Analyser lucidement les sept impacts de l’épidémie du Coronavirus via la baisse du cours des hydrocarbures, sur l’économie algérienne

Conférence nationale pour une économie nouvelle et plan de relance socio-économique

J’ai bien reçu une aimable invitation du Premier ministre en date du 14 août 2020 pour participer à la rencontre au plan de relance pour une économie nouvelle qui se tiendra les 18-19 août 2020 au Palais des nations, Alger, et qui rentre dans le cadre des instructions de M. Abdelmadjid Tebboune, Président de la République. J’ai tenu à le remercier, néanmoins ne résidant plus à Alger, je ne pouvais honorer cette aimable invitation à laquelle j’ai été très sensible. Toutefois, j’ai transmis à cette conférence qui engage l’avenir du pays, tant le diagnostic de la situation socio-économique 2000/août 2020 que des propositions concrètes de sortie de crise 2020/2030, inséparables tant de l’impact de l’épidémie du coronavirus sur l’économie mondiale que du contexte politique interne. (Voir nos différentes contributions sur le site www.algerie1.com). Car à un mauvais diagnostic résulte forcément de mauvaises solutions. Aussi, s’impose un bilan serein de la situation actuelle et des solutions adéquates pour faire face à la crise qui secoue pas seulement l’Algérie mais le monde (voir notre interview à la télévision américaine Al Hurra du 11/8/2020).

Quatrièmement sur le déficit budgétaire où les prévisions de la loi de Finances complémentaire 2020 qui se fonde sur le prix fiscal de 30 USD et sur le prix de marché de 35 USD est le prix au-delà duquel, si cela se réalise, le surplus sera versé au Trésor public, dans le Fonds de régulation des recettes, le fait le plus important est la baisse des exportations d’hydrocarbures à 17,7 milliards de dollars, contre 35, 2 milliards de dollars prévus dans l’ancienne loi de Finances. Le déficit budgétaire devrait atteindre -1 976,9 milliards de dinars, soit -10,4% du Produit intérieur brut (PIB) (contre -1 533,4 milliards de dinars, soit -7, 2% du PIB dans la loi préliminaire). La balance des paiements enregistrant un solde négatif de -18,8 milliards de dollars, contre 8,5. Dans ce cadre, il faut éviter les utopies de la panacée de la finance islamique qui représente moins de 1% au niveau mondial, sa réussite reposant sur la visibilité de la politique socio-économique, la maîtrise de l’inflation liée à la cotation du dinar, et surtout de la confiance Etat-citoyens (voir notre interview mensuel financier Le Capital.fr-Tv France 24 avec l’AFP du 13 août 2020).

– Cinquièmement, sur l’évolution des réserves de change qui ont évolué ainsi : – 1999 : 4,4 milliards de dollars, – 2005 : 56,2 milliards de dollars, – 2008 : 143,1 milliards de dollars, – 2009 : 147,2 milliards de dollars, – 2010 : 162,2 milliards de dollars, – 2011 : 175,6 milliards de dollars, – 2012 : 190,6 milliards de dollars, – 2013 : 194,0 milliards de dollars, – 2017 : 97,33 milliards de dollars, – 2018 : 79,88 milliards de dollars, – 2019 (avril) : 72,60 milliards de dollars fin 2019 : 62 milliards de dollars, – fin 2020, avant l’épidémie du coronavirus, les prévisions de la loi de Finances complémentaire sont de 44,2 milliards de dollars contre 51,6 prévu dans la loi initiale. Le FMI avant la crise prévoyait 33,8 milliards de dollars fin 2020, le trésor français 36 milliards et fin 2021, début 2022, entre 12/13 milliards de dollars. Dans la loi de Finances préliminaire, alors que le niveau des réserves de change devrait reculer plus fortement que prévu d’ici à la fin 2020 pour atteindre 44,2 milliards de dollars contre une prévision initiale de 51,6 milliards de dollars. Mais tout dépendra à la fois des importations ne pouvant pas tout restreindre, quitte à étouffer tout l’appareil productif, produire plus au niveau interne fonction de la balance devises pour éviter l’expérience malheureuse des usines de montage de voitures et bon nombre d’autres projets «fictifs», lutter contre les surfacturations et une meilleure gestion interne. Sour réserve de ces conditions, les réserves de change pourraient être clôturées fin 2021 début 2022 entre 21/22 milliards de dollars.

