Décentralisation et restructuration des partis politiques et de la société civile comme facteur de développement

Face à la crise économique et sociale, les défis de l’Algérie de 2020/2025

Pour éviter des conflits bloquant le redressement national durant cette phase de transition en attendant la reconfiguration politique, la révision constitutionnelle doit tenir compte des nouvelles mutations sociologique, culturelle, politique, économique et géostratégique en institutionnalisant le fonctionnement de la société au sein d’une économie ouverte se fondant sur une réelle décentralisation.

La réorganisation du pouvoir local dont la base est l’APC est fondamentale pour une société participative et citoyenne.

1- Une situation socio-économique préoccupante
Fin mai début juillet, la Banque mondiale anticipait une récession pour l’Algérie en 2020 de moins 6,4%, le FMI plus de 5% et la Banque africaine de développement (BAD) plus de 4%. Selon les données de l’ONS publiées le 25 juillet 2020, au 1er trimestre 2020, l’économie algérienne a enregistré une croissance négative de -3,9%, contre une croissance positive (+1,3%) à la même période de 2019 avec une baisse du taux de croissance du Produit intérieur brut (PIB) hors hydrocarbures de l’ordre de -1,5% contre +3,6% à la même période 2019. Cela corrobore les prévisions de la loi de Finances complémentaires 2020 qui se fonde sur le prix fiscal de 30 USD et sur le prix de marché de 35 USD est le prix au-delà duquel, si cela se réalise, le surplus sera versé au Trésor public, dans le Fonds de régulation des recettes. Cela montre la dépendance accrue vis-à-vis de la rente des hydrocarbures dont le prix échappe à toute décision interne représentant avec les dérivées 98% des recettes en devises. Mais le fait le plus important est la baisse des exportations d’hydrocarbures à 17,7 milliards de dollars, contre 35, 2 milliards de dollars prévus dans l’ancienne loi de Finances et si le cours moyen se maintient à 40 dollars le baril les recettes foin 2020 devraient se situer entre 20/21 milliards de dollars sachant que 33% des recettes de Sonatrach proviennent du gaz dont le cours a chuté par rapport à 2010 de plus de 75% (moins de 2 dollars le MBTU sur le marché libre). Le déficit budgétaire devrait atteindre -1 976,9 milliards de dinars, soit -10,4% du Produit intérieur brut (PIB) (contre -1 533,4 milliards de dinars, soit -7, 2% du PIB dans la loi préliminaire). La balance des paiements enregistrant un solde négatif de -18,8 milliards de dollars, contre 8,5 milliards de dollars dans la loi de Finances préliminaire, alors que niveau des réserves de change devrait reculer plus fortement que prévu d’ici à la fin 2020 pour atteindre 44,2 milliards de dollars contre une prévision initiale de 51,6 milliards de dollars.
Cela a un impact sur le taux de chômage avec une population dépassant 44 millions en 2020 et une population active de plus de 12,5 millions, avec une demande additionnelle d’emplois annuellement entre 300 000/350 000 qui s’ajoute au taux de chômage actuel, chaque perte d’un point de taux de croissance selon l’OCDE , avec la crise actuelle (licenciement et sous activités) entraînant 350 000 chômeurs de plus. Si l’on prend les données pour 2019, le taux de croissance moyen de 2% en Algérie et celles de la Banque mondiale du 8 juin 2020 – moins 6,4% (recul 8,4%) celles de la Banque africaine de développement de début juillet 2020 – scénario pessimiste moins de -5,4% et modéré -4,4%, et les données de l’ONS de juillet 2020, de moins 3,9%, nous aurons un stock additionnel de chômeurs pour 2020 en Algérie qui varierait entre 2 500 000 et 1 800 000. Cela n’est pas propre à l’Algérie, et devant tenir compte non des emplois rente mais des emplois de valeur ajoutée et de l’importance de la sphère informelle (j’ai eu à diriger pour le 4e Think Tank mondial l’Institut des relations internationales IFRI, Paris, décembre 2013, c’est un dossier complexe). En période de crise et c’est une loi universelle applicable à tous les pays, cette sphère s’étendant et son intégration dépend fondamentalement du retour à la confiance et d’une nouvelle régulation d’ensemble tant de la société que de la politique socio-économique. La sphère informelle contrôle selon la Banque d’Algérie plus de 33% de la masse monétaire en circulation, plus de 40/45% de l’emploi concentré dans le commerce, les services, les saisonniers dans l’agriculture, et plus de 50% de la valeur ajoutée hors hydrocarbures.
Les mesures autoritaires bureaucratiques produisent l’effet inverse et lorsqu’un gouvernement agit administrativement et loin des mécanismes transparents et de la concertation social, la société enfante ses propres règles pour fonctionner qui ont UNE valeur de droit puisque reposant sur un contrat entre les citoyens, s’éloignant ainsi des règles que le pouvoir veut imposer reposant sur LA CONFIANCE. Environ 40/45% de la population active est dans cette sphère, soit 5/6 millions sont sans protection sociale rendant difficile leurs prises en charge. Ils sont sans revenus pour bon nombre qui ont cessé leurs activités, sans compter que bon nombres de ménages vivent dans deux trois pièces plus de 5/8 personnes avec des impacts psychologiques avec le confinement. Et l’on devra prendre en compte, à l’avenir la réforme du système des retraites qui sera le grand défi des années à venir, le vieillissement de la population, où la moyenne d’âge des deux sexes selon le rapport de l’ONU 2018, est à environ 78 ans de durée de vie. D’où l’importance pour l’Algérie d’éviter le mythe que les exportations de matières premières brutes et semi brutes, ne donnant pas de rente, mais un profit juste moyen, fonction de la rentabilité, ou le mythe monétaire financement non conventionnel qui risque de conduire à une dérive inflationniste, l’Algérie contrairement aux pays développés souffrant de rigidités structurelles et non conjoncturelles, devant comparer le comparable comme l’économie vénézuélienne et non les USA et l’Europe qui reposent sur une économie productive. D’où l’importance face à la crise de réaliser la symbiose Etat citoyens passant par une réelle décentralisation.

