Un accord «contraignant» prend forme

Barrage de la Renaissance

Le ministre soudanais de l’Irrigation et des Ressources hydrauliques, Yasser Abbas, a annoncé lundi qu’ un accord «contraignant» a pris forme lors du mini-sommet africain sur la question du barrage de la Renaissance, construit par l’Ethiopie sur le Nil bleu, ouvrant la voie à un accord global sur l’exploitation et le partage des eaux du fleuve.

Lors du mini-sommet africain qui s’est tenu en vidéoconférence, les pays impliqués dans le différend (Ethiopie, Egypte et Soudan) sont parvenus à formuler un accord «contraignant», en d’autres termes «une proposition de compromis sur le volet juridique et technique» lié à l’exploitation et le remplissage du méga-barrage construit en amont du Nil et le partage des eaux du fleuve, source de fortes tensions entre les trois pays. Le mini-sommet africain, présidé par le président sud-africain, Cyril Ramaphosa qui assure la présidence tournante de l’Union africaine (UA), s’était tenu avec la participation du président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, du Premier ministre soudanais Abdallah Hamdok et de son homologue éthiopien Abiy Ahmed. Ont pris part également à la réunion, le chef de la Commission de l’UA, Moussa Faki, ainsi que les dirigeants d’autres pays africains en plus d’une équipe d’observateurs de l’Union européenne et des Etats-Unis. Au cours de la réunion, le président égyptien, al-Sissi, a déclaré que son pays souhaitait «réaliser des progrès sur des questions controversées qui sont essentielles pour parvenir à un accord équilibré» dans les négociations sur le barrage.
Il a souligné que «pour trouver un accord global, il faut une volonté politique de renforcer les possibilités et les efforts pour parvenir à l’accord souhaité qui réalise les intérêts communs des trois pays». A l’issue des travaux du sommet, la présidence égyptienne a annoncé que l’Egypte «était d’accord avec l’Ethiopie et le Soudan pour donner la priorité à la formulation d’un accord contraignant sur les règles de remplissage et d’exploitation du barrage». De son coté, le ministre soudanais de l’Irrigation, Yasser Abbas, a déclaré que le sommet avait souligné l’»importance des solutions africaines à la crise», soulignant «le rejet de son pays pour toute mesure unilatérale» concernant notamment le remplissage du réservoir. Selon l’agence de presse soudanaise (Suna), le rapport des experts sur les aspects juridiques s’est concentré sur «le nœud» des négociations, à savoir, les futurs projets sur le Nil Bleu. Les experts engagés dans le processus des négociations en tant qu’observateurs, ont appuyé la proposition du Soudan de surmonter ce point, en indiquant que le Soudan avait formulé une proposition dans ce sens donnant à l’Ethiopie «le droit de construire des réservoirs ou d’autres projets dans le futur, à condition qu’ils soient conformes au droit international de l’eau, et que le Soudan et l’Egypte soient informés des futurs projets».

Une «grande compréhension» ouvre la voie à un «grand accord»
Côté éthiopien, le Premier ministre, Abiy Ahmed, a constaté une «grande compréhension» lors du mini-sommet africain, ce qui ouvre la voie, a-t-il dit, «à un énorme accord» sur le projet de barrage. Le resonsable a fait part de l’engagement de son pays en faveur d’une négociation «équilibrée», qui conduit à la «réalisation des intérêts de tous lors de la première étape de mobilisation du barrage et de son fonctionnement annuel». En conséquence, l’Egypte, l’Ethiopie et le Soudan se sont entendus pour tenir de nouvelles discussions «techniquesc sur la mobilisation du barrage en vue d’un «accord global». A ce titre, Abiy Ahmed a annoncé l’achèvement de la première étape de remplissage du barrage à la faveur de la saison des pluies. Le Grand barrage de la Renaissance (Gerd), construit par l’Ethiopie sur le Nil Bleu – qui rejoint au Soudan le Nil Blanc pour former le Nil- est appelé à devenir la plus grande installation hydroélectrique d’Afrique. L’Ethiopie juge le Gerd essentiel pour son développement économique. L’Egypte, dont l’irrigation et l’eau potable dépendent à 90% du Nil, le considère comme «une menace grave».
Le projet de barrage Renaissance sur le Nil Bleu a provoqué des tensions dans la région du bassin du Nil depuis que l’Ethiopie a commencé à le construire en 2011. Le ministère de l’Irrigation et des Ressources en eau soudanais a déclaré qu’»il est possible de parvenir à un accord» à la faveur des négociations tripartites en cours entre Khartoum, le Caire et Addis Abeba lié au barrage de la Renaissance construit par l’Ethiopie sur le Nil bleu au sujet duquel l’Egypte évoque des «risques environnementaux». «Les divergences restantes sont limitées et qu’il est possible de parvenir à un accord à leur sujet, et que la conclusion d’un accord nécessite plus d’efforts et de volonté politique», a indiqué le ministère dans un communiqué sur les négociations tripartites repris dimanche par l’agence de presse soudanaise (Suna). Il a été convenu, selon le Caire et Khartoum, de poursuivre les discussions ce dimanche en organisant des réunions bilatérales des observateurs avec les trois pays séparément dans le cadre de travaux pour bénéficier de l’expertise des observateurs et de recevoir leurs propositions si nécessaire concernant les points de discorde.
Les négociations trilatérales entre le Soudan, l’Egypte et l’Ethiopie se sont poursuivies samedi concernant le remplissage et l’exploitation du barrage de la Renaissance, sous les auspices de l’Afrique du Sud, l’actuel président de l’Union africaine, et en présence de représentants de le Conseil de l’Union africaine et des observateurs d’Afrique du Sud, des Etats-Unis et de l’Union européenne en plus de l’équipe d’experts de l’Union africaine, précise-t-on dans le même document. Selon le communiqué, la séance de négociation a examiné les points de vue des trois pays sur les questions controversées, tant dans ses aspects juridiques que techniques, et les observations de chaque partie sur ce qui a été présenté par les deux autres parties. La déclaration a indiqué en outre que «la délégation soudanaise a réaffirmé dans son traitement des questions juridiques sa demande à l’engagement de tout accord, et cela ne sera pas lié aux accords de partage de l’eau», soulignant la nécessité de «convenir d’un mécanisme complet pour résoudre les différends sur l’accord».

