Notre plus cruel tyran

Le temps

«Chaque jour qui passe est un pas de plus vers la tombe», a dit un détenteur de la sagesse populaire. Le temps fait partie de notre réalité, on le vit bien, intensément ou médiocrement. C’est une question de gestion à bon escient et judicieuse du temps. Ce qui s’explique par la différence de bilan entre les uns et les autres après une durée de vie. Les gens, actifs de nature, évoluent très vite financièrement ou culturellement, d’autres stagnants malgré eux n’ont rien parce qu’ils ont été incapables de réaliser des progrès ou d’acquérir des connaissances ou des biens. C’est une question de conscience lorsque les uns pensent à l’avenir proche ou lointain, alors que d’autres font du temps qui passe la dernière de leurs préoccupations. Si le sens du mot est évident, sa définition reste néanmoins difficile. En réalité, même le sens du mot est variable, étant donné sa polysémie :

«Le temps c’est de l’argent», «travailler un certain temps», ces deux expressions donnent du temps une différence d’ordre sémantique indiscutable. On peut aller jusqu’à l’infini pour apporter la preuve du grand nombre d’acceptions que peut avoir ce mot en fonction des contextes d’emploi. Pour avoir la notion du temps vécu ou à vivre, l’homme a inventé des mesures, appellations d’unités de temps comme l’heure, la minute, la seconde, le jour, le mois et il y a des milliers d’indicateurs temporels comme laps de temps, éternité etc. N’y a-t-il pas une allusion au temps dans les mots : la saison, le vieillissement, la jeunesse, l’enfance, la mémoire d’un peuple, un début, une fin, une retraite, la ténacité dans le travail. Beaucoup d’histoires renvoient à l’idée de temps comme par exemple un patrimoine culturel, fruit d’une accumulation de connaissances et de savoir qu’un peuple hérite de ses prédécesseurs en prenant soin à son tour d’apporter un plus à cette culture des ancêtres dont les plus sages ont marqué leur temps par leurs inventions, découvertes, pensées, réalisations. Les pyramides d’Egypte ont été d’abord conçues par l’esprit inventif avant de devenir des édifices grâce au travail de force des millions d’ouvriers qui ont donné leur temps, celui de leurs plus belles années et leur force pour que cela devienne une réalité palpable. Ibn Khaldoun a consacré une bonne partie de son temps pour reconstituer des millénaires d’histoires des berbères en 1 500 pages et un peu plus, cela dépend des éditions. D’autres œuvres à l’exemple de la Mouqqadima, donnent à voir ce qu’est une civilisation qui a une durée de vie parmi d’autres qui ont précédé ou suivi. C’est un auteur de référence et indiscutablement crédible pour sa méthode scientifique selon laquelle il considère que pour atteindre la vérité en histoire, il faut puiser à plusieurs sources ; c’est universellement vrai. Il a constaté en se fondant sur des faits véridiques que dans toute civilisation, il y a d es créateurs, des continuateurs et des destructeurs. Une civilisation est appelée à disparaître pour être supplantée par une autre. Et il en est ainsi depuis les Sumériens. On dit souvent que dans tel ou tel endroit on trouve des marques de nos origines ou de l’histoire. Normalement, chaque chose a une histoire, des références temporelles qui montrent qu’elle est le résultat d’un processus, le résultat d’un travail de recherche. Il a fallu que des chercheurs à l’esprit créatif se consacrent à la mise au point des voies et moyens qui permettent d’avoir dans sa poche l’internet au moyen des portables sophistiqués pour ne pas dire perfectionnés si bien que deux partenaires d’une communication peuvent se regarder, même s’ils se trouvent en des lieux extrêmes du monde. Le temps consacré à la recherche sur ce plan fait gagner du temps à d’autres qui sans se déplacer, se concertent, se donnent des consignes, planifiant un travail urgent. Des étudiants algériens attachés au mérite ont été suivis dans leurs investigations par des directeurs de recherche se trouvant aux Etats-Unis, en Australie ou au Canada. Quel gain de temps ont-ils ainsi réalisé.

Citations universellement liées au temps

On les emploie familièrement parce qu’elles répondent aux besoins des partenaires de la communication pour être plus précis dans leurs échanges. Un chanteur ancien a dit par souci de langage concret, «le temps tue le temps» pour signifier que le temps qui passe réduit de jour en jour un temps de vie : d’une fleur, d’un animal, d’un être humain. Un philosophe parle dans le même sens en affirmant que l’attente ou l’ennui peuvent rallonger ou raccourcir le temps. Et une parole devenue proverbiale est d’autant plus évidente qu’elle est vérifiée au quotidien : «Chaque jour qui passe est un pas de plus vers la tombe», citation belle par sa forme et son contenu qui revient dans les discussions. De grands hommes de la politique ou de l’histoire connus à l’échelle mondiale, ont inventé sur le temps des expressions ou des pensées souvent citées pour servir d’illustrations dans leurs discours : on fait dire communément pour signifier que l’adversaire est déconnecté ou déphasé : c’est un anachronisme, aller à contre-courant d’un mouvement légitime, des méthodes de travail d’un autre temps indiquant que l’autre a des idées archaïques. On dit aussi mais dans un autre sens : autres temps, autres mœurs. En ces temps de crise, on dit communément que quelqu’un a été un précurseur ou un visionnaire parce que tout ce qu’il a dit pour mettre en garde ses contemporains : «Le temps a fini par lui donner raison. A côté de ces expression de haut niveau, il y a des expressions vulgarisés parce que d’emploi quotidien ou banalisé : le temps perdu ne se rattrape jamais, le temps, c’est de l’argent et il y en a d’autres à la portée des locuteurs de tous les niveaux de langue, contrairement à cette citation d’auteur souvent employée chez nous, en langage populaire : seul le temps peut unir ce qu’un instant a séparé (ou divisé). On a coutume de dire en milieu politique cette belle expression lue chez notre grand homme politique : Ferhat Abbas : on peut tromper un temps, mais on ne peut pas le tromper tout le temps. Les langues populaires de nos anciens artisans du langage comportent des expressions sémantiquement équivalentes. On a entendu dire un célèbre penseur : «Les instants hors des choses ne sont rien», a ceci répondu un autre contemporain lui aussi : «Le réel n’est pas réductible à ce que nous en savons, nous ne pouvons connaître la chose en soi». Le temps étant déterminant pour notre vie a fait dire de manière implicite des idées toujours en rapport avec le temps, à l’exemple de «connaissance a priori/a posteriori».
Abed Boumediene