Le magazine célèbre l’œuvre de Mohamed Dib

«Inzyahat»

Le magazine culturel «Inzyahat» continue de célébrer l’œuvre du grand écrivain algérien Mohamed Dib (1920-2020) à l’occasion du centenaire de sa naissance, à travers plusieurs lectures et présentations de ses textes, comme homme de lettres inventif et humaniste traversant le temps.

«Inzyahat», mensuel arabophone lancé par le ministère de la Culture et des Arts, revient dans son troisième numéro, sur le texte, «Curieux comportement des critiques français et européens à l’égard de nos livres» de Mohamed Dib où il estime que le «jugement» des occidentaux à l’égard d’une œuvre écrite par un auteur maghrébin, n’est «jamais innocent» car, ce n’est plus «l’œuvre d’un homme qui écrit», mais celle d’un maghrébin qui se réfère à son ethnie. Dans sa première parution, «Inzyahat» avait déjà évoqué Mohamed Dib, considéré comme l’un des romanciers les plus importants de l’histoire contemporaine de l’Algérie. Dénonçant le phénomène du racisme dans le monde, à travers plusieurs rubriques, le magazine présente ensuite des textes sur la diversité culturelle, et une contribution sur le phénomène de migration depuis les Etats du Sahel vers les villes du sud de l’Algérie. Le mensuel s’est ensuite penché sur deux ouvrages du philosophe français Edgar Morin, dont une lecture autour de son dernier ouvrage, «Changeons de voie, les leçons du coronavirus», à travers lequel il a tenté de tirer des enseignements de cette pandémie qui a changé le monde.
La parution en «octobre prochain» d’un nouvel ouvrage sur la «singularité» du Français Jean-Paul Sartre, l’«homme avant le penseur et le philosophe» est annoncée dans ce magazine qui consacre également quelques titres à l’évocation de divers hommes de lettres et de culture étrangers. Le mensuel, dont l’intitulé complet est «Inzyahat, esprit du changement», rend hommage à quelques écrivains et artistes disparus, le romancier Malek Haddad, le plasticien Mahjoub Ben Bella et l’artiste peintre allemande Bettina Heinen Ayech, ainsi que l’écrivain et traducteur français Marcel Bois notamment. La littérature jeunesse en Algérie, créneau «marginalisé», est abordée dans ce numéro, ainsi que la «traduction des œuvres littéraires et la question de l’édition», un secteur économique atteint de plein fouet par la pandémie. Le théâtre, le cinéma et les arts plastiques ont également animé les pages de ce troisième numéro, qui s’accompagne d’un supplément intitulé, «Mohamed Dib, lectures multiples pour un parcours différent», consacré à l’auteur de «La grande maison».
Né le 21 juillet 1920 à Tlemcen, Mohamed Dib, qui avait déjà exercé en tant qu’enseignant, comptable, dessinateur ou encore fabricant de tapis, a publié son poème «Eté» en 1946, dans la revue suisse «Lettres», suivi en 1947 de «Véga» dans la revue «Forge» dirigée à Alger par l’écrivain français Emmanuel Roblès. En 1948, lors d’une rencontre organisée par le mouvement de jeunesse et d’éducation populaire à Blida, il fait la connaissance d’Albert Camus, Jean Sénac et de Jean Cayrol, ce dernier va publier ses premiers romans en France. A la sortie de son roman «La grande maison», il travaille en tant que journaliste à Alger républicain et a pour collègue celui qui deviendra le célèbre auteur de «Nedjma», Kateb Yacine. Après le recueil de nouvelles «Au café» (1955), le roman «Un été africain» (1959) et les contes pour enfants «Baba sekrane» (1959), Mohamed Dib entame un nouveau cycle romanesque avec «La danse du roi» (1968), «Dieu en barbarie» (1970) et «Le maître de chasse» (1973) qui explorent la société algérienne postindépendance.
L’auteur gagne encore en notoriété auprès du grand public algérien avec l’adaptation par la télévision de «La grande maison» et de «L’incendie» en feuilleton intitulé «El Hariq», réalisé en 1972 par Mustapha Badie. A cette période Mohamed Dib avait enseigné aux Etats-Unis et se rendait régulièrement en Finlande pour des travaux de traduction d’écrivains finlandais ce qui donnera également naissance à une «trilogie nordique» publiée à partir de 1989 comprenant «Les terrasses d’Orsol», «Neiges de marbre» et «Le sommeil d’Eve». Son œuvre continue de s’enrichir avec des textes pour le théâtre comme «Mille hourras pour une gueuse» présentée au Festival du théâtre d’Avignon en France, ou le récit poétique «L’aube d’Ismaël» (1996) adapté récemment sur les planches. Disparu en 2003 à l’âge de 82 ans, Mohamed Dib aura laissé une œuvre considérée comme «la plus importante de la production algérienne en langue française» de l’avis de l’universitaire Naget Khadda.
R. C.