Exilés volontaires ou forcés

Chanteurs et musiciens émigrés

Il est des exilés aux talents innés et pour qui les pays d’accueil suscitent des vocations de chanteurs ou de musiciens de grande envergure.

Il en est ainsi des Noirs d’Afrique déportés par les Blancs pour être enracinés en Amérique et devenir des esclaves qui, placés dans des conditions de vie des plus inhumaines, ont inventé des genres musicaux devenus des références dans le monde entier. Le jazz comme les blues et le rap, même conçus par des Noirs restent perçus comme des créations géniales dignes d’admiration, autant sinon plus que l’ont été les symphonies de Beethoven ou d’autres musiciens européens.

Des génies en quête d’identité et de considération

Tout le monde connaît El-Hasnaoui, originaire d’un douar proche de la ville de Tizi-Ouzou et qui a fini ses jours à l’île de la réunion, située en plein océan Indien. Ce chanteur exilé à vie a marqué son temps par sa musique vocale et ses thèmes. Il a composé les paroles et une musique sobre adaptée. Tous ses fans ainsi que tous ceux qui comprennent ses chansons s’y retrouvent parce qu’il a toujours su travailler en tenant compte de toutes les préoccupations au quotidien de son public : sentiments, désirs, rêves, exil, misère, problèmes relationnels, etc. Celui auquel nous n’avons pas cessé de penser est Zerrouki Allaoua qui s’est distingué lui aussi par sa thématique et sa voix. Lui aussi ne méritait pas de mourir exilé comme Hnifa, Azem Slimane. Ce dernier a beaucoup plus souffert de l’exil forcé. Cheikh Nordine, qui a joué en duo avec lui dans de nombreux sketchs de haute tenue, l’avait trouvé en train de pleurer de ne pouvoir revoir son pays. Il lui avait rendu une visite inopinée. Slimane, mort en janvier 1983, tenait beaucoup à ses racines au point de désirer ardemment se remettre à vivre au rythme de sa Kabylie natale pour laquelle il s’est consacré corps et âme, dans un décor qui lui était si familier. Ses chansons qui n’ont pas pris une ride resteront à jamais d’actualité et lui-même sera classé dans la catégorie des mythes. Il tient du fabuliste, du meddah, du poète. On se demandera toujours comment des hommes et des femmes nés artistes, aient été obligés de leur temps à s’exiler pour se consacrer à un art de versifier après avoir imaginé et inventé, sous des cieux qui leur étaient totalement étrangers, eux qui avaient été façonnés à l’image de la terre qui les avait vus naître, se débattre dans les pires difficultés pour survivre. Ne méritaient-ils pas plus de considération.

Autres pays, autres chanteurs et musiciens

Ce fut le cas de Carlos Gardel, chanteur et danseur de tango. Il est né en 1980 en Europe, très exactement à Toulouse. A deux ans, il a émigré en Argentine, pays de l’Amérique latine dans lequel, au lendemain de la conquête de l’Amérique, s’est implantée une très forte émigration européenne. A partir de 1910, cette émigration s’est accrue au fil des années. En plus des Espagnols qui avaient élu domicile en tant que conquistadors, on a vu arriver d’autres Européens en mal de changement. Il y eut des Italiens, des Hongrois, des Français, des Bulgares. Les parents de Carlos Gardel en faisaient partie. Avec la diversité ethnique venue de tous les horizons, on a vu se développer en argentine un mélange des cultures, des langues et des comportements. Quel enrichissement pour le pays sans compter que des Noirs vont y être associés, après y avoir été acheminés comme esclaves ! La mère de Carlos était repasseuse et Carlos devint chanteur des lieux publics, débits de boissons. Il a chanté pour gagner sa vie avant de devenir une célébrité. Quel bel itinéraire pour un chanteur de cette trempe !
Abed Boumediène