Les axes stratégiques de l’audit sur Sonatrach, pour accroître son efficience

Schéma de production

Lors du Conseil des ministres en date du 12 juillet 2020, le Président de la République Abdelmadjid Tebboune a donné des instructions afin de réaliser un audit profond au niveau de Sonatrach, souhaité par une commission indépendante. Sonatrach ne pouvant être juge et partie. Le Président a relevé la stagnation dans laquelle se trouve ce secteur depuis des décennies, empêtré dans les schémas de production classiques et perdant de vue les énormes potentialités que recèle le pays.

Le Président a relevé la stagnation dans laquelle se trouve ce secteur depuis des décennies, empêtré dans les schémas de production classiques et perdant de vue les énormes potentialités que recèle le pays. Cette présente contribution est une réactualisation de ma contribution parue au niveau de la revue HEC de Montréal (Canada) en décembre 2011, sous le titre «Pour un nouveau management stratégique de Sonatrach» d’une brûlante actualité face à ces nouvelles orientations. Quels sont les axes directeurs d’un nouveau management stratégique de Sonatrach ?

1- Le modèle doit prendre en compte le niveau des réserves d’hydrocarbures à terme, en fonction de cinq facteurs, du vecteur prix international, du coût d’exploitation, de la durée de vie du gisement, des découvertes technologiques et des énergies substituables. Il s’agira donc d’élaborer un modèle de simulation donnant plusieurs variantes en fonction des paramètres et variables -fonction de contraintes qu’il s’agira d’éliminer pour éviter des effets pervers, gérer cette entreprise stratégique pour le pays. La démarche devra être de type itératif. Elle consistera à itérer les séquences en plusieurs étapes : fixer les objectifs d’amélioration des performances reliés à chaque fonction ou à chaque système de gestion, selon une démarche descendante et en vérifier le réalisme (ratios, contexte) ; évaluer l’ordre de grandeur des impacts attendus (gains, qualité, délais, coût…) selon une démarche ascendante ; évaluer les moyens et les délais nécessaires (ordre de grandeur) et enfin vérifier qu’à chaque objectif fixé peuvent être associés des indicateurs de performance faciles à mettre en œuvre. Cette simulation permettra la mise en place de deux ou trois scénarios d’amélioration des performances de Sonatrach tenant compte de l’évolution erratique tant du cours du dollar, de l’euro que du cours du pétrole et du gaz, permettant d’identifier chaque action, décrire le contenu, évaluer les moyens, les délais, les coûts associés à l’action, vérifier le niveau de gain attendu éventuel, rédiger une fiche descriptive de chaque action accompagnée d’un tableau récapitulatif des moyens, coûts et gains attendus et enfin établir un tableau récapitulatif des indicateurs de performance à prévoir. Pour cela, il s’agira principalement d’analyser l’ensemble des règles juridiques influençant le secteur énergétique (environnement légal et institutions publiques), les circuits banques primaires, Banque centrale, Sonatrach pour les conditions de paiement afin d’accélérer la rapidité des opérations, évaluer les structures d’appui professionnelles existantes, les structures d’appui techniques et de formation, l’identification de la stratégie des entreprises concurrentes et des institutions internationales et leurs facteurs-clés de succès pour une comparaison nécessaire de la stratégie internationale des grands groupes pétroliers et gaziers. Cela implique la prise en compte de la comparaison des comptabilités, organisation, filialisation, les récents fusionnements, la concurrence des énergies substituables, de l’environnement avec des activités non polluantes en incluant donc de nouveaux coûts nécessaires tenant compte de cette nouvelle contrainte internationale, la part de marché des pays OPEP et des pays non OPEP, la spécificité régionale du gaz dont la part du marché en Europe du gaz algérien est en déclin, et ses concurrents directs avec l’Iran, le Qatar, la Russie et la Norvège. La description des opérations devrait permettre d’identifier les gisements de productivité et les niches de gains de coûts (comparaison avec des compagnies tests), volume, rentabilité et analyser la stratégie des principales institutions similaires dans le monde sur les plans : technologie, standards et normes, sous-traitance et enfin le conventionnement et ce, afin de réduire les coûts et d’avoir une stratégie agressive afin de prendre des parts du marché tenant compte de la concurrence.

