Les Tombéza de la santé

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Il y a encore des Algériens qui sont convaincus que notre système hospitalier est performant. Pourtant, il existe des pays aux moyens inférieurs aux nôtres, qui ne brandissent pas leurs bouteilles d’oxygène désespérément vides pour nous convaincre du contraire… Ces nations ne progressent pas à coups de slogans lénifiants qui cachent une véritable saignée sous prétexte de favoriser une politique de l’importation du médicament au lieu d’une médecine de la promotion de l’hygiène de la vie. Il se trouve également encore des Algériens qui répètent le poncif néocolonial d’un peuple indiscipliné par nature. Ils oublient qu’il a été fait une guerre contre les classes populaires pendant quarante ans, que le ministère de l’Intérieur empêchait toute expression de prendre forme, ne serait-ce que caritative ; que ses autorisations relevaient de l’interdiction d’une quelconque organisation autonome vis-à-vis de l’autorité sécuritaire jusqu’aux scouts musulmans assimilés à une association séditieuse ! Ce sont ces mêmes puissances politiques qui se cachent opportunément derrière les nécessités de l’ordre public qui refusent obstinément de voir les forces vives de la société jouer leur rôle d’éducateur populaire. Elles viennent aujourd’hui nous administrer des leçons de morale sur le supposé caractère individualiste du peuple algérien, en démonstration renforcée de leurs manipulations. Comme ces vidéos douteuses filmant un cadavre jeté à terre (alors que des lits sont inexplicablement vides), nous rappelant furieusement les mises en scènes de Timisoara en Roumanie en 1989 qui ont précipité la chute du régime communiste de Nicolae Ceausescu. Ces Tombéza de l’escroquerie, ces professeurs en AMM (Autorisation de Mise sur le Marché) faisant la promotion de leurs intérêts et des groupes pharmaceutiques mondialisés désignent des coupables auxquels on reproche en filigrane le transfert des dépouilles de nos chefs populaires. Scanner politique d’une société malade à 90% des turpitudes de ses élites professorales vénales, planquées au sein du grand Cabinet de l’insalubrité morale qui gouverne réellement l’Algérie…

Commençons d’abord par rendre un hommage appuyé au docteur Djamal Fourar qui, chaque soir, prend grand soin de nous expliquer que les décès liés au Covid-19 sont associés pour moitié à des pathologies dites «chroniques», à savoir le diabète et les maladies cardio-vasculaires. Pour faire court, le sucre et l’huile aux mains des puissances locales de la rente, et le tabac entre celles des forces lointaines de la corruption ayant un siège social à Abu Dhabi, tuent autant que la pandémie. Le peuple algérien était donc gravement malade bien avant que Covid-19 ne vienne rappeler aux hommes que l’on n’empiète pas à ce point sur la nature en déforestations, en pollutions des mers et des airs, en disparitions d’espèces végétales et animales sans en payer en retour le prix fort. L’Algérien, l’un des plus grands consommateurs de sucre au monde rapporté par habitant, champion des fritures de tous types, spécialiste du tabac à fumer et à chiquer, autant de produits mis à disposition des bourses les plus modestes par de généreuses subventions, dont on peut légitimement se demander comme dans une véritable enquête criminelle, à qui elles profitent en dernier ressort ? Il faut relire «Tombéza» de Rachid Mimouni, pour mieux mesurer les conséquences dévastatrices de la déliquescence de la probité et de la morale, sous les coups de boutoir des puissances de l’argent alors que le héros de ce roman s’enrichit des trafics en milieu hospitalier en autant de renoncements à son humanité. Les Tombéza diplômés sont parmi nous. Car, contrairement au personnage du roman du regretté Rachid Mimouni, ces professeurs se pressant dans les étages supérieurs du ministère de la Santé… et des populations oubliées, ont bénéficié d’une éducation supérieure qui leur permet d’entretenir des correspondances suivies intéressées avec les groupes pharmaceutiques internationalisés. Leurs talents se déploient en moins grande efficience dès lors qu’il s’agit d’organiser une administration numérique des médicaments, des matériels sans même parler des malades, à tel point, que nous les vîmes confus de «découvrir» une application de suivi de la pandémie, proposée par un jeune ingénieur algérien fier de son kamis et de ses belles prédispositions morales. Tout était dit. Le reste n’est que l’organisation d’enfumages qui ne trompent désormais que ceux qui le veulent bien et qui refusent de croire que l’ex-directoire de la Pharmacie centrale, pourtant en uniforme costume cravate imposé par la rigueur de la culture managériale trompeuse, se trouve aujourd’hui en prison. A ce point de notre réflexion, pour que personne ne joue sur des amalgames perfides, nous souhaitons rendre un vif hommage à l’ensemble des médecins et des personnels paramédicaux, déployés sur le terrain de la lutte contre le Covid-19, aussi bien dans le secteur privé que public, constituant la première et dernière barrière à l’effondrement possible de notre système sanitaire. Gloire à leur résilience morale et professionnelle que personne ne pourra confondre ici, avec ceux qui sont douteusement en charge de notre système sanitaire à l’aune de leurs comptes bancaires suisses superbement garnis par la négociation pécuniaire des AMM.

