Ibrahim El Khalil ou la patience faites Oumma !

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Au moment où notre prophète Sidna Ibrahim El Khalil (’Alayhi Essalam) s’avança vers son fils Ismaïl pour l’égorger, il devint à cet instant même «Hanif» et rentra dans «l’intimité de Dieu». Il confirma, au-delà de tout ce qu’il est possible de supporter pour un père, son monothéisme et sa soumission et rentra en adoration du Dieu unique comme le premier et le plus sincère des musulmans. En même temps qu’il s’apprêtait au sacrifice suprême, en obéissance aux anges qui le visitèrent en rêve, il fonda pour les hommes une Oumma, celle des croyants, qui ne cesse depuis de s’essayer à se conformer à la Sunna des Prophètes. Sidna Ibrahim (’Alayhi Essalam) en prenant Allah en témoin de sa foi, affirme la responsabilité des actes de chaque individu devant Dieu, brisant définitivement l’ordre tribal qui était le sien pour lui substituer celui de la lente émergence de la modernité, dans une dialectique entre le temporel et le spirituel qui affirme l’universalité de son ouverture au monde naissant. La Nation des croyants repose donc sur les cinq piliers de l’Islam tels que révélés par le Prophète Mohammed (QSSL) et sur une valeur exceptionnelle qui nous caractérise depuis les temps de Sidna Ibrahim (’Alayhi Essalam) : la patience responsable. C’est cette dernière distinction essentielle qui a façonné l’esprit singulier de ceux qui cherchent en Dieu, individuellement, leur élévation morale et qui en société trouvent en l’Etat, un moyen de tendre vers l’équité sociale d’entre les hommes. De même le «Hirak béni», ne cédant jamais à la colère de ceux qui cherchent à le duper est profondément imprégné des attitudes qui ont fondé la geste islamique. Nous ne pouvons en comprendre le sens profond et complet sans se référer à des qualités anthropologiques, acquises au fil des générations depuis les temps immémoriaux de nos premiers prophètes, émergeant comme des vertus concrètes, c’est-à-dire sociales, s’exprimant dans le rapport que les musulmans ont entre eux-mêmes et d’avec le monde, convaincus que la cosmogonie et la cosmologie ne sont que deux faces d’une même pièce non pas en opposition mais en interaction intime tant l’homme est immanence en besoin sans fin de transcendance.

Qui ne se souvient de cette vidéo qui a fait le tour des réseaux sociaux d’un défilé à Tizi-Ouzou, au pic du «Hirak béni», au moment où tous les muezzins de la ville appelaient à la prière ? Immédiatement et dans une simultanéité à couper littéralement le souffle, les manifestants se sont immédiatement imposés un silence… religieux. La spontanéité d’une telle attitude enseigne plus qu’elle ne renseigne sur la profondeur civilisationnelle de notre société qu’une approche superficielle lui dénierait. Les hommes sont égaux devant Dieu, principe intangible qui crée de facto les conditions culturelles du civisme ! Ce sont pourtant les mêmes qui hurlaient à tue-tête, à peine quelques instants auparavant, «Algérie libre et démocratique», slogan phare du courant dit «laïque», cherchant à imposer une citoyenneté réductrice, là où l’Islam appelle à la fraternité d’entre tous les hommes qu’elle que soit la nature des régimes politiques et des organisations souveraines.
C’est cette même fraternité en humanité sans frontières, qui s’exprime lorsque s’impose le silence, au passage d’un hôpital, en respect dû aux malades et en reconnaissance de la volonté divine qui éprouve les hommes, tous les hommes ! Que ceux qui s’essayent à la sociologie à trois sous, ne confondent pas, la réalité de ce mouvement social exceptionnel, aussi bien dans sa concrétude que dans son imaginaire spirituel et les vidéos manipulatrices du comportement provocateur d’agents en missions commandées, destinées à nous faire croire que notre jeunesse a perdu les valeurs de ses ancêtres. Ces généralisations hâtives sont instrumentalisées par ceux qui, au sein du régime néo-rentier cherchent à mettre au pas un mouvement de revendication de droits populaires légitimes, en prétextant de l’ignorance faussement essentialisée attribuée aux couches les plus démunies, alors que ce sont ces masses oubliées de la rente pétrolière qui constituent le cœur battant et fondateur du «Hirak béni».