2- Dépasser cette situation en redynamisant les collectivités locale
Cellule de base par excellence, la commune algérienne a été régie par des textes qui ne sont plus d’actualité, autrement frappée de caducité. L’objectif central de notre analyse se veut une tentative devant transformer la commune «providence» à la commune «entreprise».  Etre au rendez-vous de ce troisième millénaire est la nature du défi que doit relever notre société, en améliorant sa productivité, à partir de la promotion des innovations technologiques, de leur adaptation au contexte socio-économique et culturel algérien, et de leur traduction en valeur ajoutée, au bénéfice d’un développement global, source de richesses, d’équité, de cohésion et de quiétude sociale. Au-delà de cette vision saine qui régule le fonctionnement des Etats civilisés de ce monde, il n’y a que pérennisation du sous développement et par conséquent, marginalisation de pans entiers de la société. Relever ce défi, c’est aspirer au statut d’une nation émancipée, clairvoyante dans son devenir, pertinente dans ses choix et acquise aux valeurs universelles du travail, source unique et pérenne de la vraie richesse. Cela suppose que toutes les composantes de la société et les acteurs de la vie économique, sociale et culturelle soient impliqués sans exclusive, dans le processus décisionnel qui en gage la configuration de l’image de l’Algérie de demain qui devra progressivement s’éloigner du spectre de l’exclusion, de la marginalisation et de toutes les attitudes négatives, qui hypothèquent la cohésion sociale.
L’implication du citoyen dans le processus décisionnel qui engage l’avenir des générations futures, est une manière pour l’Etat, de marquer sa volonté de justice et de réhabiliter sa crédibilité en donnant un sens positif à son rôle de régulateur et d’arbitre de la demande sociale. L’Etat soucieux du regain de sa crédibilité, devra se manifester par sa présence et sa disponibilité d’écoute au niveau des APC, voire des quartiers et centres ruraux, où ses actions doivent être les plus perceptibles. La commune devra donc, assurer sa mutation profonde, pour devenir un espace de convivialité qui intègre dans sa démarche, l’action citoyenne du mouvement associatif. L’implication de la société civile dans les affaires de la cité est un acte éminemment civilisationnel, qui intègre les changements d’une société en pleine mutation et une manière d’aboutir, à un projet de progrès pour nos communes. Après la «commune providence» du tout Etat, l’heure est au partenariat entre les différents acteurs de la vie économique et sociale, à la solidarité, à la recherche de toutes formes de synergie et à l’ingénierie territoriale. C’est dans ce contexte, que la commune doit apparaître comme un élément fédérateur de toutes les bonnes volontés et initiatives qui participent à l’amélioration du cadre de vie du citoyen, à la valorisation et au marketing d’un espace. L’objet stratégique est de jeter les bases de la profonde la réflexion qui nous interpelle quant au nouveau rôle que doivent assurer les communes dans le paysage économique et institutionnel qui prend forme.
