La sécurité nationale de l’Algérie face à la crise libyenne et aux tensions géostratégiques au niveau de la région

Libye

La dernière édition de la revue El Djeïch de l’ANP (août 2020), a mis en relief que «l’évolution de la situation en Libye peut être source de défis et de menaces sur notre sécurité nationale et que la sécurité de la Libye participe de la sécurité de l’Algérie». C’est que la Libye, porte de l’Europe et de l’Afrique, situation géographique stratégique, avec 42 milliards de barils de pétrole et entre 1 500/2 000 milliards de mètres cubes gazeux et d’autres richesses colossales, pour une population ne dépassant pas 7 millions d’habitants, suscite des convoitises et explique les tensions où s’affrontent par groupes interposés, les grandes puissances. Globalement, aujourd’hui, les menaces sur la sécurité ont pour nom terrorisme, prolifération des armes de destruction massive, crises régionales et délitement de certains Etats.

Dans cette perspective, le commandement militaire algérien a adopté un plan de sécurité concernant les zones frontalières portant plus précisément sur quatre axes :
– rencontres bilatérales entres structures en charge de la protection de la frontière commune ;
– coordination des actions sur le terrain et la mise en place d’une coopération opérationnelle pour lutter contre le terrorisme, la contrebande et la criminalité transfrontalière ;
– instauration d’un partenariat en matière d’échange de renseignements ;
– échange des expériences dans les domaines de la sécurité des frontières, de la lutte contre la criminalité et la formation spécialisée au profit des cadres militaires afin d’accroître leurs compétences.
Pour l’Algérie, il y a l’urgence d’une coopération tant régionale que mondiale dans la lutte contre la criminalité transnationale nécessitant une coopération en réseaux passant par l’amélioration des bases de données afin de lutter efficacement contre le crime transfrontalier et le terrorisme. D’une manière générale, sur le plan militaire et géo-stratégique, c’est à travers les activités du groupe dit des «5+5» que peut être appréciée aujourd’hui la réalité d’une telle évolution. (Etude du professeur Abderrahmane Mebtoul parue à l’Institut Français des Relations Internationales (IFRI Paris France) «la coopération Maghreb Europe face aux enjeux géostratégiques» (novembre 2011) – chapitre III – «la stratégie de l’OTAN et des «5+5» face aux enjeux géostratégiques en Méditerranée»). Il s’agit donc de lever les contraintes du fait que la corruptibilité générale des institutions pèsent lourdement sur les systèmes chargés de l’application des lois et la justice pénale en général qui ont des difficultés à s’adapter aux nouveaux défis posés par la sophistication des réseaux du crime organisé.
La collaboration inter-juridictionnelle est ralentie par l’hétérogénéité des systèmes juridiques notamment en Afrique du Nord et en Afrique noire. La porosité des frontières aussi bien que la coordination entre un grand nombre d’agences chargées de la sécurité aux frontières posent de grands problèmes. À terme, la stratégie vise à attirer graduellement les utilisateurs du système informel vers le réseau formel et ainsi isoler les éléments criminels pour mieux les cibler tout en diminuant les dommages collatéraux pour les utilisateurs légitimes. Mais, la lutte contre le terrorisme implique de mettre fin à cette inégalité tant planétaire qu’au sein des Etats où une minorité s’accapare une fraction croissante du revenu national enfantant la misère et donc le terrorisme, renvoyant à la moralité de ceux qui dirigent la Cité. C’est que la lecture que font la plupart des dirigeants de la planète vis-à-vis des menaces et défis auxquels le monde et notre région sont confrontés, repose essentiellement sur la nécessité de développer ensemble une stratégie de riposte collective reposant sur un partenariat gagnant-gagnant et sur un co-développement, car le tout sécuritaire pour le sécuritaire a des limites et les responsables algériens chargés de la sécurité en sont conscients, existant des liens dialectiques entre développement et sécurité.
L’énergie peut être un puissant facteur de coopération et d’intégration entre les deux rives de la Méditerranée via l’Afrique et fournir le lien structurant qui permettra la réalisation d’une suite de projets concrets, mais aussi de préparer l’élaboration d’un concept stratégique euro-africain. Il y a trois théâtres d’opérations en Méditerranée dans le domaine énergétique selon mon ami, le polytechnicien Jean Pierre Hauet de KP Intelligence (France). Le premier théâtre est celui des énergies renouvelables (éolien, solaire à concentration, photovoltaïque) qui s’est caractérisé par le lancement de grandes initiatives fondées sur l’idée que le progrès technique dans les lignes de transport à courant continu permettrait de tirer parti de la complémentarité entre les besoins en électricité des pays du Nord et les disponibilités en espace et en soleil des pays du Sud. Aujourd’hui le projet Desertec est plutôt en berne, du fait notamment du retrait de grands acteurs industriels, Siemens et Bosch, et du désaccord consommé entre la fondation Desertec et son bras armé industriel la Desertec Industrial Initiatitive (Dii).
La Dii poursuit ses ambitions d’intégration des réseaux européens, nord-africains et moyen-orientaux, cependant que la Fondation Desertec semble à présent privilégier les initiatives bilatérales au Cameroun, au Sénégal et en Arabie Saoudite. Le deuxième théâtre d’opérations est plus récent : il a trait à la découverte à partir de 2009, de ressources pétrolières et gazières en off shore profond, dans le bassin levantin en Méditerranée Est. Le troisième théâtre d’opérations a trait à la prospection et à la mise en valeur éventuelle des gaz de schiste dont le premier producteur sont les Etats-Unis d’Amérique. Pour l’Algérie, l’objectif stratégique est la transformation profonde de ses institutions et de son économie, et sa projection dans un avenir que les grandes nations préparent aujourd’hui avec la plus grande rigueur : un partenariat de choix avec les puissants de ce monde et une position «pivotale» dans l’espace géopolitique africain et dans l’environnement géopolitique euro-méditerranéen et africain.
Dans ce cadre, l’Algérie peut être un facteur de prospérité et de stabilité partagée au niveau de la région méditerranéenne et africaine où l’énergie peut jouer un rôle moteur dans la mesure où les pays de la Méditerranée sont tous confrontés au problème de la sécurité énergétique, pouvant représenter un lien très fort entre le nord et le sud de la Méditerranée, via l’Afrique (conférence du Pr A. Mebtoul devant les officiers supérieurs à l’Ecole supérieure de Guerre, l’Algérie acteur stratégique dans le domaine énergétique mars 2019). En résumé, je suis persuadé, en fonction de son histoire mouvementé depuis des siècles et de ses potentialités actuelles, notre peuple trouvera sans nul doute les ressources morales et psychologiques qui lui permettront, comme il l’a fait maintes fois face à l’adversité, de transcender avec dignité et honneur les rancunes et les haines tenaces.
C’est pourquoi, comme je l’ai démontré récemment dans une longue interview au quotidien américain American Herald Tribune du 28/12/2016 et au quotidien financier français La Tribune FR du 7 mai 2017, l’Algérie est un acteur stratégique de la stabilité de toute la région, conditionnée par des réformes dans un mouvement historique positif. C’est un passage obligé vers la reconquête de notre cohésion nationale et la construction d’un front intérieur solide et durable en faveur des réformes politiques et socio-économiques dans les domaines militaires, sécuritaires, politiques, économiques, sociales et culturelles dont le pivot sont la bonne gouvernance et le savoir.
(Suite et fin)
Professeur des universités, expert international Dr Abderrahmane Mebtoul