La santé, malade de ses médicaments
Ces autorisations de mise sur le marché des médicaments de l’importation et la prolongation sonnante et trébuchante de licences de «fabrication» de médicaments, copies appliquées au secteur pharmaceutique de ce qui existait dans le secteur automobile, constituent le cœur du problème. Ce SKD/CKD du médicament a pour objectif de détourner les avantages fiscaux y afférents… et dont on n’a pas vu «les patrons» défiler devant les tribunaux en dépit du fait que seuls les emballages sont «made in Algeria». Nous proposons, afin de mettre fin à cette faillite sans nom, de généraliser immédiatement à toutes les nomenclatures du médicament, les molécules génériques et cela en passant par un simple enregistrement au ministère de la Santé sans interférence possible de l’administration d’avec le promoteur qui souhaiterait la développer dans le pays. De même qu’il est grand temps de soumettre au régime strict de la dérogation, sur proposition d’un comité ad hoc plurisectoriel rattaché au Premier ministère, les médicaments princeps à restreindre drastiquement à moins qu’ils ne soient fabriqués localement. Enfin, nous sommes partisans de l’interdiction de l’importation des médicaments dits de confort, sous formes de comprimés effervescents et de vaporescences de nos devises. Nous évacuerons ainsi une première partie des milieux de la compromission qui monopolisent les hôpitaux comme d’autres en synergies d’interpénétrations coupables trustent l’industrie agro-alimentaire en organisations sournoises de procès aux relents politiques comme seuls certains médias qui leurs sont directement affidés savent le faire. La séquence exceptionnelle du retour des dépouilles de nos chefs d’antan a hautement indisposé ceux qui depuis longtemps ont déclaré la guerre aux Algériens dans le but de les détrousser de leurs richesses mémorielles et… matérielles. Symboliquement, ces partisans de leurs intérêts étroits cherchent à dépouiller les bénéfices politiques qu’a pu en retirer la restauration du crédit de la puissance publique en leur substituant d’autres cadavres qu’ils n’hésitent pas à exhiber sur les réseaux sociaux tant ils se sentent peu concernés par le respect dû à nos morts. Ces techniques de la subversion ont enfanté un renversement de régime en Roumanie lors de la destitution du chef de l’Etat Nicolae Ceausescu en 1989. C’est désormais un cas d’école qui est enseigné jusque dans les écoles de journalisme. Est-il dès lors étonnant que la désinformation aux buts inavoués, émane de titres de la presse qui n’ont jamais fait d’enquêtes sur les méfaits du sucre et de l’huile sur la santé de nos populations et dont il n’est jamais venu à l’idée de mesurer l’impact financier des effets de leurs productions distordues sur le système sanitaire ? Ce sont ces mêmes milieux du mélange permanent, de leurs prébendes industrielles et de la politique, qui, sous couvert de liberté d’opinion brandie en slogan de leurs étendards idéologiques, cherchent à se présenter au peuple en défenseurs de ses intérêts. Dans cette période trouble de transition politique et de crise économique où chaque dollar compte, pourquoi ne pas adopter des législations fiscalement intelligentes, comme ce qui fut proposé en Grande-Bretagne (nous sommes loin d’un pays du Goulag) de taxer les boissons gazeuses au-delà d’un certain taux de sucre par litre de soda ? Nous ferions doublement œuvre utile. Nous rendrions service à nos concitoyens en les sevrant d’un véritable poison alimentaire tout en réduisant les coûts de ses méfaits sur le système de santé au vu de la proportion anormalement élevée de diabétiques dans le pays.