L’Etat se retire progressivement de la gestion directe de l’économie, pour se consacrer aux missions stratégiques d’animation, d’organisation et de régulation du développement économique et social du pays. En tant que responsable de la politique économique et animateur – régulateur, l’Etat aura vraisemblablement à se dessaisir des charges d’administration en rapport avec la gestion des territoires des communes, pour permettre à ces dernières d’assumer pleinement leurs missions de managers de leurs espaces respectifs. A la commune pourront sans doute échoir les charges de production des services publics de base, de l’organisation du cadre de vie et de l’aide sociale de proximité. La commune devra être ainsi un service public de proximité, nécessairement attentif à l’écoute du citoyen et du mouvement associatif. En relation avec la responsabilité d’administration de son territoire, la commune aura aussi la charge directe de promouvoir et d’animer le développement de cet espace. Ce volet concerne certainement la mission la plus novatrice qu’aura à assumer la commune, dans la mesure où elle aura à s’assimiler à une entreprise rompue aux techniques modernes de management et capable de générer des richesses à partir de la valorisation de ses ressources propres pour le financement de son développement économique et social.
C’est à la commune que reviendra ainsi la charge de promouvoir son espace pour l’accueil des entreprises et de l’investissement. Le double objectif recherché serait la création de ressources fiscales et la promotion de l’emploi de proximité. Avec le nouveau système politique, la commune aura par ailleurs et naturellement à se constituer en centre d’apprentissage de la démocratie de proximité qui la tiendra comptable de l’accomplissement de ses missions. Selon les missions évoquées, la commune doit se préparer à une mutation radicale devant faire passer du stade de collectivité locale providence gestionnaire des concours définitifs de l’Etat, à celui de collectivité entreprise responsable de l’aménagement, du développement et du marketing de son territoire. Cette mutation soulève évidemment la question des moyens et surtout celle de leur optimisation. La reforme de la fiscalité en cours prend en principe en charge les ressources propres dont doivent disposer les communes, selon les compétences qui leur seront attribuées, ainsi que les péréquations qui permettront d’aider les moins favorisées d’entre elles.
L’image de la commune manager repose sur la nécessité de faire plus mieux avec des ressources restreintes. Il n’y aurait donc plus de place pour le gaspillage et le droit à l’erreur, ce qui exclut obligatoirement le pilotage à vue, au profit des actions fiabilisées par des perspectives de long terme d’une part, et les arbitrages cohérents d’autre, qu’implique la rigueur de l’acte de gestion. On peut dire que le débat non clos sur les fonctions essentielles de la commune, est en fait, un débat sur la répartition des compétences entre l’Etat et les collectivités et que quelles que soient les limites de ce partage de prérogatives, la commune providence devra nécessairement laisser place, à la commune entreprise, dont l’efficacité se mesurera à ses capacités d’ingénierie territoriale et d’audit social. La maîtrise des finances locales et le développement économique doivent être placés au cœur des préoccupations des communes. Pour répondre à cet enjeu majeur, on doit miser sur la valorisation du territoire et l’organisation du développement autour d’espaces cohérents.

3- La reconquête des espaces d’exclusion et de marginalisation
L’effort d’investissement consenti par l’Etat, à travers les différents plans de développement, a quelque peu favorisé les grands centres urbains du pays, au détriment des campagnes qui se sont progressivement dévitalisées.
(A suivre)
Professeur des universités, expert international Dr Abderrahmane Mebtoul