement heureux de retrouver des paysages qui lui sont chers, sinon de découvrir des espaces inconnus s’il prend un nouvel itinéraire. Et dans tous les cas de figure, celui qui voyage aspire au changement et au plaisir qu’on en tire qui dépend du motif du voyage. Toutes les catégories d’individus se sont intéressés au train et en ont parlé dans une diversité d’écrits : lettres personnelles racontant une aventure vécue dans la joie ou la peur, livres, chansons, faits divers de journaux.

Le train en littérature
C’est quand même extraordinaire que des écrivains de talent se soient intéressés au train comme moyen de locomotion préféré au point de lui consacrer des pages et des pages dans leurs ouvrages en prose ou en vers. Des œuvres narratives au style relevé ont mis en scène des personnages atypiques dans un wagon de train en marche vers une destination déterminante pour la suite d’un récit. La description est faite dans un langage relevé. Guy de Maupassant qui a beaucoup aimé l’Algérie et la Tunisie a parcouru les deux pays et en train, le premier train à vapeur chauffée au charbon ou au bois et qui dégage une épaisse fumée noire tout le long du voyage. La voie ferrée venait d’être crée non pas pour les beaux yeux des Algériens et des Tunisiens mais pour faciliter la vie aux colons appelés à se déplacer souvent par des moyens confortables. Dans son œuvre «Récits de voyage, d’Alger à Tunis», il a parlé de son voyage par le train qui reliait à l’époque l’Algérie à la Tunisie.
Et l’auteur d’admirer le paysage en se concentrant essentiellement sur la nature et sur les vestiges romains, en faisant abstraction des autochtones, des villes et villages à forte population algérienne ou tunisienne alors qu’il a consacré des pages et des pages pour la description des ruines romaines. «La Modification» est un roman de Michel Butor consacré en grande partie au voyage en train, il s’inscrit dans la catégorie «Nouveau roman» qui se caractérise par une technique spécifique consistant en une forme nouvelle : pas de chronologie dans la succession des faits et évènements, le présent et l’avenir s’entremêlent selon l’ordre des pensées humaines, ce qui ne facilite pas la compréhension. Dans «La Modification» il n’y a que trois personnages : le héros, son épouse, une 3e personne. Le héros va de l’une à l’autre en train. L’épouse est à Paris, l’autre personne, un ami se trouve à Rome, le héros fait un va-et- vient continuel dans tout le roman, il arrive à Paris pour y rester quelque temps avec sa femme, après un séjour plus ou moins long, il prend le train pour se rendre chez son ami à Rome, ensuite il revient toujours par train à Paris.
Ainsi une bonne partie du temps du roman se passe dans le train où le héros est assis toujours seul et passe son temps à revivre les souvenirs, à vivre du présent et à faire des projets d’avenir. Ce qui est tout à fait naturel pour quelqu’un qui choisit la solitude et le silence ; il aspire à la méditation dans un coin tranquille comme dans le train Paris-Rome où, toujours assis seul, il donne l’impression de vouloir s’isoler. Tahar Djaout et son camarade algérien, tous les deux, hommes de plume talentueux, ont, au début des années quatre vingt dix, participé, en France, à un colloque sur l’écriture littéraire, et à cette occasion, ils ont eu l’honneur de rencontrer Mohamed Dib qui les a invités à venir manger chez lui, loin de Paris ; il leur donna rendez-vous, pour le lendemain, à la gare ferroviaire de son lieu de résidence. Comme convenu, Djaout et son confrère arrivèrent par train comme prévu à cette gare indiquée et aussitôt ils virent Mohamed Dib au volant d’une Ford en train de les attendre. Ils prirent place à bord de cette voiture pour se diriger vers le domicile du doyen des écrivains qui leur avait promis de leur offrir un repas préparé lui-même, selon les traditions culinaires de Tlemcen.

Bons souvenirs de voyages en train
Que de moments d’attente à la gare sous le prétexte que l’heure du départ est annulée ou décalée et de voyages en train dont les souvenirs encore vifs méritent d’être évoqués tant ils rappellent les meilleurs moments dans la vie de chacun. On éprouve un plaisir immense lorsque le train avance à son rythme normal et sans incident majeur, et que tous les voyageurs font preuve d’humilité et de respect mutuel. Lorsque tout se passe bien, c’est merveilleux et on s’intéresse à ce qui se passe dehors. Une fois, il nous a été donné de voir assez bien une «Ouada» dans la région ouest du pays, c’est quelque chose qu’on n’a pas l’habitude de voir tout le temps, c’était un repas qu’on avait offert aux présents et à tous ceux qui étaient de passage à cet endroit.
Cela s’est passé à l’ombre d’un grand arbre et prés d’un mausolée, on a apprécié parce qu’il s’agit de don dans un moment de convivialité et on aurait voulu voir se multiplier ce moment tant il est favorable au rapprochement des gens de tous horizons et renforce l’esprit de fraternité et d’humanisme manquant beaucoup en ce moment. Lorsque le voyage se passe dans le calme, on observe mieux le paysage ; c’est de cette façon qu’on a pu découvrir en allant vers Annaba, quelque chose qui nous a frappé, à partir de Constantine, des kilomètres, peut-être une centaine de kilomètres d’oliviers sauvages, qui ne produisent parce qu’ils n’ont pas été greffés, c’est là le souvenir d’un voyage effectué il y a de cela vingt ans.

Plus mauvais souvenirs
Il y en a beaucoup plus qu’on le pense. Le souvenir qui revient souvent c’est celui du cailla sage du train. Cela consiste à lancer de grosses pierres à un train dès qu’il passe. La pierre lancée peut atteindre le conducteur qui s’affaisse immédiatement ou un voyageur, peut-être une vieille ou un enfant. Celui qui vise le conducteur sait très bien que c’est le train tout entier qu’il vise, vous savez tous où peut aller le train sans pilote. Pourtant les voyageurs, c’est des pauvres gens, des vieilles femmes, des enfants, des malades venant de loin pour se rendre à l’hôpital. L’autre mauvais souvenir nous a été raconté par quelqu’un qui a frôlé la catastrophe. Il était dans un train qui a échappé à un déraillement. Des individus avaient mis des blocs de pierre de part et d’autre des rails et en passant, le train avait eu du mal à continuer, il avait même fait un zigzag avec un grand bruit, tous les voyageurs criaient lorsque grâce à Dieu, il s’est remis sur les rails. Ceux qui avaient voulu provoquer le déraillement était encore là à regarder avant de prendre la fuite. En fait, qui a intérêt à voir dérailler un train ? Et arrêtons là les mauvais souvenirs !
Boumediene Abed