La patience une philosophie de l’action!
A Tizi-Ouzou comme dans le reste de la nation, hors période du Covid-19, les mosquées sont pleines. Parmi les sourates qui y sont récitées, celle de La Vache (Al Baqara – Sourate II) où il est dit au verset 153 : «Vous qui croyez, demandez une aide à la patience, à la prière, Dieu est avec les patients». (Le Coran, essai de traduction par Jacques Berque, dans l’édition revue et corrigée de 1995). La pandémie du Covid-19, les pièges dans lesquelles cherchent à nous faire tomber les fractions réactionnaires d’un régime pourrissant qui s’effondra le 22 février 2019, les manœuvres incendiaires grossières, au sens propre comme au sens figuré de ceux qui ne croient qu’en la vie d’ici-bas et ses faveurs strictement matérielles, ne sont pas des malédictions divines pour punir un peuple mécréant. Cette interprétation conservatrice, fait peu de cas de l’exemplarité portée par l’histoire de nos prophètes.
Ce sont plutôt des épreuves que Dieu nous adresse pour tester et donc renforcer notre Foi, comme il le fit, toutes proportions gardées, pour le Prophète Ibrahim El Khalil (‘Alayhi Essalam) découvrant l’immense miséricorde divine sous la forme d’un bélier présenté par un ange, sans qu’une seule goutte de sang humain ne soit versée, comme fut immaculé le pacifisme du mouvement social en puissance de ses revendications jusqu’à faire tomber les symboles de ceux qui osèrent se comparer au Créateur. En cette semaine où s’ouvre à nous la confirmation d’une lutte de plus longue durée contre la pandémie, en perspectives d’efforts redoublés, nous renouvelons notre serment dans un avenir meilleur, car le Saint Coran nous enseigne le frère jumeau de la patience, la résilience. Dans la même sourate (versets 155-157) n’est-il pas dit : «Que cependant nous vous éprouvions par un peu de crainte, de faim, de diminution dans vos biens, votre personne et vos fruits ! Portez-en la bonne nouvelle aux patients, à ceux qui, lorsqu’un malheur les touche, disent : Nous appartenons à Dieu, nous retournerons à Lui», certains que d’Allah ne peuvent venir que des bénédictions.
C’est ainsi que nous vaincrons la Covid-19 comme les ennemis de la nation, alliant la résilience et la discipline sociale en Islam, comme le symbolisent les rangs impeccables de droiture lorsque notre peuple se range comme un seul homme derrière sa Foi, en prières incessantes pour le triomphe du bien contre le mal. C’est dans la piété, renforcée de nos rites fondateurs que se trouvent la force de notre Peuple car «la piété ne consiste pas à tourner votre tête du levant au couchant. Mais la piété consiste à croire en Dieu, au Jour dernier, aux anges, à l’Ecrit, aux prophètes, à donner de son bien, pour attaché qu’on y soit, aux proches, aux orphelins, aux miséreux, aux enfants du chemin, aux mendiants et pour (l’affranchissement) de nuques (esclaves), à accomplir la prière, à acquitter la purification, à remplir les pactes une fois conclus, à prendre patience dans la souffrance et l’adversité au moment du malheur : ceux-là sont les véridiques, ce sont eux qui prémunissent» (Sourate II, La Vache, verset 177).

Dieu n’aime pas les iniques !
