L’Algérie face aux nouvelles mutations gazières mondiales et à la baisse drastique du prix de cession du gaz

Enjeux géostratégiques énergétiques

En cette période où dominent les réseaux sociaux et l’information en temps réel, nos responsables doivent avoir une communication transparente, pour la crédibilité du pays, surtout sur un dossier sensible qui engage la sécurité nationale, les hydrocarbures, procurant 98% des recettes en devises au pays. Selon la majorité des experts internationaux en énergie une OPEP/Gaz n’est pas pour demain du fait de la segmentation du marché-gaz et de la prépondérance des canalisations avec un objectif régional. L’objet de cette présente contribution, par un discours de vérité, analyse les impacts des mutations gazières mondiales sur l’Algérie où le prix de cession du gaz a connu une baisse de plus de 75% en 10 ans et procurant 33% des recettes de Sonatrach.

En 2018, selon l’AIE nous avons la répartition suivante 33,1% de pétrole, 27,0% de charbon, 24,2% de gaz naturel, 4,3% de nucléaire et 11,5% d’énergies renouvelables (hydroélectricité 6,5 %, éolien 2,2%, biomasse et géothermie 1,0%, solaire 1,1%, agro-carburants 0,7%). Concernant le gaz naturel, il se trouve sous la surface de la Terre et se compose principalement de méthane et d’autres hydrocarbures. Il est principalement utilisé pour la production d’électricité, le chauffage et comme gaz de cuisson. Le gaz peut également être utilisé pour la climatisation, l’éclairage et comme carburant de remplacement pour les véhicules. Le gaz naturel est considéré comme l’un des combustibles fossiles les plus propres car il émet moins de carbone (environ 50% de moins que le charbon) et d’autres polluants comme les oxydes de soufre et d’azote. Nous avons deux types de gaz naturel sur le marché à savoir le gaz naturel et le gaz naturel liquéfié. Le gaz naturel est issu des combustibles fossiles et est composé de matières organiques en décomposition qui sont rejetées dans le sol depuis plusieurs centaines de millions d’années et est acheminé à travers les canalisations. Nous avons le gaz naturel liquéfié, il est un gaz naturel qui a été changé à l’état liquide de manière à le transporter et le stocker plus facilement. En effet, les gisements de gaz naturel étant souvent éloignés d’une grande partie des consommateurs de cette énergie, son transport à l’état gazeux est risqué et coûte cher. Aussi et en le refroidissant, il est possible de le transformer en gaz naturel liquide. Il existe deux marchés principaux sur lesquels s’échange le gaz naturel mondial.

Le plus important est le Nymex ou New-York Mercantile Exchange situé aux Etats-Unis, et le second, le NBP ou National Balancing Point de lIPE ou International Petroleum Exchange situé à Londres. Il existe d’autres marchés plus petits comme le TTF des Pays-Bas ou celui de Zeebruge en Belgique. Entre 2018/2019, avant l’épidémie du coronavirus, selon Cedigaz, la demande a augmenté renforçant sa place dans le mix énergétique. En 2018, les flux internationaux de GNL ont représenté un volume estimé provisoirement à 311 Mt, selon Cedigaz, en hausse de 8,5% par rapport à 2017. Le GNL représente aujourd’hui, un tiers des échanges gaziers, la croissance des importations de GNL a été concentrée en Asie du nord-est (Chine et Corée du Sud), où le gaz joue un rôle accru pour la production d’électricité et le chauffage. La Chine contribue le plus fortement à la croissance de la demande de GNL mondiale, avec plus de 60% de l’augmentation totale des échanges. Les réserves mondiales prouvées sur un total de 197 394 milliards de mètres cubes gazeux (données de 2018/2019) nous avons par ordre décroissant : Russie 47 800 milliards de mètres cubes, Iran 33 500, Qatar 24 300, USA 8 714 , Arabie saoudite 8 602, Turkménistan 6 061, Venezuela 5 702, Nigeria 5 284 et Chine 5 194 et pour l’Algérie entre 2 500 et 3 000 selon la déclaration de l’actuel ministre de l’Energie avant sa nomination et le communiqué du Conseil des ministres de 2014, les données de 4 500 étant celles de BP des années 2000. Les 10 principaux pays producteurs de gaz naturel par ordre décroissant sont la Russie qui représente, à elle seule, 20% de la production mondiale de gaz naturel et est également le plus gros exportateur, au deuxième rang avec la révolution du gaz de schiste étant devenu exportateur en Europe, les États-Unis d’Amérique, puis vient le Canada (troisième position), le Qatar quatrième position, l’Iran ayant été déclassé suite aux sanctions américaines, suivi de la Norvège, la Chine, l’Arabie saoudite et l’Algérie qui vient en neuvième position. Ces données doivent être interprétées avec précaution car on peut découvrir des milliers de gisements, mais non rentables selon les normes financières en fonction des coûts d’exploitation et de l’évolution du prix international, lui-même, fonction de la demande et de la concurrence des énergies substituables. Quant à certains experts qui parlent d’un marché OPEP gaz à l’image de l’OPEP pétrole, il y a lieu de souligner que le marché du gaz n’est pas en ce mois d’août 2020, un marché mondial mais un marché segmenté par des zones géographiques alors que le marché pétrolier est homogène, du fait de la prépondérance des canalisations, étant impossible qu’il réponde aux mêmes critères, la solution étant une coopération au sein du FPEG qui est constitué de 11 pays membres (5 en Afrique (Algérie, Égypte, Guinée équatoriale, Libye, Nigeria) -2 au Moyen-Orient (Iran, Qatar) ; -3 en Amérique du Sud (Bolivie, Trinité-et-Tobago, Venezuela) et la Russie, 9 pays non-membres ayant un statut d’observateur : l’Angola, l’Azerbaïdjan, les Émirats arabes unis, l’Irak, le Kazakhstan, la Malaisie, la Norvège, Oman et le Pérou, les États-Unis, un des premiers producteurs mondiaux de gaz, ne font en revanche pas partie du FPEG. Pour arriver un jour, à un marché du gaz qui réponde aux normes boursières du pétrole (cotation journalière), il faudrait que la part du GNL passe de 30% à plus de 80%. D’ici là, car les investissements sont très lourds, tout dépendra de l’évolution entre 2020/ 2030/2040, de l’alimentation de la demande en GNL, qui sera fonction du nouveau modèle de consommation énergétique mondial, qui s’oriente vers la transition numérique et énergétique avec un accroissement de la part du renouvelable, de l’efficacité énergétique et entre 2030/2040 de l’hydrogène qui risque de déclasser une grande part de l’énergie transitionnelle. Qu’en est-il pour l’Algérie où selon le bilan de Sonatrach en 2019, environ 33% de ses recettes, auxquelles il faut déduire les coûts et la part des associés dépendant du gaz naturel pour avoir le profit net.

