La cigale et la fourmi

Littérature populaire

Notre littérature populaire regorge d’histoires d’animaux, et leurs auteurs pour la plupart restés anonymes ont inventé des maximes et proverbes en se fondant sur leur vécu.

Malheureusement, chez nous, cette littérature populaire dite orale, gardée jalousement par les peuples soucieux de sauvegarder leur identité, est en voie de disparition, faute de transmission des vieux aux jeunes totalement déconnectés par rapport à notre patrimoine moral et culturel hérité de nos aïeux et perpétré au fil des générations. Aujourd’hui, la jeunesse préfère les chaînes de télévision étrangères et l’internet alors qu’elle n’a pas été préparée à la sélection et aux dangers de la perversion qui nous viennent de loin.

Ce que symbolise la cigale
C’est un insecte qui vit pleinement en période de grande chaleur. On dit qu’elle chante et d’autant plus fort que la chaleur est plus cuisante. On est arrivé même à croire que la canicule la stimule. Que doit-elle faire durant la période froide, pluvieuse ou neigeuse, sinon venteuse ? On ne sait pas. Peut-être qu’elle hiberne, elle-même ou ses œufs qui éclosent dès les premiers signes de l’été, pour donner naissance à d’autres cigales. Pendant que d’autres espèces animales, y compris dans les insectes, travaillent en prévision des mauvais jours, à l’image de l’abeille qui fabrique du miel. La cigale qui passe son temps à chanter, symbolise ce qu’il y a de pire chez l’homme : l’insouciance sur laquelle insistent les fabulistes pour attirer l’attention de tous sur ses conséquences graves.
Ainsi va la jeunesse de chez nous, aujourd’hui, qui n’a aucun souci de leur avenir et de devenir de leur pays avec une génération qui ne fait aucun effort pour travailler, oubliant qu’il n’y a point de progrès sans peine. On ne se rend pas compte que les portables qui se perfectionnent sans cesse, les ordinateurs sophistiqués dans toutes ses formes, l’internet qui nous met devant tout ce que l’homme a produit au fil du temps, sont le fruit d’un travail acharné et continu. Nous en sommes, nous les consommateurs pour ne pas dire des esclaves inconscients des technologies modernes nouvellement nées et en perpétuel perfectionnement. A propos des jeunes, le peintre génial Issiakhem a été un visionnaire. En tous les cas nous nous retrouvons dans la description qu’il en a fait il y a de cela trente-deux ans, à la veille de sa mort. «Les jeunes de chez nous avait-il dit, aiment la fleur sans l’avoir plantée».

La fourmi la prévoyante
Les conteurs ont pour habitude de mettre en scène des personnages animaux aux particularités opposées. Que ce soit dans la tradition littéraire algérienne, les fabulistes des pays de culture orale ou écrite, on a trouvé «Le loup et l’agneau», symbolisant la cruauté et la douceur, le corbeau et le renard l’un naïf et l’autre rusé, quelquefois, on complexifie l’histoire par adjonction d’un troisième personnage donnant à voir un très beau trio. La fourmi est présentée comme une travailleuse infatigable qui s’approvisionne en nourriture pendant tout le temps qu’il fait beau. Elle a eu raison d’envoyer promener la cigale lorsque celle-ci était venue lui demander à manger sitôt qu’elle avait cessé de chanter, le froid et la pluie l’en ayant empêchée. «Vous avez chanté tout l’été et bien, dansez maintenant !» lui a-t-elle dit.
Et où en est-on aujourd’hui ? Lorsque rencontre une fourmi on l’écrase. On ne sait pas que c’est un être minuscule dont le Coran a palé pour ses capacités à pouvoir s’organiser et à travailler sans relâche pour se mettre à l’abri des besoins en aliments. C’est une famille animale comparable à celle des abeilles, parce qu’elle a un monde de reproduction, de respiration, d’alimentation, de défense et qui doit avoir un langage, un moyen de détection des aliments et transport. Les ethno zoologues sinon les sociologues du même domaine s’inspirent de ces familles animales qui pour repenser l’avenir de l’homme.
Abed Boumediene