Redynamiser la Cour des comptes et les institutions stratégiques en berne

Priorités du président de la République Abdelmadjid Tebboune pour relancer l’économie nationale

Le président de la République a consacré une réunion le 7 juillet 2020 pour relancer l’économie nationale dont l’impact de l’épidémie du coronavirus touche tous les pays et pas seulement l’Algérie.

Force est de reconnaître qu’en ce mois de juillet 2020, Sonatrach, c’est l’Algérie et l’Algérie c’est Sonatrach (plus de 98% directement et indirectement des recettes en devises) et que l’Algérie a une économie encore de nature publique avec une gestion administrée, renvoyant à l’urgence de profondes réformes structurelles. L’Algérie possède des institutions qu’il s’agit de dynamiser dans la transparence, condition pour un développement durable. Au moment où le président de la République entend lutter contre les malversations et moraliser la société condition sine qua du retour à la confiance et de la croissance, cette présente contribution s’appesantit sur une institution stratégique dans tous les pays du monde développés et émergents, au dessus de toutes les autres institutions de contrôle, la Cour des comptes, consacrée par la Constitution algérienne qui doit contribuer au développement de la bonne gouvernance et de la transparence dans la gestion des finances publiques. Mais hélas d’autres institutions sont encore en léthargie, pas seulement la Cour des comptes, comme le Conseil économique et social, le Conseil de la concurrence et le Conseil national de l’Energie, seul habilité à tracer la politique énergétique du pays, qui devrait être consacrée par la nouvelle Constitution.

1.-La Cour des comptes, une institution stratégique

La Cour des comptes est régie par l’ordonnance numéro 95-20 du 17 juillet 1995 relative modifiée par l’ordonnance 10-02 du 26 août 2010 qui la charge du contrôle a posteriori des finances de l’Etat, des collectivités territoriales, des services publics, ainsi que des capitaux marchands de l’Etat. La Cour des comptes établit un rapport annuel qu’elle adresse au président de la République, au président du Conseil de la Nation, au président de l’Assemblée populaire nationale et au Premier ministre. La loi détermine les attributions, l’organisation et le fonctionnement de la Cour des comptes et la sanction de ses investigations, ainsi que ses relations avec les autres structures de l’Etat chargées du contrôle et de l’inspection. Institution supérieure du contrôle a posteriori des finances de l’Etat, institution à compétence administrative et juridictionnelle, la Cour des comptes assiste le gouvernement et les deux Chambres législatives (APN-Sénat) dans l’exécution des lois de finances, pouvant être saisie par le président de la République, le chef du gouvernement (actuellement le Premier ministre) ou tout président de groupe parlementaire pour étudier des dossiers d’importance nationale. Il est stipulé que la Cour des comptes exerce un contrôle sur la gestion des sociétés, entreprises et organismes, quel que soit leur statut juridique, dans lesquels l’Etat, les collectivités locales, les établissements, les entreprises ou autres organismes publics détiennent, conjointement ou séparément, une participation majoritaire au capital ou un pouvoir prépondérant de décision». Ainsi, la Cour des comptes s’assurera de l’existence, de la pertinence et de l’effectivité des mécanismes et procédures de contrôle et d’audit interne, chargés de garantir la régularité de la gestion des ressources, la protection du patrimoine et des intérêts de l’entreprise, ainsi que la traçabilité des opérations financières, comptables et patrimoniales réalisées. L’ordonnance de 2010 prévoit le pouvoir de consultation de la Cour des comptes dans l’élaboration des avant-projets annuels de loi de règlement budgétaire et cette révision confère au président de la République l’attribution de saisir la Cour des comptes pour tout dossier d’importance nationale dont, en premier lieu, le renforcement de la prévention et de la lutte contre les diverses formes de fraude, de pratiques illégales ou illicites, portant atteinte au patrimoine et aux deniers publics. Dans un rapport publié en octobre 2013 par l’UE, les pairs encouragent la Cour des comptes algérienne à résoudre certains problèmes identifiés lors de la revue, notamment, la longueur des procédures et des délais relatifs à certaines prises de décision ; la couverture limitée des contrôles ; le manque de standardisation des méthodes de travail ; la non publication et la diffusion restreinte des rapports de la Cour. Car l’apurement des comptes des comptables publics est un acte juridictionnel portant sur l’exactitude matérielle des opérations de recettes et de dépenses portées au compte du comptable public ainsi que leur conformité avec les lois et règlements en vigueur, la reddition des comptes, tout comptable public est tenu de déposer son compte de gestion au greffe de la Cour des comptes en conservant les pièces justificatives qu’il doit mettre à la disposition de l’institution. Les ordonnateurs des organismes publics sont également tenus de déposer leurs comptes administratifs dans les mêmes formes, le contrôle de la discipline budgétaire et financière s’assure du respect des règles de discipline budgétaire et financière et prononce des amendes à l’encontre des responsables ou agents des institutions, établissements ou organismes publics ayant commis une faute ou irrégularité préjudiciable au Trésor public ou à un organisme public. Selon les normes internationales, qui devraient s’appliquer en Algérie, le contrôle de la qualité de gestion a pour finalité d’apprécier les conditions d’utilisation et de gestion des fonds et valeurs gérés par les services de l’Etat, les établissements et organismes publics et enfin l’évaluation des projets, programmes et politiques publiques, la Cour des comptes participant à l’évaluation, au plan économique et financier, de l’efficacité des actions, plans, programmes et mesures initiées par les pouvoirs publics en vue de la réalisation d’objectifs d’intérêt national et engagés directement ou indirectement par les institutions de l’Etat ou des organismes publics soumis à son contrôle.