La patience en Islam n’est donc pas résignation mais bien au contraire action dans l’accomplissement obstinée du bien, comme le port de la bavette par exemple. Les exégètes religieux qui expliquent la patience en Islam comme une théologie du renoncement confondent l’obéissance à Dieu avec l’acceptation fataliste de l’ordre social inique. En vérité le Saint Coran révoque radicalement le paganisme, inégalitaire jusque dans l’ordonnancement des idoles de l’ordre ancien, pour annoncer le seul étalon valable et incontestable, celui du Jour du Jugement dernier, de la miséricorde divine une et indivisible d’entre les hommes. Il le fait de la manière la plus évoluée qui soit en «Un Ecrit que Nous faisons descendre à toi pour que tu tires les hommes des ténèbres à la lumière, avec l’autorisation de leur Seigneur, sur la voie du Tout-Puissant, du Digne-de-Louange» (Sourate 14, Abraham, verset 1). Et est-ce vraiment le fruit du hasard, lorsque nous prenons la peine en ces jours de piété, de relire la Sourate consacrée à Sidna Ibrahim (‘Alayhi Essalam) d’y trouver au verset 13, «les dénégateurs dirent à leurs envoyés : <Bannis soyez-vous de notre terre, à moins que vous ne reveniez à notre secte>.
Lors leur Seigneur révéla aux envoyés : «Oui ! que nous abolissions les iniques» ! Comment dès lors affirmer que l’Islam est la religion du conservatisme alors qu’il est un appel constant au renversement de l’ordre incrédule, de ceux qui érigent l’argent en nouvelle divinité contre leur peuple et leur nation ? Et lorsque Sidna Ibrahim dans la même Sourate 14, en souffle d’avec Dieu implore Allah, c’est pour lui adresser un vœu aux versets 40 et 41 : «Mon Seigneur, fais de moi celui qui accomplit la prière, fais-le aussi de mes descendants, notre Seigneur, accepte mon invocation», «notre Seigneur pardonne-moi, ainsi qu’à mes parents, et aux croyants, le Jour où se dressera le compte»…et Dieu de répondre au verset 42 : «Non ne croit pas que Dieu reste indiffèrent aux actions des iniques. Seulement, Il les ajourne au Jour où le regard fixe, hagards», «le col tendu, ils courront, la tête basse, sans pouvoir ciller, le cœur béant…» (Verset 43). La patience en Islam n’est pas indifférence. Elle est la lente construction en Foi, en civilisation, en établissement d’un rapport social favorable aux classes populaires, de la cité idéale des Croyants sans jamais pouvoir atteindre la félicité, mais dans une tentative à jamais renouvelée de se conformer aux préceptes de Dieu l’Unique.
Il faut absolument relire la Sourate XIV, celle consacrée à Ibrahim et avoir en tête les évènements qui traversent le pays. Non pas pour figer une interprétation spéculative du texte coranique – ce qui serait ridicule – mais pour en tirer des leçons de vie intangibles (chacun à son niveau) quant à la prétention de certains hommes qui ne se résignent pas à comprendre qu’il n’y a point de salut en dehors d’une praxis sociale aussi vertueuse que les bienfaits attendus d’une entrée au Paradis de Dieu. Car l’attitude des hommes sur Terre et dans le Ciel sera la même ! Cette fusion des pratiques de l’homme dans sa vie de tous les jours et du sacré qui entoure chacun de ses gestes, jusque dans les expressions linguistiques les plus banales, fonde à tout jamais la puissance matérielle et spirituelle du musulman. Son lieu d’expression première est la mosquée aujourd’hui fermée pour cause de pandémie. Jamais de mémoire d’homme une telle épreuve ne nous fut imposée. C’est par la patience, vertu cardinale de l’Islam, que nous devons y répondre et peut-être qu’en fin de cet examen, Dieu nous récompensera d’une Algerie Nouvelle que le «Hirak béni» n’a de cesse d’appeler de manière responsable et pacifique en droite lignée de ses croyances les plus légitimes.
Brazi