Accélérer la réforme sanitaire
Nous pourrons ainsi en transférer les recettes fiscales collectées au secteur de la santé afin de compenser les dégâts colossaux que ces aliments de la misère provoquent. En même temps que de très larges campagnes contre le Covid-19, le ministère de la Santé serait formidablement inspiré s’il organisait concomitamment de puissants messages en direction d’un très large public sur les dommages que provoque la consommation excessive du sucre, d’huile et de tabac jusqu’aux développements explosifs des cancers. En matière de lutte efficiente contre le Covid-19, il n’y a pas de mauvais citoyens. Il n’y a que de mauvais systèmes de santé incapables de répondre aux besoins de base de la population sans même parler d’organiser une stratégie de lutte contre les pandémies dont on voit bien aujourd’hui toutes les limites dans notre pays. Nous n’en voulant bien évidemment pas au Professeur Benbouzid, l’actuel ministre de la Santé qui tente de se battre sur tous les fronts et encore moins au comité scientifique qui s’attelle du mieux qu’il peut à organiser ce qui doit l’être. Mais force est de constater que les expériences cubaines, indiennes et chinoises sont bien mieux conformes à la structure de nos maladies et des pandémies à venir que le modèle français, certes hautement qualitatif, mais particulièrement coûteux et qui ne peut s’envisager sans une intégration nationale de l’ensemble des intervenants au sein d’un système sanitaire. Nous n’en n’avons pas les moyens, ni les ressources humaines et encore moins technologiques. Aussi, la question à laquelle il faut répondre sine die est la suivante : doit-on poursuivre sur la voie d’un modèle qui échoue lamentablement ou chercherons-nous à nous inspirer d’expériences qui ont bien mieux réussi que la nôtre ? Il y a certainement des leçons à tirer du développement de l’industrie pharmaceutique en Inde sur la base des molécules génériques qui suffisent à répondre à 95% des besoins en médicaments de la population, pour mieux acquérir les quelques molécules princeps indispensables à une couverture sanitaire universelle. De même, il y a des choses à reproduire dans leur système de distribution, qui délivre au nombre de cachets près, la posologie strictement nécessaire au combat des maladies. L’enseignement de la médecine à Cuba et l’orientation intelligente de sa recherche et développement à partir des molécules génériques pourraient être sources de très grandes réformes. L’industrie antibiotique en maîtrise de matières premières et procédés de fermentation divers et variés, peut faire l’objet d’une très fructueuse coopération avec la Chine. Nous ne sommes pas sans partenaires internationaux qui, chacun à sa manière, peut nous permettre, petit à petit, de bâtir un hôpital algérien, de taille moyenne, à même de répondre au plus près de nos populations à ses besoins sanitaires et à des coûts maîtrisés. Les experts ont estimé les transferts frauduleux de Tahkout à l’étranger à un milliard de dollars soit 20 hôpitaux et… 5.000 lits. C’est dire combien notre Etat, pris dans les filets de la corruption, a mis en danger sanitaire ses populations. Ce sont ces mêmes forces de l’argent qui cherchent à jeter le doute et l’opprobre sur toute action de souveraineté sur notre santé. Pour y répondre, il est nécessaire d’amorcer immédiatement la nouvelle politique sanitaire. Ce serait la meilleure des réponses à donner à tous les Tombéza d’Algérie et d’ailleurs, véritables fossoyeurs de la santé publique.
Brazi