Lorsque la CAN s’éloigne de ses fans

Report de l’édition de 2021

Peut-il y avoir une Coupe d’Afrique des nations en janvier 2023 en Côte d’Ivoire, alors qu’il y a une CAN en 2022 et une Coupe du monde fin-2022 au Qatar ?

C’est une question posée par un confrère de RFI au président de la Confédération africaine de football. Sa réponse est «je ne fais pas partie des gestionnaires qui spéculent trop. J’avance puis je prends les décisions qui s’imposent avec mes pairs. […seconde question : ] Lorsqu’on voit toutes les difficultés auxquelles la CAF a fait face, et le fait que la FIFA pousse pour une CAN tous les 4 ans, cette option reste-elle taboue ? Réponse du président «nous faisons ce que les gens veulent, ce que l’Afrique veut. Je suis là en tant que dirigeant africain. Nous, les membres du comité exécutif sommes élus par des associations africaines. […] Est-ce qu’on ne peut pas poser aussi une question : est-ce trop que les enfants africains, si jeunes, reviennent sur leur continent juste pour un mois tous les deux ans ? […] En février 2020, Pierre Rondeau, économiste du sport et consultant pour le groupe RMC Sport, qui s’exprimait dans une interview publiée par RFI jugeait «fragile» deux propositions fortes formulées par Gianni Infantino pour booster la compétitivité du football africain. «En multipliant par quatre ou par six les revenus de la CAN en l’organisant tous les quatre ans, et faire bâtir des infrastructures (stades, en tête) dans chacun des pays du continent via 1 milliard de dollars».
Le gendarme mondial du football, lors du séminaire sur le développement des compétitions et des infrastructures en Afrique tenu au Maroc, est allé sur un constat sans concession pour lui «une profonde refonte du football africain, avec notamment une Coupe d’Afrique des nations tous les quatre ans s’imposerait. Ça ne m’intéresse pas de développer le football en Afrique. Ce que je veux, c’est projeter le football africain dans l’élite mondiale, ça fait 50 ans, 40 ans, 30 ans, qu’on parle de son développement». Il s’agirait pour lui de faire passer le football africain d’une situation difficile au nombril du monde. Et pour faire passer son projet qui est important à ses yeux, il expliquera que «la CAN génère vingt fois moins que l’Euro. Avoir une CAN tous les deux ans, est-ce bien sur le plan commercial ? Cela a-t-il permis de développer les infrastructures ?». Le message glisse intelligemment «pensez à l’organiser tous les quatre ans».
Et voilà le cœur de son message destiné aux 54 représentants de l’Afrique du Sport. La réaction ne s’est pas faite attendre : Samuel Eto’o a un point de vue bien tranché. «Est-ce l’intérêt des Africains d’organiser une CAN tous les quatre ans ? Je crois que c’est plutôt celui des Européens. Ils veulent avoir à disposition les Mohamed Salah, Sadio Mané ou Pierre-Emerick Aubameyang», avance Samuel Eto’o. «La Fifa défend l’intérêt des clubs européens», insiste l’ancien international qui aura en retour cette déclaration de Gianni «notre objectif doit être de placer le projet football africain au centre du monde. Depuis des années, nous parlons du développement du football africain. Pelé a dit un jour qu’une équipe africaine finirait par remporter la Coupe du monde de la FIFA». Pourtant, sa prédiction ne s’est pas encore réalisée et tout indique qu’il reste du chemin à parcourir. Aujourd’hui, le moment est venu d’avancer dans la bonne direction. L’Algérien Adlène Guedioura champion d’Afrique 2019, donne son avis sur la BBC «je sais que la CAN est importante, et c’est bien pour les pays de l’organiser, mais je pense que la prochaine devrait être annulée ou reportée». Mohamed El Sherei, l’ancien directeur financier de la CAF, licencié en juillet 2019, affirme «si la CAN a lieu tous les quatre ans, la CAF déjà détruite va être un cadavre.
La CAF peut-elle soutenir ses dépenses en l’état actuel avec une CAN tous les quatre ans ? Ses réserves financières réelles montent en fait à 50 ou 55 millions dollars. De mon point de vue, c’est impossible». Pour Pierre Rondeau, l’économiste du sport «la CAN, c’est 45 à 50 millions de dollars sur une édition alors que l’Euro 2016 en France […], c’est 1,93 milliard d’euros de chiffre d’affaires pour l’UEFA. Cela autorise à se dire que, oui, une CAN tous les quatre ans, pourrait s’attendre à ce qu’il y ait une augmentation assez importante des revenus et du chiffre d’affaires». Mais organiser la CAN tous les quatre ans au lieu de tous les deux ans pour multiplier par quatre ou par six les revenus, paraît assez fragile et assez faible comme argumentation. Il faudrait chercher une autre argumentation, plus forte et plus convaincante, réagissent les internationaux africains.
Un autre argument est vite versé à cette brochette de motifs, «à savoir la FIFA et la CAF entendent mettre au point une proposition qui mobilisera 1 milliard d’USD pour la construction d’au moins un stade de grande qualité dans chacune des 54 associations membres de la FIFA et de la CAF», a ajouté Gianni Infantino. Enfin, la réaction de l’ex-international camerounais Patrick MBoma «si la compétition est maintenue, quand est-ce qu’auront lieu les éliminatoires pour cette Coupe du monde en zone Afrique ? Je trouve cela difficile d’avancer certaines choses aujourd’hui. Il va falloir une programmation bien précise, et je ne vois pas comment on peut être précis aujourd’hui, avec la pandémie. Dire que la CAN se jouera bien en 2023, c’est avoir une boule de cristal. Or moi, je n’en ai pas. Personnellement, je ne suis convaincu de rien, même de cette Coupe du monde à la fin de l’année 2022. On est au milieu de l’année 2020 et on ne maîtrise pas la situation des prochains mois».
H. Hichem