2- Sur le plan comptable, Sonatrach, bien qu’existe une direction, l’audit au niveau de la direction générale établit souvent un bilan consolidé où l’on ne cerne pas correctement les centres de coûts du fait de ce que les économistes appellent les comptes de transfert, pouvant voiler la mauvaise gestion d’une division. Par ailleurs, au niveau des unités de production , la comptabilité établit une valeur globale pour des ventes similaires de certains produits, résultante de la consolidation de produits exportés au prix international et de produits écoulés sur le marché interne à un prix largement plus bas. Aussi faute de comptes physico-financiers à prix constants, les ratios de gestion sont d’une signification limitée pour apprécier la performance. Il en résulte l’urgence de mettre en place des comptabilités analytiques et de mieux adapter les structures organisationnelles à la mission et aux contraintes de Sonatrach, de définir la structure des responsabilités et de concevoir un système d’information efficace, comme indiqué précédemment, fonctionnant sur le principe de réseaux afin de discerner les centres de coûts en temps réel et s’adaptant aux règles internationales du droit des affaires afin d’éviter les nombreux litiges qui engendrent des coûts additionnels. Un audit des immobilisations corporelles et incorporelles s’impose en urgence pour Sonatrach. Il est à rappeler que sur le plan strictement comptable, les immobilisations corporelles comprennent le terrain, les constructions, les installations techniques, matériel et outillage industriels, ainsi que les installations générales, agencements, matériels de transport, matériel de bureau et matériel informatique, mobiliers et emballages récupérables. Dans la comptabilité des sociétés, ne sont pris en compte que les biens dont l’entreprise est propriétaire, les biens corporels loués ne figurant pas à l’actif, ce qui constitue une lacune importante que certaines entreprises internationales comblent en général pour ne pas avoir un bilan biaisé. Quant aux immobilisations incorporelles, elles comprennent les frais d’établissement, les frais de recherche et développement, les concessions et droits similaires, brevets, licences, marques, procédés ainsi que le droit au bail commercial. Ces immobilisations sont souvent traitées d’une manière superficielle alors qu’elles sont déterminantes pour une entreprise comparable à Sonatrach, ce qui renvoie d’ailleurs au nécessaire renouveau du plan comptable national. A court terme pour Sonatrach, il s’agit de préparer un audit opérationnel du patrimoine existant, en le réactualisant à la valeur du marché. Parallèlement un audit technologique et des moyens matériels (fixes et roulants) qui permettront de rentabiliser ce qui existe car le poste services (paiement des connaissances étrangères, l’expert national pour le même travail étant rémunéré actuellement et cela n’est pas propre à Sonatrach, parfois à dix fois moins que l’étranger) et l’immobilisation du parc roulant notamment au niveau de Naftal, sont inquiétants. L’objectif est donc d’évaluer le degré de compétitivité des outils, équipements et immobilisations utilisés dans le contexte d’évolution technologique international. Cette opération d’audit consistera à rassembler l’information sur les caractéristiques techniques, et les conditions de fonctionnement des équipements et de gestion des immobilisations, évaluer ses équipements et immobilisations corporelles et non corporelles, le niveau des stocks dormants, (objectif stock zéro), ces derniers donnant une comptabilité déconnectée de la réalité économique supposant de connaître le niveau d’automatisation, le niveau de performance, les besoins de maintenance non satisfaits, la pertinence des investissements réalisés et enfin la compétence du personnel utilisateur ; les forces et faibles technologiques des équipements, les alternatives stratégiques sur les programmes d’investissements, le besoin de formations techniques et d’acquisitions de savoir-faire et enfin le niveau de maîtrise de la gestion des moyens matériels et des stocks. Ces analyses précédentes supposent un système d’information sous forme de réseaux, base de toute action concrète dont l’informatisation en est la base sous réserve de banques de données fiables. Cet audit préalable des immobilisations devrait permettre une gestion transparente des coûts et des contrats. Ce module dans le plan d’action supposera la description des opérations suivantes : évaluer l’efficacité de la structuration actuelle en fonction des axes stratégiques de Sonatrach, envisager des structures organisationnelles plus adaptées à ses missions, évaluer les systèmes d’information quant à leur efficacité sur le plan délai, coût et atteinte des objectifs. Cela impliquera l’analyse et le test d’efficacité des structures et organigrammes existants, de leur compatibilité avec les contraintes existantes, l’évaluation des circuits et analyser les supports d’information de gestion afin de raccourcir les délais, source de surcoûts et des propositions concrètes pour améliorer l’organisation.

3- L’autre axe stratégique de l’audit est d’évaluer les contrats selon les normes internationales et optimaliser la gestion des ressources humaines, fondement du management de Sonatrach. L’objectif est l’évaluation objective du bilan des contrats toujours en termes de standards internationaux, du partenariat et l’impact de la généralisation des avis d’appel d’offres et des contrats gré à gré prévus par la loi, l’évaluation de la position financière de Sonatrach, ses perspectives et sa structure des coûts d’exploitation, tenant compte des comparaisons internationales. Cela passera nécessairement par la description des opérations suivantes : évaluation de la position financière : structure du bilan, charges (produits), de la reconstitution des centres de coûts pour l’exploitation, de l’évaluation des systèmes de gestion et de l’identification des centres de coût. La mise en place de ces instruments nécessaires dans toute entreprise d’envergure internationale, devrait permettre une amélioration de la gestion des contrats et du développement du partenariat, des projections économiques et financières et enfin la simulation/modélisation, ces actions devant aider à la prise de décision au temps réel.
(A suivre)
Professeur des universités, expert international Dr Abderrahmane Mebtoul