Des risques «environnementaux» évoqués par l’Egypte
Par ailleurs, le porte-parole du ministère égyptien de l’Eau et de l’Irrigation, Mohamed El Sebai, a déclaré samedi que les principaux points du différend avec l’Ethiopie au sujet du barrage qu’il construisait sur le Nil «ne sont pas seulement techniques et juridiques, mais il existe un autre point lié à la sécurité du barrage». Le ministre égyptien a parlé en outre de l’existence d’»observations et d’objections égyptiennes aux études qui traitaient des effets environnementaux de la construction du barrage de la Renaissance, en plus de la question de la sécurité du barrage, qui n’a pas été achevée et n’a présenté aucun résultat à ce sujet aux pays en aval (Soudan et Egypte)». Le responsable égyptien a poursuivi : «En conséquence, nous avons de nombreuses préoccupations à cet égard. En cas de dommages survenant dans le barrage de la Renaissance, il pourrait y avoir des effets sur les pays en aval (l’Egypte et le Soudan), le Caire est donc désireux de compléter ce dossier». Il a expliqué que «le différend n’est désormais plus lié juste à la question de la ration de l’eau de l’Egypte, mais plutôt lié à la forme que prendra la coopération et la gestion conjointe du fleuve comme stipulé par le droit international, ainsi que les graves dommages qui pourraient être causés aux deux pays». Le Caire et Khartoum ont assuré le 26 juin dernier que la mise en eau du barrage serait reportée jusqu’à ce qu’un accord soit trouvé. Mais l’Ethiopie a réaffirmé le lendemain sa volonté de commencer à remplir le réservoir de son gigantesque barrage sur le Nil «dans les deux prochaines semaines», tout en s’engageant à essayer de conclure un accord définitif avec l’Egypte et le Soudan pendant cette période, sous l’égide de l’Union africaine. Le Grand barrage de la Renaissance (Gerd), appelé à devenir le plus grand barrage hydroélectrique d’Afrique avec une capacité de production de plus de 6.000 mégawatts, a provoqué de vives tensions avec l’Egypte et le Soudan. Ces deux pays craignent que le barrage de 145 mètres de haut ne restreigne leur accès à l’eau lorsque le réservoir commencera à être rempli en juillet, selon la date initialement indiquée par l’Ethiopie. Le 20 juin, alors que des négociations qui avaient repris se trouvaient au point mort, Le Caire avait appelé le Conseil de sécurité de l’ONU à intervenir. L’Egypte considère ce projet comme une menace «existentielle» et le Soudan a mis en garde contre des «grands risques» pesant sur la vie de millions de personnes. Lundi, les 15 membres du Conseil de sécurité de l’ONU ont soutenu la démarche de l’Union africaine pour régler la crise opposant l’Ethiopie à l’Egypte et au Soudan. L’Ethiopie voit la construction du Gerd comme essentiel à son développement et à son électrification. La construction du méga-barrage a débuté en 2011.
R. I.