Le Maroc utilise la Covid-19 pour «museler davantage» la société

Bloomberg

Au Maroc, les autorités se servent de la crise liée au nouveau coronavirus pour «faire marche arrière» sur les réformes démocratiques, et «museler davantage» la société marocaine qui fait face à «un risque de troubles» accru en raison de la crise sanitaire qui pèse sur l’économie, «dépendante» en grande partie du tourisme, s’alarme l’agence américaine Bloomberg.

Dans un récent article consacré à la situation globale au Maroc dans le contexte actuel marqué par le coronavirus, Bloomberg a fustigé «un recul démocratique» qui s’est illustré par des restrictions, intimidations, arrestations à travers de nombreuses régions marocaines, où le pouvoir utilise la pandémie pour faire taire toute voix «discordante» et «étouffer» les réformes démocratiques. Depuis mars, plus de 80.000 personnes ont été arrêtées pour avoir violé les ordres de bouclage imposé pour contrer le coronavirus, dont 30 militants condamnés à six mois de prison, selon Youssef Raissouni, secrétaire général de l’AMDH, le principal groupe de défense des droits de l’homme du Maroc cité dans l’article. Certains journalistes, «étroitement surveillés» dans le royaume, ont été arrêtés, a-t-il dit. L’article signé par Souhail Karam, a relevé que les autorités ont réprimé les contrevenants au bouclage, qui a pratiquement «fait taire» des villes grouillantes comme Tanger et Marrakech. Ces mesures ont été critiquées par la Commission des droits de l’Homme des Nations unies. Le Parlement marocain, quant à lui, «est mis à l’écart», et ses fonctions de plus en plus « accaparées » par le makhzen, souligne Bloomberg. «Ce genre de reflexe systématique se déclenche chez les autorités marocaines lorsque la situation s’aggrave et la cadence commence à s’accélérer», a déclaré Riccardo Fabiani, directeur de projet à l’International Crisis Group. «Ils doivent avoir le contrôle et écarter les politiciens et les dirigeants élus», en d’autres termes «la façade démocratique». Selon l’auteur, «il y a maintenant une perspective de troubles croissants, alors que l’économie marocaine, dépendante du tourisme, des exportations vers l’Europe et de l’agriculture, est ravagée à la fois par la Covid-19 et par la pire sécheresse depuis une génération». Sur le plan économique, le produit intérieur brut du Maroc pourrait se contracter de 5,2% cette année. Le groupe de réflexion «Centre marocain de conjoncture» estime que 2 millions d’emplois seront perdus dans un pays déjà en proie au chômage des jeunes. «Ce sera la première récession sous le roi Mohammed VI et un test de résilience sans précédent de son règne de 21 ans», estime l’agence américaine. Bien que le bilan officiel du Maroc soit d’environ 285 décès dus au coronavirus, les autorités mettent en garde contre «une période sombre» pour l’économie. Le Maroc a déjà exploité «une bouée de sauvetage» du Fonds monétaire international pour la première fois depuis son accord en 2012 et le gouvernement se prépare à doubler le montant qu’il emprunte à l’étranger.
R. I.