La structure entre les exportations du gaz naturel à travers les deux grandes canalisations Medgaz via Espagne capacité, de 8 milliards mètres cubes gazeux et Transmed via Italie entre 35/40 milliards de mètres cubes gazeux, étant actuellement en sous capacité, représente environ 75% du total en direction de son marché principal l’Europe, et le GNL environ 25% qui lui procure plus de flexibilité, l’Algérie est fortement concurrencée entre 2019/2020/2025 par le GNL américain, russe, qatari ayant installé de grandes capacités deux à trois fois celle de l’Algérie, et pour le gaz par canalisation par la Russie, le North Stream (55 milliards de mètres cubes de capacité et le South Stream (capacité de 63 milliards de mètres cubes gazeux) sans oublier les importantes découvertes en Méditerranée avec la fameuse canalisation Israël/Europe, opérationnelle en principe vers les années 2023/2025. N’oublions pas également la concurrence africaine dont le Nigeria (le projet Nigal avec l’Algérie étant au point mort) et le Mozambique, le pays abritant les plus grandes réserves des pays d’Afrique de l’Est, avec près de 5 000 milliards de mètres cubes, sur deux blocs offshore dans la province de Cabo Delgado à l’extrême nord du pays et d’ici 2025/2030, le Mozambique risque de devenir probablement le quatrième exportateur mondial de gaz derrière les USA, le Qatar et l’Australie. L’Algérie pour pouvoir exporter en Asie, il lui faudra contourner toute la corniche de l’Afrique posant la problématique de la rentabilité, outre les coûts d’exploitation s’ajoute un coût de transport exorbitant, ne pouvant pas concurrencer la Russie avec le gazoduc Sibérie Chine, appelé «Power of Siberia», plus de 2 000 km à la frontière chinoise, acheminant chaque année en Chine 38 milliards de mètres cubes de gaz russe horizon 2024/2025, un contrat estimé à plus de 400 milliards de dollars sur 30 ans, signé par Gazprom et le géant chinois CNPC, sans compter l’Iran et le Qatar proches de l’Asie. En fin de compte, tout dépendra pour que l’Algérie pénètre le marché mondial du coût nécessitant un nouveau management stratégique de Sonatrach dont le compte d’exploitation depuis plusieurs décennies dépend fondamentalement de facteurs externes échappant à sa gestion interne, le vecteur prix international, ce qui a conduit d’ailleurs le Président de la République à exiger une audit de cette société. Car le prix au niveau mondial entre 2007/ et août 2020 a baissé de plus de 75%, beaucoup plus que le pétrole étant passé de 15/16 dollars pour le GLN à 4/5 dollars et de 9/10 dollars pour le gan naturel – GN – ayant fluctué entre 2019/2020 pour la même période entre 1,7 et 2,5 dollars le MBTU, étant coté le 6 août 2020 à 2,20 dollars le MBTU sur le marché libre. Mais récemment entre janvier 2020 et août 2020, l’on devra tenir compte de la cotation dollar/euro qui s’est dépréciée de plus de 11%, en raison des incertitudes de l’économie américaine et surtout du gonflement du déficit budgétaire le ramenant au prix constant de janvier 2020 à moins de 2 dollars le MBTU rendant non rentable certains gisements marginaux dont le coût est élevé par rapport à ses concurrents. Il en est de même du cours du pétrole coté le 8 août 2020 à 44,89 dollars le Brent où à prix constant de janvier 2020, le cours réel est de 39,95 dollars, le gain nominal étant contrebalancé par une hausse de la facture d’importation libellée en euros, devant donc dresser la balance devises. En résumé, l’énergie est au cœur de la souveraineté des États et de leurs politiques de sécurité. Le monde s’oriente 2020/2030, inéluctablement vers un nouveau modèle de consommation énergétique fondé sur la transition énergétique. Les dynamiques économiques modifieront les rapports de force à l’échelle mondiale et affecteront également les recompositions politiques à l’intérieur des États comme à l’échelle des espaces régionaux, d’où l’importance de comprendre les enjeux géostratégiques énergétiques afin de trouver des solutions adéquates, loin des discours irréalistes. Professeur des universités, expert international
Dr Abderrahmane Mebtoul