A court terme, si le cours moyen 2020 est d’environ 40 dollars en termes réel et le cours du gaz naturel supérieur à 5 dollars le MBTU qui a chuté de plus de 75% entre 2008/2020 (moins de 2 dollars le MBTU en juillet 2020), procurant selon le bilan de Sonatrach de 2019, environ 33% de ses recettes brutes, devant soustraire les coûts et la part des associés, et le manque à gagner de la réduction de la production décidée par l’OPEP pour l’Algérie d’environ 3 milliards de dollars en moyenne annuelle, au cours moyen de 40 dollars, les recettes fin 2020 devraient clôturer entre 21/22 milliards de dollars. – Sixièmement sur le taux d’inflation qui influe sur le pouvoir d’achat compressé en Algérie par les transferts sociaux généralisés et non ciblés qui dépassent les 9% du PIB, dont l’indice se calcule par rapport à la période précédente. Ainsi un taux d’inflation faible en T1 par rapport à un taux d’inflation élevé par rapport à To donne cumulé un taux d’inflation élevé et se pose la question de l’évolution du salaire réel par rapport à ce taux cumulé.

Le taux officiel été selon le site international financier Index Mundi de 1999 à fin 2019 de 89,5% évoluant ainsi : 1999, 4,2%- 2000, 2,0%- 2001, 3,0%- 2002, 3,0%-2003, 3,5%- 2004-3,1%-2005, 1,9%- 2006, 3,0%- 2007, 3,5%- 2008, 4,5% – 2009, 5,7%,-2010, 5,0%-2011, 4,5%-2012, 8,9% (après les augmentations de salaires) – 2013, 3,9%-2014, 2,9%- 2015, 4,2%-2016, 5,9%-2017, 5,6%-2018, 5,6%-2019, 5,6%. Pour l’Algérie s’impose une révision de l’indice pour tenir compte de l’évolution des besoins nouveaux, où l’immatériel tend à prendre une proportion croissante et devant impérativement analyser les liens entre croissance, répartition du revenu national et modèle de consommation par couches sociales, un indice global ayant peu de signification. – Septièmement, sur la cotation du dinar où la valeur d’une monnaie dépend avant tout du niveau de la production et de la productivité interne et la capacité d’un pays à pénétrer le marché international et où l’évolution du cours officiel du dinar est fortement corrélé aux réserves de change via les recettes d’hydrocarbures à plus de 70%. Pour la période 1970 à 1999, nous avons la cotation suivante avec une cotation administrative jusqu’à fin 1992 :

– 1970, : 4,94 dinars un dollar, -1990 : 12,02 dinars un dollar, -1991, 18,05 dinars un dollar, -1994 : 36,32 dinars un dollar, -1995 : 47,68 dinars un dollar -1999 : 66,64 dinars un dollar. Pour la période de 2001 à fin juillet 2020, nous avons la cotation suivante : -2001 : 77,26 dinars un dollar 69,20 dinars un euro : -2005, 73,36 dinars un dollar, 91,32 dinars un euro : – 2010, 74,31 dinars un dollar et 103,49 dinars un euro : -2015, 100,46 dinars un dollar et 111,44 dinars un euro : -2016 :100,46 dinars un dollar et 111,44 dinars un euro : -2017 : 110,96 dinars un dollar et 125,31 dinars un euro : – 2018 : 116,62 dinars un dollar et 137,69 dinars un euro : -2019 :119,36 dinars un dollar et 133,71 dinars un euro :- 02 août 2020 :127,95 dinars un dollar et 150,93 dinars un euro. Tout dérapage du dinar par rapport au dollar et à l’euro permet d’augmenter artificiellement la fiscalité hydrocarbures (reconversion des exportations hydrocarbures en dinars) et la fiscalité ordinaire (via les importations tant en dollars qu’en euros convertis en dinar dévalué), cette dernière accentuant l’inflation (équipements, matières premières, biens finaux), montant accentué par la taxe à la douane s’appliquant à la valeur dinar, étant supportée en fin de parcours, par le consommateur comme un impôt indirect, l’entreprise ne pouvant supporter ces mesures que si elle améliore sa productivité.