2.Le véritable contrôle passe par la démocratisation et l’implication de la société civile

Le contrôle de la Cour des comptes ou de tout autre organisme technique n’est pas une condition suffisante pour avoir un contrôle efficace. Le véritable contrôle passe des contrepoids politiques et sociaux avec l’implication de la société civile, en fait à la démocratisation de la société. Car ce n’est pas une question de lois ou de textes juridiques mais la volonté politique de luter contre la corruption et la mauvaise gestion. Les textes existent mais existe un divorce avec la pratique, devant uniformiser l’action des institutions de contrôle tant politiques que techniques pour avoir une efficacité globale. L’on devra éviter de verser dans les règlements de comptes, posant d’ailleurs d’une manière objective le problème de la dépénalisation des actes de gestion si l’on ne veut pas bloquer l’initiative des managers qui parfois doivent prendre des décisions au temps réel. Aussi, la problématique posée de l’efficacité de la Cour des comptes et d’une manière générale, toutes les institutions de contrôle, y compris celles des services de sécurité est fonction d’une gouvernance globale rénovée. Si l’on veut lutter contre les surfacturations, les transferts illégaux de capitaux, rendre le contrôle plus efficient, il y a urgence de revoir le système d’information qui s’est totalement écroulé, posant la problématique d’ailleurs de la transparence des comptes, y compris dans une grande société comme Sonatrach. Deux exemples que j’ai vécus. Ayant eu l’occasion de visiter ces structures au niveau international et de diriger en Algérie par le passé (pendant la présidence du feu docteur Amir ex-secrétaire général de la présidence de la République entre 1980/1983), quatre importants audits, celui du contrôle des ambassades, sur les surestaries au niveau des ports et sur l’efficacité des programmes de construction de logements et d’infrastructures des wilayas, en relations avec le ministère de l’Intérieur, et celui de l’Habitat assisté des walis, j’ai pu constater bon nombre de faiblesses dans la gestion avec des surcouts parfois exorbitants. Plus proche de nous, ayant eu à diriger un audit financier avec l’ensemble des cadres de Sonatrach et d’experts nationaux, entre 2003/2004, sur cette société, il nous a été impossible de cerner avec exactitude la structure des coûts de Hassi R’mel et Hassi Messaoud tant du baril du pétrole que le MBTU du gaz arrivé aux ports, la consolidation et les comptes de transfert de Sonatrach faussant la visibilité. Sans une information interne fiable, tout contrôle externe est difficile et dans ce cas la mission de la Cour des comptes serait biaisée. Dans les administrations, disons que c’est presque impossible, du fait que leurs méthodes de gestion relèvent de méthodes du début des années 1960 ignorant les principes élémentaires de la rationalisation des choix budgétaires. Aussi, l’essentiel est une application efficace sur le terrain, au moment où entre 2020/2025 les ajustements économiques et sociaux seront douloureux avec la chute des recettes des hydrocarbures, supposant un sacrifice partagé, posant la problématique de la moralisation de la vie politique et économique de toute la société, réhabilitant le travail et l’intelligence, sans laquelle aucun développement à terme ne peut se réaliser. Concernant les responsabilités, il y a lieu de tenir compte que l’Algérie est toujours en transition depuis 1986 ni économie de marché, ni économie planifiée. C’est cette interminable transition qui explique les difficultés de régulation, posant d’ailleurs la problématique de la responsabilité du manager de l’entreprise publique en cas d’interférences ministérielles donc du politique où la loi sur l’autonomie des entreprises publiques de 1990 n’a jamais été appliquée.

(A suivre) A. M.