Le couscous par lui-même

Traditions culinaires

A l’image des spaghettis, plat mondialement connu, bien qu’ils soient venus de la Chine lointaine, le couscous a acquis lui aussi une renommée inégalable dans l’ensemble des continents, à la faveur de ses multiples saveurs et accommodements.

C’est pourquoi nous avons décidé de le faire parler pour nous permettre d’en savoir plus sur sa longue histoire.

Des origines à nos jours
Je suis d’origine méditerranéenne et sûrement maghrébine où j’ai répondu, depuis la nuit des temps, aux besoins en nourriture, surtout dans les classes sociales les plus défavorisées. On dit de moi que je dois remonter à trois mille ans en arrière, lorsqu’on a cultivé pour la première fois le blé en Egypte. Mais, avant que le blé n’ait été répandu, j’ai été roulé avec de la semoule d’orge souvent associée à celle des glands, pendant des périodes de disette et les guerres. Le mélange fut reconnu comme difficile à travailler, mais il fallait faire face aux besoins en nourriture des familles nombreuses et pauvres. Les anciens racontent, parce qu’ils l’ont appris de la bouche de leurs grands-parents, qu’on faisait avec des glands produits en abondance en zone montagneuse, des galettes, ainsi qu’une boisson noire obtenue à partir des glands grillés puis moulus, qu’on buvait à la place du café, après l’avoir préparée selon le procédé de la cafetière.
De l’Afrique du Nord que beaucoup d’historiens considèrent comme mon lieu de naissance, des conquérants venus de partout m’ont fait connaître dans bien d’autres pays. C’est pourquoi on me trouve aujourd’hui sur tout le pourtour méditerranéen où de nombreux pays se disputent ma paternité. C’est par exemple, les Phéniciens grâce à qui nous avons connu l’abondance d’huile, à partir du jour où ils ont introduit la greffe de l’olivier en Afrique du Nord, et qui m’appréciaient fortement au point de faire croire que je suis originaire de Tyr. Et pour eux couscous rime bien avec huile d’olive, sa compagne depuis la nuit des temps.

Une expansion des activités artisanales, pour apprêter la semoule
Il y eut d’abord les moulins à bras, puis à eau et à vent, montes rudimentairement à partir de deux meules associées pour écraser entre elles les grains de céréales et les réduire en poudre. Ce fut une belle invention étant donné son utilité, réduire en semoule une quantité appréciable d’orge, de blé. Avant que ces moulins n’aient vu le jour, les gens utilisaient des pierres lisses pour le même travail, sinon des pilons dans les mortiers. Mais que de temps ils passaient pour avoir de quoi se nourrir au quotidien ! Le moulin à eau fut pour eux une belle délivrance. Ces moulins à eau fonctionnaient sans cesse au bord de l’oued El Harrach, d’après un livre d’histoire ! Ensuite on a vu apparaître des artisans en tamis dont les fils furent d’origine animale. On coupait des fils très fins de peaux bien tannées de chèvres ou de moutons. Quelle tâche délicate exigeant beaucoup de patience et de dextérité que celle qui consistait à tisser ces fils sur un support en bois pour obtenu des tamis de différents calibres et pouvant séparer la semoule du son. Et que de plats en bois, de diamètre variable pour me rouler, des bouches et des cuillers du même bois ; les ustensiles métalliques n’étaient pas connus.
Les artisans de ces temps anciens taillaient dans un bois spécial tous les ustensiles nécessaires à ma préparation et à ma consommation, le bois du frêne d’un âge avancée mais intact. Pour ce faire, ils utilisaient le tour à pédale de fabrication locale. Nos anciens l’avaient inventé non pas seulement pour eux-mêmes, mais pour des dizaines de générations qui leur ont succédé en s’ingéniant au fil du temps à améliorer la qualité et la quantité dans cette production artisanale. Aujourd’hui, avec le métal, la porcelaine, certains font la comparaison avec les plats anciens qu’on dit lourds mais qui d’un point de vue hygiène et goût rendent les aliments meilleurs. N’oublions pas qu’on me fait cuire à la vapeur dans un couscoussier posé sur une marmite d’eau en ébullition. A l’origine, ces deux ustensiles en terre devaient sortir des mains d’un artisan potier. Des siècles, voire des millénaires plus tard, avec le progrès technique, le marché a été envahi par les produits industriels dont des ustensiles de cuisine en métal, de la marmite à la plus petite cuiller, en passant par les plats, les écuelles.

Ce dont on se souvient surtout
En tant que doyen des plats, je suis resté à la 1re place des plats cuisinés chez nous. C’est quand même un record. On m’a toujours adoré et dans tous mes états : seul, mangé accompagné de fruits, de miel, de sucre, de légumes comme mesfouf. Un étudiant en produits alimentaires m’a trouvé dans plus de quarante recettes de cuisine, dont la plus courante est celle appelée «Couscous garni». Et l’histoire continue en tant que symbole, témoin de tous les temps.
Abed Boumediene