La crise mondiale 2020/2021 et ses impacts économiques et sociaux

Covid-19

Le monde assiste à une crise inégalée depuis la crise de 1928/1929, contrairement à la crise de 2008/2009 qui touchait la sphère financière, touche à la fois la sphère réelle et par ricochet la sphère financière et la sphère sociale. Les gouvernants se trouvent confrontés à trois dilemmes. Le premier scénario est de continuer le confinement quitte à étouffer la machine économique avec les risques neuro psychologiques et surtout le risque d’exploitations sociales pour ceux qui n’ont pas de revenus et de protection sociale surtout dans des pays où domine la sphère informelle.

L’OCDE distingue les personnes non formées qui sont touchées de plein fouet, des personnes moyennement formées et hautement qualifiées qui peuvent selon les segments trouver du travail mais souvent à temps partiel et pas toujours en adéquation avec le profil de leur formation et avec des rémunérations inférieures à leurs prédécesseurs. Le taux d’emploi étant fonction du taux de croissance et des structures des taux de productivité, l’Organisation internationale du travail, dans son rapport de mai 2020, prévoit un accroissement important des inégalités tant mondiale qu’à l’intérieur des Etats, et du taux de chômage, touchant en premier lieu les pays à économie peu diversifiée et où l’emploi informel, ne bénéficiant pas de protection sociale, est dominant notamment en Asie, Amérique latine et en Afrique dont le Maghreb. Les estimations de l’OIT indiquent une hausse significative du chômage et du sous-emploi dans le sillage du virus où sur les 7 milliards d’habitants pour les pays en voie de développement, Amérique latine, Asie, Afrique, entre 50/80% de l’emploi est dans la sphère informelle sans protection sociale étant avec le confinement une véritable bombe sociale (Abderrahmane Mebtoul : «Le poids de la sphère informelle au Maghreb – Institut Français des Relations Internationales IFRI décembre 2013).
Sur la base de différents scénarios relatifs à l’impact du Covid-19 sur la croissance du PIB mondial (les estimations préliminaires de l’OIT montrent une augmentation du chômage mondial variant de 5,3 millions (scénario «optimiste») à 24,7 millions (scénario «pessimiste») à partir d’un niveau de référence de 188 millions en 2019. Le scénario «moyen» laisse présager une hausse de 13 millions (7,4 millions dans les pays à revenu élevé). Si ces estimations demeurent hautement incertaines, tous les chiffres convergent vers une hausse substantielle du chômage mondial. Par comparaison, la crise financière mondiale de 2008-2009 avait fait augmenter le chômage de 22 millions. En effet, la pandémie de Covid-19 a de lourdes conséquences sur les populations et l’économie, qui restent encore difficiles à évaluer et touchera de manière plus dramatique les pays en voie de développement et notamment africains marqués par une instabilité politique, une mauvaise gouvernance avec un niveau de corruption élevé, des économies structurellement dépendantes de l’exportation de matières premières brutes ou semi brutes, un contexte macroéconomique dégradé et un climat des affaires défectueux. Comme le note un rapport de l’OUA, le continent Afrique est actuellement à l’image d’un patient Covid-19 sous assistance respiratoire.
C’est que la crise actuelle de 2020 a montré toute la vulnérabilité des économies mondiales face à des chocs externes imprévisibles, surtout des pays reposant sur une ressource éphémère dont le prix dépend de facteurs exogènes échappant aux décisions internes. Dans le cadre d’une hypothèse optimiste, la reprise en 2021 ne sera que partielle, car, le taux de croissance se calcule par rapport à la période précédente, un taux de croissance positif en 2021 par rapport à un taux de croissance négatif en 2020 donnera en termes réels un taux de croissance faible, pouvant varier en termes réels entre 0 et 1% pour 2021 (voir notre interview à France 24 et à l’American Herald Tribune le 23 avril 2020). Cette situation sanitaire ayant un impact sur l’économique a conduit à une situation sociale complexe avec l’accroissement des inégalités et du chômage. D’une manière générale, la décroissance via l’importance du chômage est une véritable menace pour la sécurité mondiale impliquant des actions urgentes de mise en place de nouveaux mécanismes de régulation économique et sociale, avec le ciblage des catégories socio-professionnelles, ainsi que le soutien aux entreprises qui s’adapteront aux nouvelles mutations donc concurrentielles avec la nouvelle trajectoire fondée sur la transition numérique et énergétique. Mais non les entreprises structurellement déficitaires qui seront appelées forcément à disparaître dont les aides s’assimileraient à des subventions.
Car une nation ne peut distribuer plus que celle qu’elle produit quitte à accélérer la dérive économique et sociale. Mais cela suppose un système d’information performant comme moyen de ciblage. Comme doit être posée la problématique du remboursement à terme de cet endettement massif tant public et la dette privée beaucoup plus importante, étant un poids que supporteront les générations futures. Et ce, malgré que dans bon nombre de pays l’épargne oisive étant importante mais faute de confiance, la crise accélérant cette psychose, ne se recycle pas dans le circuit productif. En conclusion, la majorité des pays sont fortement connectés à l’économie mondiale notamment bon nombre de pays en voie de développement via les exportations de matières premières, qui leur procurent les recettes en devises. Aussi, il y a urgence de changer de trajectoire économique fondée sur la bonne gouvernance et la valorisation de l’économie de la connaissance, les deux fondamentaux du développement du XXIe siècle afin de concrétiser l’Algérie nouvelle. Pour l’Algérie acteur de la stabilité de la région méditerranéenne et africaine, ayant toutes les potentialités pour devenir un pays pivot, (voir interviews du Pr A. Mebtoul à l’American Herald Tribune 28 décembre 2016 (58 pages) et au quotidien financier français la Tribune.fr mars 2017 «Toute déstabilisation de l’Algérie aurait un impact sur l’espace méditerranéen et africain» et en août 2018 «Le bilan et les perspectives de l’économie algérienne 2018/2020/2030» – en anglais USA), le dialogue productif est l’outil de la bonne gouvernance.
Au moment où l’épidémie du coronavirus a ébranlé tous les pays du monde à la recherche de solutions, il y a urgence, pour des raisons de sécurité nationale afin d’éviter l’épuisement des réserves de change début 2022, une lutte sans merci contre la corruption et la mauvaise gestion passant par de profondes réformes structurelles, si l’on veut mettre en place une économie diversifiée. Et ce en tenant compte des nouvelles transformations du monde entre 2020/2030, dans le domaine sanitaire, économique (transition énergétique et numérique), social, (nécessaire cohésion sociale) culturel, sans oublier le militaire et le sécuritaire comme vient de le souligner avec force le chef d’Etat-major de l’ANP, un pays sans son élite étant comme un corps sans âme, le savoir toujours le savoir…
(Suite et fin)
Professeur des universités, expert international Dr Abderrahmane Mebtoul