«L’efficience économique contribue à l’unité nationale par la cohésion sociale»

La régionalisation économique renforce le rôle de l’Etat régulateur

Au moment où les plus hautes autorités du pays s’orientent vers la révision de la Constitution et parle de «refonte de l’Etat» pour un développement plus équilibré et solidaire, comme j’ai eu à le rappeler dans différentes contributions nationales et internationales, largement diffusées entre 2007/2019 afin de rapprocher l’Etat du citoyen, il y a urgence pour nos gouvernants de comprendre le fonctionnement de la société loin des bureaux climatisés et donc sans tabou, d’aller vers la régionalisation économique à ne pas confondre avec l’avatar dangereux du régionalisme.

Avec l’impact de la crise mondiale actuelle, il faudra être réaliste et pragmatique et dans le cadre d’une vision stratégique, d’analyser l’impact de la baisse du taux de croissance dans le monde avec un impact sur l’Algérie tributaire avec les dérivées à 98% de ses recettes en devises des hydrocarbures, sur le taux de chômage qui s’ajoute aux taux officiel au 31/12/2019, en distinguant les emplois dans les segments productifs, et les emplois rente improductifs. Cette situation n’est pas propre à l’Algérie, la crise touchant tous les pays sans exception. L’Organisation internationale du travail, dans son rapport de mai 2020, prévoit un accroissement important des inégalités tant mondial qu’à l’intérieur des Etats, et du taux de chômage, avec la dominance de l’informel, ne bénéficiant pas de protection sociale, en Asie, Amérique latine, 80% dans certains pays d’Afrique, environ 50% au Maghreb. Contribution du professeur Abderrahmane Mebtoul 4e Think Tal mondial Institut Français des Relations Internationales – Paris IFRI – (IFRI 28 pages 3 décembre 2013 et revue «Stratégie» de l’Institut militaire de documentation et de prospective ministère de la Défense nationale – MDN/IMDEP octobre 2019, «La problématique de la sphère informelle au Maghreb et son intégration à la sphère réelle». Le rapport de l’OCDE de juin 2020 qui met en relief que pour la baisse d’un point de taux de croissance, en moyenne annuelle, le taux de chômage s’accroît d’environ de 350 000 personnes, les femmes étant les plus vulnérables.
L’OCDE distingue les personnes non formées qui sont touchées de plein fouet, des personnes moyennement formées et hautement qualifiées qui peuvent selon les segments trouver du travail mais souvent en temps partiel et pas toujours en adéquation avec le profil de la formation et avec des rémunérations inférieures à leurs prédécesseurs. Si l’on prend les données pour 2019, le taux de croissance moyen étant de 2% en Algérie et celles la Banque mondiale du 8 juin 2020 – moins 6,4% (recul 8,4%) et celles de la Banque africaine de développement du début juillet 2020 – scénario pessimiste moins de -5,4% et modéré -4,4%, en prenant une moyenne de 5% (recul de 7%), nous aurons un stock additionnel de chômeurs pour 2020, selon la Banque mondiale de 2 940 000 et pour la BAD de 2 450 000. Des actions qui doivent être prises en compte dans le plan de relance en étant conscient que l’Algérie terminera avec moins de 40 milliards de dollars de réserves de change et que le taux d’intégration entreprises publiques et privées ne dépasse pas 15% en 2020, peuvent être menées pour réduire de moitié au moins ce flux de chômeurs en Algérie impliquant des actions urgentes de mise en place de nouveaux mécanismes de régulation économique et sociale, avec le ciblage des catégories socio professionnelles défavorisées, ainsi que le soutien aux entreprises qui s’adapteront aux nouvelles mutations donc concurrentielles avec la nouvelle trajectoire mondiale, fondée sur la transition numérique et énergétique.
Mais non les entreprises structurellement déficitaires qui seront appelées forcément à disparaître dont les aides s’assimileraient à des subventions déguisées reportant les véritables solutions dans le temps. En résumé, la pleine réussite d’une réelle décentralisation autour de quatre à six grands pôles régionaux, Est, Centre, Ouest, Sud-est, Sud-ouest, Grand Sud, processus complexe éminemment politique implique de poser la problématique du rôle de l’Etat et son articulation avec le marché dans la future stratégie socio- économique, ce qui renvoie au mode de gouvernance tant local, national, qu’international afin de favoriser une société plus participative et citoyenne (voir ouvrage collectif sous la direction du Pr Abderrahmane Mebtoul Casbah Editions Alger deux volume 500 pages 2015 «Les défis de l’Algérie démocratie et développement» où un long chapitre a été consacré à la réforme de l’Etat via la décentralisation). Il s’agit de procéder à une autre organisation institutionnelle, qui ne sera efficace que sous réserve d’objectifs précis, loin du juridisme étroit, ayant eu depuis l’indépendance les meilleures lois du monde mais rarement appliquées. Une nation ne pouvant distribuer plus que celle qu’elle produit quitte à accélérer la dérive économique et sociale.
Ainsi est posée la problématique du remboursement à terme de cet endettement massif tant public et la dette privée beaucoup plus importante, qu’il faudra bien rembourser un jour, étant un poids que supporteront les générations futures. Et ce malgré que dans bon nombre de pays, l’épargne oisive étant importante mais faute de confiance, la crise accélérant cette psychose, ne se recycle pas dans le circuit productif. Un plan de relance crédible passe nécessairement par une vision stratégique horizon 2020/2030, les tactiques pour paraphraser les militaires devant se mouler au sein d‘une fonction stratégique datée (moyens/objectifs datés), une approche basée sur une identification claire des missions et responsabilités et une restructuration des fonctions et des services chargés de la conduite toutes les activités politiques, administratives, financières, techniques et économiques. Cette organisation institutionnelle implique d’avoir une autre organisation tant des ministères que des wilayas, évitant les micros institutions, l’éparpillement des décisions ne devant jamais assimiler décentralisation et déconcentration néfaste, cette dernière, en cas de tensions budgétaires, rejetant les problèmes qui ne peuvent pas être résolus au niveau central sur le local, souvent sans moyens et autonomie de décisions.
(Suite et fin)
Professeur des universités, expert international Dr Abderrahmane Mebtoul