Pour suppléer au déficit budgétaire, le recours à la planche à billets après l’épuisement du Fonds de stabilisation du pétrole (FRR) pour financer le déficit budgétaire, la Banque centrale a recouru à ce mécanisme de mi-novembre 2017 à avril 2019, ayant mobilisé 55 milliards de dollars, soit l’équivalent de 32 % du PIB de 2018. Ce financement, outre l’effet inflationniste, comme au Venezuela, favorise, contrairement à certains discours, la baisse la baisse des réserves de change puisque en mettant à la disposition de certaines entreprises des dinars, (70% des matières premières et des équipements des entreprises publiques et privées étant importées, le taux d’intégration ne dépassant pas 15/20%), ces dernières se porteront importatrices en devises en biens et services. En cas de baisse drastique des réserves de change à 10/12 milliards de dollars, qui tiennent la cotation du dinar algérien à plus de 70%, la Banque d’Algérie sera contrainte de dévaluer le dinar officiel à environ 200/220 dinars un euro avec une envolée du cours sur le marché parallèle, la cotation actuelle sur ce marché n’étant pas significative du fait de l’épidémie du coronavirus qui limite la demande, étant difficile de combler l’écart avec le marché parallèle, l’allocation de devises pour les ménages étant dérisoire. En conclusion, l’Algérie possède encore quelques leviers pour dépasser la situation actuelle, dont le stock de la dette extérieure au 1er janvier 2019 étant relativement faible, ayant atteint 5,710 milliards de dollars, selon la Banque mondiale, contre 5,707 milliards de dollars à fin 2017.

Par contre la dette publique pourrait s’établir à 61% du PIB fin 2020 selon le trésor français, contre 36% en 2018 et 46,3% du PIB en 2019, d’autres estimations donnant 57% entre 2019/2021. Cela n’est pas propre à l’Algérie avec l’accroissement de la dette publique des Etats. Aussi, l’avenir de l’économie algérienne repose sur six paramètres stratégiques : Premièrement sur la une plus grande cohérence des institutions des institutions centrales et locales par une dé-bureaucratisation, autour de cinq à six grands pôles régionaux, donc une véritable décentralisation qui paralyse les initiatives créatrices et non une déconcentration néfaste, deuxièmement, la réforme urgente du système socio-éducatif, du primaire au secondaire et le supérieur y compris la formation professionnelle, le savoir pilier du XXIe siècle, le foncier et le système financier (douane, fiscalité, domaine, banques), lieu de distribution de la rente et enjeu énorme du pouvoir, troisièmement, la maîtrise de la dépense publique, des coûts et la lutte contre les surfacturation et la corruption, quatrièmement, à moyen et long terme l’économie est dépendante de la croissance hors hydrocarbures s’insérant dans le cadre de la quatrième révolution économique mondiale fondée sur la transition numérique et énergétique, cinquièmement, la maitrise de la pression démographique et de l’urbanisation pour un espace équilibré et solidaire, sixièmement, entre 2020/2025, l’économie reposera encore pour longtemps sur le cours des hydrocarbures, impliquant un nouveau management de Sonatrach, expliquant l’audit exigé par le Président de la République.

Nous devons être réaliste devant évier les déclarations euphoriques sur le mythe de l’exportation des matières premières brutes dont les prix notamment du fer et du phosphate, nécessitant de lourds investissements exigeant un partenariat étranger, ont chuté depuis 10 ans d’environ 30/40%, procurant juste un profit moyen, et si les projets sont opérationnels 2022, le seuil de rentabilité ne sera atteint pas avant cinq à six ans. L’Algérie ne peut continuer à fonctionner entre le budget d’équipement et de fonctionnement, selon le FMI, à un cours variant entre 95/100 dollars le baril et donc a besoin d’une cohérence dans sa politique socio-économique (pour un bilan et les défis de l’Algérie face aux enjeux géostratégiques -interview 11 août 2018 American Herald Tribune USA, Dr Abderrahmane Mebtoul : «Algeria Still Faces Significant Challenges» et sur l’impact de l’épidémie du coronavirus sur les tensions sociales au niveau de l’économie mondiale American Herald Tribune février 2021 et AfricaPresse Paris mai 2020). Pour se projeter sur l’avenir, l’Algérie nouvelle impose une nouvelle gouvernance, un langage de vérité, la moralité des gouvernants, de rétablir la confiance pour sécuriser son avenir, de s’éloigner des aléas de la mentalité rentière, de réhabiliter le travail et l’intelligence, de rassembler tous ses enfants et toutes les forces politiques, économiques et sociales, en tolérant les différentes sensibilités mais évitant la division sur des sujets secondaires. Il y va de la sécurité nationale.
(Suite et fin) A. M.