L’UE gagnerait à avoir une approche plus réaliste de ses relations avec l’Algérie

Ali Bey Naceri

L’Europe gagnerait à avoir une vision stratégique concernant l’approche de ses relations avec l’Algérie dans tous les domaines, et à ne pas s’en tenir aux seuls aspects commerciaux. Sur onze années, les exportations de quatre pays de l’Union européenne vers l’Algérie (Allemagne, France, Espagne et Italie), se sont chiffrées à environ 250 milliards de dollars, contre à peine 14 milliards de dollars pour cette première.

La mauvaise application de l’Accord d’association de l’Union européenne a donc, tout naturellement, amené l’État algérien à réclamer sa révision, sur la base du principe gagnant -gagnant. Lors de son intervention à l’émission «L’Invité de la rédaction» de la Chaîne III de la radio algérienne, le président de l’Association des exportateurs algériens, Ali Bey Naceri, a estimé que le fait de revoir le contenu de cet accord, élaboré en 2002, «manquant d’équilibre», à un moment, rappelle-t-il, où l’Algérie était confrontée à une situation politique extrêmement difficile. Pour réaliser ce «rééquilibrage», ce dernier appelle à revoir les articles «qui sont pénalisant s» pour le partenaire algérien. Pour l’exemple, il cite l’article 34 relatif à la compensation signifiant que si on protège un produit, on est dans l’obligation de le compenser, «ce qui n’a jamais été fait». Il observe qu’en 2010, des suites d’une baisse importante de ses exportations, l’Algérie avait demandé un «deal» de trois ans, pour rendre son industrie plus compétitive, constate-t-il, «rien n’a été fait». Le partenaire européen n’a pas donné à l’outil algérien l’occasion de se mettre à niveau.
Par ailleurs, l’intervenant juge comme «pas normal» que le pays importe des produits dérivés de la pétrochimie, relevant au passage son abandon d’un «gros projet», lancé en 2007, produisant pour 10 milliards de dollars et «abandonné peu après». M. Ali Bey Naceri juge, également, «pas normal» que l’Algérie n’exporte pas des services alors que, constate-t-il, «notre voisin de l’Ouest exporte pour 8 milliards de dollars et celui de l’Est pour 5 milliards de dollars», alors que tout récemment encore, ajoute-t-il, «nous importions pour 15 milliards de dollars», entièrement à la charge de l’État. Citant, par ailleurs, «un seul produit», celui de la filière sucre, ce dernier rappelle que le pays dispose d’un contingent de 150.000 tonnes/an, exonérées en principe des droits de douane. Or, observe-t-il, l’absence d’exonération de ce droit par l’UE s’est soldée par la perte pour le Trésor algérien, de quelque 202 milliards de dollars.
À partir de ce constat, l’intervenant appelle à renégocier l’accord d’association avec l’UE relatif aux produits alimentaires dont l’Algérie, déclare-t-il, peut prétendre recevoir des investissements et qui, «pour le moment ne représentent qu’un pour cent de notre production agricole». Pour l’invité, «il est temps de faire un diagnostic stratégique» avec l’UE et les experts algériens pour déterminer les secteurs à même de permettre de nous intégrer dans la chaîne des valeurs économiques régionales. Rappelant que l’accord global d’association avec l’Union européenne comporte des volets économiques, mais également politiques, sécuritaires et culturels, celui-ci souligne que l’Europe a «tout intérêt» à avoir un partenaire «fort», le partenariat n’étant pas une simple question d’intérêts étroits «de certains pays et de certaines filières». D’autre part, pour M. Naceri, «l’État ne doit plus parler avec lui-même». Il est impératif, indique-t-il, d’impliquer désormais le secteur économique productif national dans toutes les négociations qu’il entreprend avec des partenaires étrangers.
Djamila Sai